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Daudruy trouve un nouveau relais de croissance dans la méthanisation
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Daudruy trouve un nouveau relais de croissance dans la méthanisation

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Spécialisée dans le raffinage des huiles végétales et animales, la PME familiale Daudruy a opéré une première diversification vers le biocarburant, il y a quelques années. Elle vient d’investir 15 millions d’euros pour développer une nouvelle activité, avec l’implantation sur son site de la plus grande unité de méthanisation des Hauts-de-France.

Le site de Daudruy, à Dunkerque, abrite désormais une énorme unité de méthanisation, la plus grande de la région — Photo : Jeanne Magnien

En bientôt 200 ans d’existence, la PME familiale Daudruy (525 M€ de CA 2023, 200 salariés) a eu maintes occasions de faire évoluer son modèle. Spécialisée à l’origine dans l’armement de bateaux de pêche, l’entreprise dunkerquoise se tourne à la fin du XIXe siècle vers le commerce des huiles. D’abord, l’huile de foie de morue, puis les huiles végétales et animales. C’est en 1966 que l’entreprise passe de l’import-export à la production en se lançant dans le raffinage, avec des volumes de plus en plus importants.

Aujourd’hui, Daudruy raffine chaque année 150 000 tonnes d’huile, et 2 000 tonnes d’huile bio. Sur les cinq chaînes de son site de Dunkerque, les huiles sont traitées, selon les cas, physiquement ou chimiquement, pour améliorer leur couleur, leur odeur et leur goût, ainsi que leur durée de conservation. De l’huile de friture aux plus précieuses huiles cosmétiques, toutes peuvent passer entre les mains de Daudruy, qui livre ensuite le produit fini en vrac, en conditionnement de 5 litres à 1 000 litres. Travaillant exclusivement en BtoB, Daudruy adresse le marché de la chimie (36 % de sa production), de l’alimentation humaine (26 %) et du bétail (26 %), de la petfood (11 %), et de la cosmétique (1 %). 30 à 40 % de son chiffre sont réalisés à l’export, en Europe.

"Nous sommes le couteau-suisse des huiles", résume Dominique Daudruy, qui a repris l’entreprise familiale en 2000. Il en partage aujourd’hui la gouvernance avec son fils Arthur et sa fille Ameline, tous les deux présents au capital. "Nous pouvons tout faire, alors que les très gros acteurs qui nous font face sont ultra-spécialisés sur un seul type d’huile, qu’ils produisent en énormes quantités. Nous pouvons faire preuve de beaucoup plus de souplesse, et répondre à des demandes, en petits ou gros volumes, du jour pour le lendemain."

Effets des années Covid

Cette agilité a valu à Daudruy de belles opportunités ces dernières années, qui ont vu les chaînes d’approvisionnement désorganisées par le Covid, puis par la guerre en Ukraine, qui a particulièrement affecté le marché des oléagineux. Pour autant, l’effet est passager, et la forte hausse du chiffre d’affaires de l’entreprise, qui réalise 525 millions d’euros cette année, est en trompe-l’œil, tempère Ameline Daudruy, chargée de développement au sein de l’entreprise. "Notre chiffre d’affaires tourne d’ordinaire autour de 340 millions d’euros, la récente hausse est vraiment un effet mécanique de l’augmentation des cours des matières premières."

"Nous regardons davantage notre résultat net, qui reste à un niveau de croissance régulier", complète Dominique Daudruy. "Nos marchés sont dans l’ensemble, très stables. Et si les évènements de ces dernières années ont pu nous amener ponctuellement de nouveaux clients à la recherche de nouveaux partenaires, on voit bien qu’il est difficile de les garder, dès que la situation revient à la normale. Pour continuer à grandir, nous avons plutôt tendance à aller sur de nouveaux marchés, ou à innover pour améliorer la rentabilité de nos opérations."

Un premier pivot réussi

Un premier pivot a ainsi été réussi dans les années 2000, quand l’arrivée de géants du raffinage sur le port de Rotterdam est venue fragiliser la position de Daudruy. L’entreprise s’est alors diversifiée dans la production de biodiesel, et a créé sa filiale dédiée, Nord-Ester, en 2006. "Nous avons d’abord travaillé avec de l’huile de colza, mais rapidement il nous est apparu intenable de produire du carburant avec un produit noble, de qualité alimentaire. Donc, en 2010, nous avons fait évoluer le process pour travailler à partir de graisses animales de catégorie III, impropres à la consommation humaine, avant de passer, en 2013, au traitement des huiles usagées", retrace Ameline Daudruy. Pour assurer son approvisionnement, Daudruy a racheté en 2014 Oléovia, le troisième acteur français de la collecte d’huiles usagées. Aujourd’hui, Nord Ester produit 200 000 tonnes de B7 et B100 par an, et la filiale représente 50 % du chiffre d’affaires consolidé du groupe, qui utilise une partie de sa production pour faire rouler sa propre flotte de 27 citernes.

Vers une nouvelle diversification

Daudruy ne compte pas s’arrêter là sur la voie de la diversification, toujours dans l’énergie verte. Elle prend cette fois-ci la forme imposante d’une énorme unité de méthanisation, comptant trois digesteurs de 5 500 m3, fraîchement implantée sur le site de l’industriel. Fruit d’un investissement de 15 millions d’euros, dont 1,1 million d’euros de fonds Feder, l’installation d’environ 15 000 m² a nécessité trois ans d’études, et deux ans de mise en œuvre. Nord Metha, la toute dernière filiale de Daudruy, a injecté pour la première fois du méthane sur le réseau général en juillet 2023. "Nous sommes en train d’augmenter peu à peu les volumes, pour arriver à terme à une production de 750 Nm3 de biogaz. Nous alimentons actuellement le méthaniseur avec 100 tonnes de déchets par jour, dont 80 % sont issus de notre propre process industriel : de la glycérine, des eaux usées, des pâtes de neutralisation, et des terres de filtration", présente Ameline Daudruy. Le reste des intrants nécessaires est sourcé à proximité du site, et les boues sont proposées aux agriculteurs, pour épandage. Si le rendement semble supérieur aux projections en ces premiers mois d’exploitation, Daudruy reste pour l’heure très prudent quant au chiffre d’affaires dégagé par cette nouvelle activité, qui devrait pourtant rapidement prendre de l’ampleur.

En effet, l’installation de Nord Metha, la plus grande des Hauts-de-France, et la huitième plus importante en France, est dimensionnée pour produire bien plus qu’actuellement. Des autorisations sont en cours d’obtention, qui devraient permettre à Daudruy de doubler la cadence, pour passer à moyen terme à 200 tonnes de déchets introduits par jour dans les digesteurs, puis, plus encore. Car l’objectif n’est pas la simple valorisation des coproduits du site dans une logique de RSE, mais bien de créer une nouvelle source de revenus pour l’entreprise. Le méthaniseur pourrait alors canaliser bien des flux à valoriser sur le territoire du Dunkerquois, où les usines agroalimentaires ne manquent pas. En outre, la PME a fait le choix de capter le CO2 émis par son installation pour le liquéfier et le stocker. Une ressource qui pourrait également intéresser des industriels du secteur, et faire naître prochainement, de nouvelles synergies.

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