Claude Champaud : Père du patronat breton

Claude Champaud : Père du patronat breton

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Homme discret mais à l'influence incommensurable sur le grand patronat breton, Claude Champaud est de ces hommes qui forcent le respect. Grand érudit, le fondateur du Club des 30 est toujours aussi actif. Pour le bien de l'économie régionale.
— Photo : Le Journal des Entreprises

Fondateur du Club des 30, toujours influent réseau breton. Membre de l'aventure du Celib, aux côtés de René Pleven. Conseil avisé en son temps d'Yves Rocher, Alexis Gourvennec ou Pierre Legris. «De nombreux chefs d'entreprise en Bretagne lui doivent beaucoup. C'est le taulier du patronat breton», dit de lui avec affection un membre actif du gotha régional. À presque 82 ans, Claude Champaud inspire toujours autant de respect. Et c'est vrai que l'universitaire, avec son curriculum vitae grand comme une encyclopédie (lire ci-contre), en impose.




Père voltairien et mère croyante

Toujours alerte lorsqu'il arpente la Faculté de droit et de science politique de Rennes - sa deuxième maison - l'homme a une mémoire d'éléphant. Quand il relate ses souvenirs de la seconde guerre mondiale, son riche parcours estudiantin ou ses contacts avec les chefs d'entreprise qui ont fait la Bretagne économique, on se sent tout petit. Même si - c'est l'une de ses vertus - le conteur passionnant qui vous fait face ne donne jamais le sentiment de vous écraser par son érudition. Question d'éducation. «Avec un père voltairien radical et républicain (instituteur), et une mère très profondément croyante (cultivatrice), j'ai vécu dans un climat de liberté intellectuelle, confie Claude Champaud. Les enfants pouvaient parler à table. Ma famille était très ferme sur les principes mais tolérante envers ceux qui ne partageaient pas nos opinions.» Sa philosophie, il la résume en quelques mots: «tout le monde a en lui une part de vérité. Certains une parcelle, d'autres beaucoup plus. Mais on a le devoir de chercher la part de vérité de l'autre pour l'agréger à la sienne.»




L'école à douze ans

Avec un tel savoir, difficile de croire que Claude Champaud a commencé à fréquenter les écoles à partir de douze ans seulement. «J'étais maladif, je faisais des allergies.» Pas de quoi pour autant en faire un attardé. Au contraire. Grâce aux heures passées à lire la bibliothèque de son père, il acquiert une immense culture littéraire. «Quand je suis arrivé au lycée, j'avais lu trois fois Racine.» S'il lui faut le secondaire pour palier les quelques années à ne pas fréquenter l'école, son parcours force ensuite le respect. Claude Champaud aligne les diplômes et les premières places avec une facilité déconcertante. Son terrain de jeu: le droit, mais aussi la gestion. Un domaine découvert, contre toute attente à l'armée. Lors de son service militaire au 41e RI, à Saint Aubin-du-Cormier, on lui confie l'ordinaire. «C'est là que j'ai appris la gestion. Faire un bilan, arrêter un compte. Et même trafiquer un bilan pour ne pas qu'ils piquent nos sous pour les donner au 71e», se souvient en riant l'universitaire.




Entrepreneurs bretons: sa source d'inspiration

Son lien avec les chefs d'entreprise? En tant que conseil, «je leur renvoyais une image de leur action avec une indépendance d'esprit.» Ce qui n'était pas pour leur déplaire. «Yves Rocher m'a dit un jour: vous êtes bien le seul universitaire que je puisse tolérer.» En contrepartie, Claude Champaud s'est beaucoup enrichi à leur contact. «Ils m'ont apporté le sens des réalités et toutes mes idées sur la doctrine de l'entreprise. L'entreprise en tant que cellule sociétale, qui permet à des gens d'y vivre et d'en vivre.» C'est dans ce contexte qu'il a créé le Club des 30, lorsque le Celib a été mis en veilleuse. Un groupe aujourd'hui d'une soixantaine de membres, dont François Pinault ou Vincent Bolloré, qui revendique sa part de mystère. Car «une femme qui n'a plus de mystère est-elle encore séduisante?», justifie l'homme avec malice. De par son assurance, Claude Champaud n'est pas du genre à avoir des regrets. Sauf peut-être pour la politique. S'il fut élu pendant de longues années sur le plan local, il aurait aimé avoir un mandat national. Même s'il fut membre du Conseil d'État, il aurait aimé être sénateur. Mais pour des questions stratégiques - et des divergences de vue avec Pierre Méhaignerie - ce ne fut pas le cas. Mais «quand on peut affronter l'adversité, on ne peut pas être malheureux», philosophe Claude Champaud.