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Congrès mondial IASP : « Faire en sorte que l’innovation puisse répondre aux enjeux de la planète »
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Jean-François Balducchi délégué général d’Atlanpole Congrès mondial IASP : « Faire en sorte que l’innovation puisse répondre aux enjeux de la planète »

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Le réseau IASP (International Association of Science Parks and Areas of Innovation) tient, pour la première fois, son congrès mondial en France, à Nantes, du 24 au 27 septembre. L’occasion pour les experts de débattre du rôle des hubs d’innovation dans les transitions réussies de la 4e révolution industrielle, explique Jean-François Balducchi, personnalité phare de l’écosystème technologique nantais, ancien président de l’association.

Président de l'IASP entre 2014 et 2018, Jean-François Balducchi est délégué général d’Atlanpole, vice-président exécutif du pôle de compétitivité Atlanpole Biothérapies, administrateur des pôles de compétitivité Images & réseaux et Mer Bretagne Atlantique et membre du bureau de l'Association françaises des pôles de compétitivité — Photo : DR

Le Journal des Entreprises : Nantes va accueillir pour la première fois, du 24 au 27 septembre, à la Cité des congrès, le congrès mondial IASP. L'International Association of Science Parks and Areas of Innovation est le réseau mondial des technopoles, hubs territoriaux d’innovation, incubateurs et clusters. En quoi cet événement est-il important pour la métropole et, au-delà, pour l’Hexagone ?

Jean-François Balducchi : La 36e conférence mondiale de l’IASP rassemblera près d’un millier de participants, venus de 78 pays, sur les cinq continents. Nantes et la région Pays de La Loire vont ainsi devenir, durant presque une semaine, le hub mondial de l’innovation. Le réseau IASP a été fondé en 1984 par le sénateur français Pierre Laffitte, qui avait fondé en 1969, dans les Alpes-Maritimes, Sophia Antipolis, la première technopole à avoir été créée en France et en Europe.

D’abord dominé par les Anglo-Saxons, ce réseau s’est internationalisé dans les années 1990 jusqu’à devenir, aujourd’hui, le premier réseau mondial de l’innovation qui structure les territoires et les bassins universitaires et d’emploi. Ses 350 adhérents (technopoles, parcs scientifiques ou technologiques, hubs d’innovation, clusters, quels que soient leurs statuts) ont tous pour ambition de favoriser les échanges entre les entreprises (start-up, PME, ETI ou grands groupes) et le monde académique (centres de recherche, établissements d’enseignement supérieur et de recherche, universités ou grandes écoles), afin de favoriser des fertilisations croisées, en mobilisant tous les acteurs et maillons de la chaîne d’innovation : cellules de transfert de technologies, incubateurs, accélérateurs, business angels, fonds de capital-risque, sans oublier les acteurs publics du financement tels que Bpifrance, les collectivités locales (régions et métropoles) ou les CCI.

À Nantes, Atlanpole est au cœur de cette dynamique depuis plus de trente ans…

J-F.B. : Atlanpole est en effet, tout à la fois : la technopole du bassin économique et universitaire de Nantes-Saint-Nazaire-La Roche-sur-Yon, dotée d’un Business innovation center (BIC) labellisé au niveau européen ; l’incubateur régional des Pays de la Loire labellisé par le ministère de la Recherche et de l’Innovation ; le pilote et copilote de plusieurs pôles de compétitivité dans le Grand Ouest. Atlanpole joue ainsi un rôle de tête de réseau, au plan régional, qui vise d’abord à favoriser l’apparition de pépites sur notre territoire.

Atlanpole est portée par un syndicat mixte qui réunit Nantes Métropole, la Région Pays de la Loire, le Conseil départemental de Loire-Atlantique, les agglomérations de Saint-Nazaire, de Cap Atlantique (avec les 15 communes de la Presqu’île de Guérande), l’agglomération de la Roche-sur-Yon en Vendée, la CCI, ainsi que l’Université et le CHU de Nantes et les grandes écoles (Centrale Nantes, IMT Atlantique, ONIRIS et Sup Maritime).

Nos missions : détecter en amont les projets innovants dans une logique pluridisciplinaire, les évaluer, les incuber pour favoriser la création de start-up, puis les accompagner dans leur croissance avec l’ambition d’en faire des PME, puis ETI conquérantes, et parfois leaders, au plan mondial. C’est un processus lent, confronté à des marchés souvent émergents, qui a besoin de mobiliser rapidement les bons financements pour aller très vite à l’international.

Que représente aujourd’hui Atlanpole ?

J-F.B. : Nous fédérons un réseau pluridisciplinaire de 500 entreprises qui représentent 28 000 emplois, regroupées au sein de l’Association Atlanpole Entreprises. Plus de la moitié d’entre elles ont été incubées par nos soins et pèsent aujourd’hui quelque 3 000 emplois directs.

Certaines pépites sont devenues des leaders mondiaux dans leurs domaines comme le groupe Eurofins Scientific (laboratoires d’analyses spécialisés dans l’agroalimentaire, la pharmacie, l’environnement et la biologie médicale, NDLR) créé à Nantes en 1987 (spin-off de l’université) et qui réalise aujourd’hui près de 3 milliards d’euros de chiffre d’affaires annuel, avec 45 000 employés dans 47 pays. Ou encore My Script (logiciel de reconnaissance d’écriture), autre spin-off de l’université nantaise créée en 1998, et Valneva, créée en 1999, aujourd’hui en pointe sur certains vaccins. D’autres plus récentes ont déjà dépassé le stade de jeunes pousses prometteuses comme SpeachMe (éditeur d’une solution BtoB, spécialisée dans la transmission interne des savoirs, NDLR) ; Hydrocéan ou Innosea, spin-offs de Centrale Nantes (simulation numérique en hydrodynamique et en mécanique des fluides, NDLR) ; iAdvize (amélioration de la relation client en ligne, NDLR).

En quoi le réseau IASP peut-il rendre Atlanpole plus performante dans son action ?

J-F.B. : Si nous faisons tous le même métier, nous avons des modèles différents. Du coup, nous nous inspirons mutuellement pour favoriser l’excellence de nos écosystèmes et parfois mettre en relations certaines de nos entreprises dans le cadre d’opérations dites de « soft landing ». Nous partageons nos expériences, notamment lors des congrès comme celui de Nantes, pour poser des passerelles entre la recherche et l’industrie, décloisonner les filières, par exemple en valorisant ce qui vient du spatial dans des domaines connexes, comme les drones photovoltaïques de l’entreprise Xsun de Guérande, ou les capteurs météo connectés pour l’agriculture de Weenat à Nantes.

Aux États-Unis, la ville d’Ann Arbor, siège de l’Université du Michigan à 40 minutes de Détroit, a vu se développer, il y a près de quinze ans, le hub d’innovation Ann Arbor Spark, sous la houlette de Paul Krutko, par ailleurs actuel président de l’IASP. Le fonctionnement d’Ann Arbor Spark est assez proche de celui d’Atlanpole. Le Michigan et la ville de Détroit ont été marqués par la crise automobile. L’État du Michigan, associé aux différentes collectivités locales, parie désormais sur l’innovation et les mobilités urbaines, en s’appuyant sur une forte dynamique de collaboration public-privé, semblable à celle d’Atlanpole, qui est née, rappelons-le, de la mutation qu’a connue Nantes dans les années 1980 avec la fin des chantiers navals. Le résultat, dans cette région centrale des Grands Lacs, est spectaculaire, avec des succès qui n’ont rien à envier à Palo Alto dans la Silicon Valley.

Et ces synergies sont désormais planétaires…

J-F.B. : Le réseau IASP est en effet présent sur tous les continents : le congrès a eu lieu l’an passé en Iran, après la Turquie en 2017, Moscou en 2016, Pékin en 2015 et avant Séville, en Espagne, l’année prochaine, et Santa Barbara, dans la Silicon Valley, en 2021.

L’ambition est immense : faire en sorte que l’innovation puisse répondre aux enjeux de la planète, comme construire des avions plus légers et moins polluants, faciliter le travail de l’homme dans l’industrie du futur, stocker l’hydrogène pour la mobilité, développer l’agriculture connectée pour relever les enjeux de la nutrition, développer les réseaux intelligents, l’intelligence artificielle et les smart data au service de la santé, avec toujours en toile de fond, l’économie des ressources. Bref, faire en sorte que la quatrième révolution industrielle puisse, grâce au rôle clef des hubs d’innovation, technopoles et autres clusters, permettre et favoriser des transitions réussies, pour l’Homme comme pour la planète : c’est le thème de ce 36e congrès.

Avec quelle feuille de route ?

J-F.B. : La quatrième révolution industrielle est définie par la convergence des technologies numériques (big data, Internet des objets, intelligence artificielle…), des biotechnologies, nanotechnologies et autres deep tech (innovations de rupture, NDLR). Durant les trois jours du congrès proprement dit, les experts partageront leur point de vue et animeront un débat sur l’importance de la recherche, du développement et de la technologie face aux enjeux du développement économique.

Alain Tropis, responsable de la fabrication et des services de conception numérique pour Airbus, sera l’orateur principal de l’événement. À ses côtés, d’autres conférenciers interviendront selon trois grands axes. D’abord les technologies qui font et qui œuvrent pour la révolution industrielle, avec notamment Yves Lostanlen, qui dirige la branche européenne d’Element Al, un éditeur canadien de logiciels, et qui préside la chaire d’intelligence artificielle de l’Université de Toronto. Ensuite, l’impact de cette quatrième révolution industrielle sur l’Homme et la société, analysé par Philippe Roger, PDG d’Orange Consulting. Et enfin, le rôle des hubs d’innovation dans la réussite de la transition vers cette quatrième révolution industrielle, défendu par l’économiste allemand Marcus Munster.

Pour en savoir plus et pour s’inscrire : https://iasp2019nantes.com/

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