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Denis Mandry (Lalique) : « Notre business plan est ambitieux, mais dépend de la géopolitique »
Bas-Rhin # Luxe # Investissement

Denis Mandry (Lalique) : « Notre business plan est ambitieux, mais dépend de la géopolitique »

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Elle a beau avoir près de 100 ans, la cristallerie alsacienne Lalique compte fortement accroître son chiffre d'affaires sous cinq ans. Pour cela, l'unique site de production du suisse Lalique Group va être étendu et le réseau de boutiques développé, notamment en Inde.

— Photo : © Roland Letscher

Le Journal des Entreprises : Alors que Lalique s’apprête à fêter ses 100 ans, la cristallerie va faire peau neuve. Pouvez-vous nous en dire plus ?

Denis Mandry : Nous nous apprêtons en fait à célébrer un double centenaire. En 2020, nous fêterons les 100 ans de la Villa Lalique, un hôtel 5 étoiles et restaurant gastronomique, basés à Wingen-sur-Moder. La verrerie, devenue cristallerie en 1945, a quant à elle été mise en service en 1921, dans cette même commune du Bas-Rhin. Un autre centenaire nous attend donc en 2021.

À cette date, la cristallerie, qui produit principalement des vases, des sculptures et des pièces d’art de la table, aura été transformée. En effet, nous avons déposé un permis de construire pour la construction d’un nouveau bâtiment. L’extension de 1 000 m² accueillera un nouveau procédé de polissage à l’acide, plus moderne et répondant aux nouvelles normes. Dans un deuxième temps, nous restructurerons l’ensemble de la production : les ateliers seront repensés en fonction des flux pour limiter la manutention. L’investissement est chiffré à environ cinq millions d’euros.

Cet agrandissement fait suite à un vaste plan d’investissement, réalisé il y a quelques années…

D.M : En 2008, lorsque la Maison Lalique a été reprise par le groupe suisse Art & Fragrance, une douzaine de millions d’euros ont été investis dans la cristallerie. À l’époque, la superficie a été doublée et l’outil de production a été modernisé. Cette opération a été lancée en pleine crise de 2008, afin de gagner en productivité, alors que nous sortions de trois années de pertes. Les effets positifs de cet investissement se sont fait ressentir à partir de 2011 et le groupe enregistre aujourd’hui un chiffre d’affaires de 136 millions de francs suisses (124 M€). L’objectif à cinq ans est de réaliser une progression de chiffre d’affaires de l’ordre de 5 à 8 % par an.

Comment parvenir à ces objectifs ?

D.M : Notre business plan est ambitieux. Il faut espérer que la conjoncture ne nous surprenne pas, l’activité étant réalisée à 80 % à l’international. Cela passe à travers les gains de productivité escomptés avec la restructuration de l’usine, mais aussi à travers l’élargissement du réseau commercial. Notre réseau de boutiques en propre, en franchises et les détaillants sont présents sur les cinq continents, à travers nos filiales aux États-Unis, au Royaume-Uni, au Japon, à Hong Kong, en Chine et à Singapour. Cette présence nous assure de toujours vendre dans une partie du monde, même si la géopolitique en décide autrement ailleurs. Le réseau de boutiques grandit à raison de trois à quatre ouvertures par an et la prise de participation, cet été, du groupe indien DS dans le groupe Lalique, nous ouvre des perspectives en Inde.

« Lalique a créé il y a sept ans sa propre école de formation. Depuis nos débuts, nous enregistrons 74 % de réussite. »

Par ailleurs, la Maison Lalique cherche de plus en plus à réaliser du co-branding avec des marques de luxe, telles que Bugatti, McLaren, Caran d’Ache ou encore des artistes et architectes, comme Pierre-Yves Rochon. L’activité du groupe repose sur six piliers (cristal, parfums, bijoux, décoration intérieure, art et restauration-hôtellerie) qui s’alimentent les uns et les autres. Par exemple, en développant la branche lifestyle avec nos deux hôtels-restaurants en Alsace, la Villa Lalique et le Château Hochberg, ainsi que notre château à Sauternes, nous en faisons des lieux de showroom pour nos objets exposés en décoration. De plus, le groupe est devenu, au printemps dernier, copropriétaire la distillerie écossaise de whisky The Glenturret, dont l’activité pourra trouver un écho avec d’autres piliers du groupe.

La cristallerie produit des pièces haut de gamme nécessitant des savoir-faire particuliers. Le besoin en main-d’œuvre est-il satisfait ?

D.M : En 2018, nous sommes passés de 225 à 265 salariés pour renouveler les effectifs et anticiper les départs en retraite. En France, il existe deux écoles de formation aux métiers du verre et du cristal, à Sarrebourg, près d’ici, et à Moulins, dans l’Allier. Pourtant, la relève n’est pas assurée avec ce qui est proposé par l’Éducation nationale. C’est la raison pour laquelle Lalique a créé, il y a sept ans, sa propre école de formation, en partenariat avec Pôle Emploi et Alemploi.

Depuis nos débuts, nous enregistrons 74 % de réussite. L’école d’apprentissage à Wingen-sur-Moder forme à nos techniques. Nos produits sont fragiles, c’est une matière vivante et chaque pièce est unique. Travailler le cristal nécessite des compétences de mémorisation pour retenir tous nos types de finition et notre catalogue est composé de 850 références, produites en permanence dans nos ateliers. Il s’agit d’un métier de passion : nous sommes une manufacture dont le cœur du process est l’Homme.

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