Coronavirus : la délicate reprise d'activité des entreprises du BTP de Loire-Atlantique et de Vendée
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Coronavirus : la délicate reprise d'activité des entreprises du BTP de Loire-Atlantique et de Vendée

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Il y a quelques jours, l’Organisme professionnel de prévention du BTP a publié un guide de bonnes pratiques destinées à assurer la sécurité sanitaire sur les chantiers du BTP. Objectif: créer les conditions d’un redémarrage d’un secteur à l’arrêt depuis le début du confinement imposé pour se prémunir du coronavirus. Entreprises et professionnels de la construction et de la rénovation sont cependant confrontés à de multiples difficultés qui freinent la reprise.

— Photo : DR

Passé la colère suscitée par la ministre du Travail qui sommait le secteur du BTP de reprendre le travail, la publication par l’Organisme professionnel de prévention du BTP (OPPBTP) d’un guide officiel de préconisations pour assurer la sécurité sanitaire sur les chantiers du BTP était censée inciter les entreprises à reprendre le travail en protégeant leurs salariés des risques de contamination au Covid-19. Toutefois, la situation reste compliquée. Certaines entreprises, comme le groupe Charier basé à Montoir-de-Bretagne (1 260 salariés, 228 M€ de CA) en Loire-Atlantique, estiment que les conditions de la reprise ne sont tout simplement pas réunies et restent donc à l’arrêt.

« Je fais plus confiance au dialogue social qu’au protocole »

D’autres aimeraient reprendre le travail mais ont vu leurs chantiers disparaître. C’est le cas de la société EL2D (120 salariés, 11 M€ de CA), basée à Sainte-Luce-sur-Loire, près de Nantes, qui intervient sur les marchés publics au travers d’accords-cadres pluriannuels. « Nous aimerions repartir. Nous essayons de le faire, mais dès le 16 mars à midi, la maîtrise d’ouvrage des chantiers publics a fermé les accès. Du jour au lendemain, nous avons ainsi perdu 90 % de notre chiffre d’affaires. Actuellement, les seuls chantiers qui rouvrent sont des marchés privés, essentiellement dans l’industrie, un peu dans le tertiaire. C’est incompréhensible, car des chantiers comme ceux des collèges ou des lycées pourraient repartir puisque les établissements sont vides. Le deuxième frein à la reprise, c’est la peur des salariés attisée par les messages contradictoires sur le port du masque », expose Nicolas Oudot, dirigeant d’EL2D.

Réfléchir à de nouvelles organisations

Photo : CPME

Un obstacle que pointe également Olivier Morin, dirigeant de SR Concept, société de maîtrise d’œuvre et de Serge Ratouit SARL, entreprise de maçonnerie générale et, par ailleurs, président de la CPME Pays de la Loire et vice-président de la Fédération Française du Bâtiment de Vendée. Le chef d’entreprise qui a cessé son activité le 16 mars et mis au chômage partiel ses 21 salariés le 1er avril a également besoin de masques pour rassurer ses salariés. « Les masques, nous les utilisons au quotidien. Il m’en faut d’habitude 1 000 par mois, deux par jour par salarié. Le problème, c’est qu’on les a tous donnés aux soignants », indique-t-il. Il a donc pris contact avec la Région et la Préfecture pour trouver des fournisseurs et reprendra dès qu’il recevra ces masques, d’ici une semaine probablement.

Le dirigeant met ce laps de temps à profit pour réfléchir avec ses salariés à une nouvelle organisation du travail. « Le guide national de recommandations des mesures sanitaires, je n’en tiens pas compte, il n’est pas assez rigoureux, assez drastique », explique-t-il. Pour prendre le maximum de précautions, il a équipé chacun de ses salariés d’un spray individuel contenant de l’eau de javel diluée à pulvériser sur les outils de travail avant utilisation. Pour éviter que les salariés ne soient trop proches les uns des autres sur les chantiers, une nouvelle organisation a été mise en place : « le matin, l’un va à l’atelier chercher les outils, l’autre va directement sur le chantier nettoyer les surfaces », détaille Olivier Morin. « Je fais plus confiance au dialogue social qu’au protocole. Il y a 5 jours, le gouvernement disait que les masques n’étaient pas obligatoires, maintenant c’est fortement conseillé. Les salariés ont des interrogations, cela finit par décrédibiliser la parole publique. Pour nous, en tant que dirigeant, c’est compliqué ensuite de convaincre, de reprendre en confiance ».

Ces interrogations sont partagées par d’autres dirigeants du BTP vendéens. « Ils voient leur outil de travail qui se dégrade, ils ont envie de reprendre, de répondre à la demande mais ils n’ont pas envie non plus de mettre en danger leurs salariés. Vous imaginez en plus si l’un d’entre eux est malade ? Il faudra confiner tout le monde derrière, ce n’est pas mieux », témoigne le chef d’entreprise, qui estime que la majorité des entreprises du BTP devraient, comme lui, reprendre la semaine prochaine, dès réception des masques de protection.

Réalités reprend à 30 % et en mode dégradé

Yoann Joubert, PDG fondateur du Groupe Réalités — Photo : Réalités

Le promoteur nantais Réalités (280 salariés, 155,5 M€ de CA) a redémarré en fin de semaine dernière plus d’un tiers de ses chantiers « en mode dégradé » et sur la base du volontariat. « Sur 400 salariés, seuls 150 environ sont en chômage partiel au lieu de 250 si nous n’avions pas relancé très progressivement nos chantiers », précise Yoann Choin-Joubert. Le dirigeant assure ne pas gagner d’argent en reprenant le travail. « C’est notre devoir, c’est ma responsabilité. Cela sera insoutenable pour la nation si tout le pays est arrêté pendant deux ou trois mois, la dette explosera. Ce n’est pas dans mon intérêt de reprendre maintenant, j’engage beaucoup de trésorerie sur les chantiers, nous ne sommes pas dans une logique comptable », assure-t-il.

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