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Coronavirus : comment les industriels nantais ont répondu à l'appel au secours du CHU
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Coronavirus : comment les industriels nantais ont répondu à l'appel au secours du CHU

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Fin mars, le CHU de Nantes, confronté à une pénurie critique d’équipements de protection pour ses personnels, lance un appel au secours. Dans l’urgence, la CCI sollicite alors des industriels locaux qui, grâce à l’implication de toute une chaîne d’acteurs sur le territoire, organisent la production des masques, blouses, tabliers qui font défaut. Retour sur une mobilisation collective qui pourrait donner naissance à une filière durable dans la région.

La société Cairn a reconverti ses couturières dans la production de blouses pour les personnels soignants du CHU de Nantes — Photo : CAIRN

« C’était fin mars, juste avant le pic épidémique, dans la région. Via la plateforme Allô PME mise en place par la CCI, nous est parvenue la sollicitation d’un acheteur du CHU de Nantes. Il avait un besoin urgent d’équipements de protection pour les personnels de l’hôpital : masques, blouses, tabliers, sacs mortuaires… Les circuits traditionnels d’approvisionnement ne pouvaient pas livrer avant un mois. C’était vraiment la panique », rapporte Philippe Jan, directeur général adjoint de la CCI Pays de la Loire. Le besoin le plus critique porte sur des tabliers de protection en polyéthylène. Le CHU a besoin de 40 000 pièces immédiatement et de 300 000 sous un mois. Or, le 25 mars, la production régionale de cet équipement est inexistante.

Livraison en urgence de tabliers en plastiques pour le CHU de Nantes

Via les fédérations professionnelles et des réseaux de dirigeants, comme le CJD (Centre des Jeunes Dirigeants) et IDEA (Innovation-Dirigeant-Ethique-Action), plusieurs industriels susceptibles de participer à cette fabrication sont identifiés. La société Placel-Chupin (40 salariés, 7 M€ de CA), basée à Sautron et spécialisée dans les films plastiques pour l’emballage alimentaire et le conditionnement des produits de jardinerie, livre la matière première. « Notre usine n’a jamais arrêté son activité, nous avions les stocks de granulés pour fabriquer les films plastiques. Nous avons trouvé une solution pour accélérer les cadences de production et fournir des liasses de formats prêtes à l’emploi », raconte Philippe de Cambourg, son dirigeant. C’est ensuite l’entreprise Omega Systèmes (100 salariés), basée à Saint-Philbert-de-Grandlieu (44), qui prend le relais pour assurer la découpe. « Nous avons produit des prototypes de tabliers et lancé la production immédiatement après la validation de notre produit par l’hôpital. Omega dispose actuellement du matériel nécessaire pour fabriquer un million de tabliers à usage unique. Grâce à notre chaîne d’approvisionnement en matériaux et à nos équipements de transformation de précision à grande vitesse, nous pouvons répondre rapidement aux besoins en tabliers des hôpitaux et des établissements de soins dans toute la France et dans d’autres pays européens », indique, dans un communiqué, Michael Quarrey, vice-président des opérations aérospatiales de Web Industries, maison-mère d’Oméga Systèmes.

1,5 million de tabliers produits par semaine

En effet, très vite, la production locale doit monter en capacité pour faire face à de nouvelles commandes. LNA Santé (ex Le Noble Âge) a besoin de 250 000 tabliers pour équiper le personnel de ses Ehpad et l’ARS (Agence Régionale de Santé) émet les mêmes besoins pour les Ehpad de la région. Un deuxième circuit de production impliquant de nouveaux acteurs est alors organisé. Un atelier placé sous la direction de l’Armée fabrique, grâce à deux équipes de 30 bénévoles qui se relaient, 100 000 tabliers par jour. Il est également approvisionné par la société Placel-Chupin qui livre deux fois par jour. La distribution des tabliers dans les établissements est, quant à elle, assurée par le groupe de logistique Idéa. « En un mois, la mobilisation et la réactivité de tous ces acteurs ont permis de porter la production de zéro à 1,5, million de tabliers par semaine », précise Philippe Jan.

Après les tabliers, les blouses

Outre les tabliers, ce sont également les blouses en tissu lavables et réutilisables que le CHU n’arrive pas à se procurer. Il lui en faut 10 000 pour le personnel soignant en secteur Covid. La société Cairn est identifiée par la CCI comme pouvant répondre à cette nouvelle demande. Spécialisée dans la production de structures publicitaires gonflables pour l’évènementiel, la PME (17 salariés, 2, 6 M€ de CA) de Treillières est totalement à l’arrêt, mais ses couturières ont le savoir-faire nécessaire. Pour produire plus rapidement, le CHU a l’idée de récupérer les chemises des patients opérés et les draps pour les transformer en blouses à manches longues, élastiquées au poignet pour assurer l’étanchéité. 4 000 blouses seront confectionnées de la sorte par Cairn, 1 000 autres seront fabriquées à partir de la découpe de tissu. L’opération est menée au pas de charge. « Le vendredi 3 avril, j’ai été mis en relation avec le responsable de la blanchisserie du CHU. J’ai rappelé mes couturières qui étaient en chômage partiel. Nous avons passé le week-end à organiser la production qui a démarré le lundi 6 avril au matin », indique François Auger. Pour accélérer les cadences, le dirigeant de Cairn sollicite les lycées professionnels La Baugerie et Léonard de Vinci qui, via une convention de prêt, mettent à disposition de l’entreprise 15 nouvelles machines à coudre. « Cela a suscité un extraordinaire élan de solidarité. Des enseignants de ces lycées, des enfants de salariés, une couturière du CHU sont venus participer à la production. De plus, alors que j’étais vraiment inquiet sur la pérennité de l’entreprise, cela a généré un chiffre d’affaires qui, sans atteindre celui d’un mois normal, redonne de l’espoir. Sans compter que cela a fait progresser l’entreprise. Nous avons découvert des fonctionnalités de nos moyens de production que nous ne soupçonnions pas », témoigne François Auger. Dans la foulée, le dirigeant a également lancé une production de 10 000 masques lavables en tissu, principalement à destination des entreprises, qui après la crise pourraient devenir une activité complémentaire de l’entreprise.

Vers une filière durable ?

Que restera-t-il de cet effort collectif après le Covid-19 ? « Nous réfléchissons à installer dans la région une filière durable qui éviterait d’acheter en Chine. Il faut réussir à abaisser les prix, mais c’est jouable, notamment en récupérant et en recyclant la matière souillée. L’idée, c’est de relocaliser la fabrication de ces équipements en France et, plus précisément dans les Pays de la Loire, au vu des volumes nécessaires au fonctionnement des hôpitaux, y compris en périodes hors pandémie », estime Philippe Jan.

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