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Conquérant aventurier ou capitaine humaniste : qui sont vraiment les patrons de PME ?
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Conquérant aventurier ou capitaine humaniste : qui sont vraiment les patrons de PME ?

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Dans une étude, Bpifrance dresse quatre portraits-robots du dirigeant d’entreprise à la française. Du conquérant aventurier au capitaine humaniste, en passant par le stratège engagé et le gestionnaire prudent, à chacun ses particularités.

Qui sont vraiment les patrons de PME français ? Pour le savoir, Bpifrance Le Lab a sondé leurs motivations et leurs priorités, pour mieux dresser leur portrait — Photo : © Medef Alsace

Quel genre de patron de PME êtes-vous ? Plutôt obnubilé par la croissance ou soucieux de la rentabilité ? Ouvert sur les enjeux du monde ou concentré sur ceux de votre entreprise ?

Pour tenter de mieux cerner les motivations des chefs d’entreprise, Bpifrance Le Lab a passé 1 335 dirigeants sur le gril, entre les 12 et 23 novembre derniers. Soumis à 41 questions, ils ont été évalués sur leur approche de la croissance, l’innovation, le numérique, l’international, le management, l’environnement et la société. Conclusion : il existerait quatre espèces de chefs d’entreprise, et quelques points communs entre elles.

Deux caractéristiques communes : la pérennité et le collectif

L’enquête distingue en effet au moins deux priorités, partagées par les hommes et femmes à la tête des PME françaises, dans la conduite de leurs affaires.

La pérennité de leur entreprise constitue ainsi la première boussole de leurs décisions stratégiques (citée en premier par 56 % d’entre eux), loin devant la croissance. De la même manière, au quotidien, une aspiration se dégage largement : celle d’offrir les meilleures conditions de travail possibles à leurs salariés. Plus d’un tiers place cette motivation en tête, 83 % la mettent dans leur top 3. Loin devant l’innovation et la croissance.

Sur les autres sujets, les dirigeants se montrent plus divisés. Assez portés sur l’investissement (58 % tiennent à le maintenir, peu importe le contexte), ils le sont plus ou moins sur l’international et le numérique, en fonction de leur secteur d’activité. L’attention aux défis environnementaux et sociétaux varie, elle, en fonction des générations. Derrière ces lignes de fracture générales, certains se retrouvent toutefois autour de valeurs et ressorts communs.

Quatre profils de dirigeant à la tête des PME

Le Lab de Bpifrance identifie ainsi 4 profils de patrons au sein des PME. Chacun tendrait à suivre un modèle de développement qui lui est propre. Avec également un pouvoir d’entraînement sur les autres parties prenantes de l’entreprise bien à lui.

Les conquérants aventuriers

Avec eux, c’est tout pour la croissance. Elle est même inscrite en eux : 64 % disent en avoir besoin pour se sentir personnellement épanouis ! Dans ces conditions, ils activent tous les leviers susceptibles de doper directement leur activité : l’international, l’innovation, le numérique et le financement sous toutes ses formes.

Qui sont-ils, ces conquérants de l’économie ? Plutôt des hommes, fondateurs d’entreprise, à la tête de grosses PME. Ils sont également surreprésentés dans les services et en Île-de-France, selon Bpifrance.

Les capitaines humanistes

Eux privilégient la pérennité (à 70 %), plutôt que la croissance (12 %), dans leurs décisions stratégiques. Ces capitaines vont "à l’encontre des idées reçues sur les dirigeants de PME", assure l’étude. Ils sont très engagés sur la RSE en général, et les enjeux environnementaux en particulier. Ils se révèlent aussi un peu plus soucieux des conditions de travail de leurs collaborateurs.

Ce profil est plus fréquent chez les femmes et les successeurs familiaux, dans les entreprises de moins de 50 salariés, de l’agriculture et du BTP. Ils se concentrent aussi en Occitanie et en Guadeloupe.

Les stratèges engagés

Ce sont les bons élèves de la classe, ceux qui jouent sur tous les tableaux. La RSE ? Elle est "centrale" pour le développement de leur entreprise, assurent 49 % de ces dirigeants (+38 points par rapport aux autres profils). Le numérique ? 92 % ont mis en place au moins une mesure en la matière (+34 points). L’environnement ? Ils sont encore plus nombreux à être passés à l’acte (96 %, +15 points). Pour ces stratèges, "la croissance est un objectif, mais pas au détriment du reste", décrypte Élise Tissier, la directrice du Lab de Bpifrance. Leur démarche est loin d’être improvisée : ces patrons sont deux fois plus nombreux que les autres à se dégager du temps pour leurs réflexions stratégiques.

Ce profil complet se retrouve surtout chez des fondateurs et des hommes à la barre de leur entreprise depuis longtemps (plus de 16 ans). Ils dirigent bien souvent de grosses PME, plutôt actives dans les services, et parfois l’industrie.

Les gestionnaires prudents

Tout est dit dans leur nom. Ces gestionnaires sont, en quelque sorte, le contre-modèle de l’entrepreneur. Et pour cause : ils fuient le risque. Ils préfèrent la rentabilité à la croissance, l’opérationnel à la stratégie. Avec une obsession : préserver l’entreprise. Pour Élise Tissier, "ce dirigeant est moins ouvert sur l’extérieur, et donc, aussi, plus en risque face à une crise comme le Covid-19…" Et ce, d’autant plus qu’il est surreprésenté dans les transports et le BTP, "des secteurs déjà très touchés par des transformations structurelles", aussi bien au niveau du numérique que de l’environnement.

Repreneur ou héritier d’entreprise familiale, le gestionnaire prudent dirige en général une petite PME. Il est aussi plus présent en Bourgogne-Franche-Comté, Nouvelle-Aquitaine et à La Réunion. "Il", ou plutôt "elle", car les femmes seraient plus enclines à adopter cette approche précautionneuse.

Mais au fait, à quoi ça sert ?

Voilà pour le constat. Mais que faire de ces portraits-robots ? Le Lab de Bpifrance compte en tirer un outil d’autodiagnostic pour les dirigeants. "Il participera à une meilleure connaissance de soi, pour eux-mêmes, et à la compréhension des mécaniques à l’œuvre dans leur entreprise", assure Élise Tissier. En attendant, les patrons peuvent utiliser ces travaux pour les comparer à leur propre ressenti. Mais aussi les partager en interne. Et, pourquoi pas, de cette façon, "identifier des ressorts importants pour le développement et la continuité de leur activité", espère le responsable d’études Aurélien Lemaire.

Mais la banque publique n’est pas complètement désintéressée non plus dans cette affaire. Elle utilisera ce profilage pour "mieux accompagner les dirigeants de PME - comprendre leurs besoins et être au plus près de leurs attentes", reconnaît Élise Tissier. Un moyen aussi d’adapter l’argumentaire de ses offres à chacune de ces catégories. Voire d’éclairer des investisseurs dans leurs futurs choix de financement.

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