Algues : La filière bretonne sort les rames
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Algues : La filière bretonne sort les rames

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Deux ans et demi après le démarrage du programme Breizh'Alg, la filière algues ne semble toujours pas réussir à sortir la tête de l'eau. C'est pourtant en Bretagne que se trouve l'essentiel de la ressource. Le Journal des entreprises a enquêté sur cette situation paradoxale.

— Photo : Le Journal des Entreprises

Tout un paradoxe, la Bretagne est riche de ses algues mais elle ne joue pas groupée. Pourtant, elle représente 90 % de la production française. En 2013, ce sont 7 000 tonnes qui ont été récoltées sur les rives et entre 50 000 et 65 000 tonnes collectées par les goémoniers. Hormis les algues vertes sur les plages trégorroises, cette ressource est aujourd'hui tendance. Pour autant, bon nombre d'acteurs du marché dénoncent le manque de structuration de la filière et l'absence de visibilité sur l'état de la ressource, entre autres choses.

Structurer la filière

Surtout, les différents acteurs de la filière semblent peu enclins à vouloir s'entendre. Il faut dire que la filière est plutôt disparate : des récoltants professionnels qui travaillent seuls, des PME avec leurs propres récoltants sous statut agricole (Tesa, titre emploi simplifié agricole) et de grands groupes, voire des multinationales comme l'Américain Cargill. Deux structures représentatives s'opposent également. La Chambre syndicale des Algues et Végétaux Marins est présidée par Alain Madec, président de Penn Ar Bed à Kersaint-Plabennec (1,2 M€ de CA), elle représente des entreprises récoltantes et transformatrices des algues, de récoltants aux multinationales en passant par les PME. Quant au Syndicat des récoltants professionnels d'Algues de rive de Bretagne, présidé par André Berthou, il dépend, lui, du Comité des pêches. C'est ce comité qui a autorité, selon la loi, sur la pêche et la récolte des algues. Leur opposition a plusieurs causes. L'une des principales vient du statut de Tesa, que le syndicat voudrait voir disparaître au profit d'un statut spécifique. « Ce devrait être fait pour l'année prochaine », estime André Berthou. « On a déjà un statut de récoltant. Ça ne servirait à rien », balaye, lui, le président de la Chambre syndicale.

Où en est la ressource ?

Arriver à faire travailler ensemble tout ce petit monde n'est pas une mince affaire. C'est pourtant la tâche confiée à Bretagne Développement Innovation (BDI) il y a deux ans et demi avec le programme Breizh'Alg (lire ci-dessous). Depuis, la Région Bretagne a repris la main. Car BDI avait réussi à faire l'unanimité... contre elle. Maladresse ? Incompréhension ? Toujours est-il que la structure avait causé une levée de boucliers d'une bonne partie de la filière. Le chantier de structuration de la filière reste donc immense. La priorité est sans aucun doute de faire le point sur la ressource. Et là-dessus, le syndicat et la Chambre syndicale sont d'accord. Aucune étude n'a encore été faite de façon exhaustive sur le littoral breton. Aujourd'hui, le travail est entamé avec Ifremer mais il prend du temps : trois ans seront nécessaires. Une embauche a été faite début 2015 au Comité des pêches à cet effet. « Certaines entreprises pensent à le faire en interne tellement cela prend du temps », indique, de son côté, Alain Madec.

Les nouveaux venus pas forcément vus d'un bon oeil

En 2014, l'État a délivré 79 autorisations de récolte. Celles-ci sont individuelles, obligatoires et à renouveler tous les ans (sur papier), en novembre, par toutes les entreprises. La simplification n'est pas encore passée par là. Connu pour son franc-parler, Hervé Balusson, le dirigeant d'Olmix qui valorise des algues à Bréhan, ne cache pas un certain agacement sur le sujet. « Tout le monde est content que nous ayons repris Tilly Sabco sauf que quand on veut lever plusieurs millions d'euros pour moderniser le site, investir dans nos usines, le monde de la finance nous demande bien sûr des garanties. Et ces garanties portent sur les volumes de ressource. Guerlesquin est situé à côté d'un gisement très important du Trégor. » Le projet de la reprise était en effet de produire en partie des poulets sans antibiotiques mais nourris d'aliments à base d'algues vertes. Et le dirigeant de tempêter : « On n'a pas le droit d'accéder à cette ressource. L'autorisation sera donnée d'année en année ! Quel engagement sur la durée ? » Et qui a donc intérêt à barrer la route vers la mer aux acteurs de la filière ? On dit la Bretagne dogmatique mais pas uniquement. En coulisses, on évoque les lobbys pharmaceutiques qui ne verraient pas d'un bon oeil arriver ces algues valorisées pour leurs vertus en matière de nutrition et santé pour les humains comme pour les animaux. Et les sommes de plusieurs millions d'euros investis dans les programmes Ulvans (10,7 M€ de Bpifrance) et Algolife (10,6 M€ de Bpifrance), avec une partie d'argent public, font jaser. « Où sont les résultats ? Pendant ce temps-là, Ifremer fonctionne avec un demi-poste pour surveiller les ressources... », lance un acteur du secteur.

Développer la culture d'algues

Pour d'autres cette ressource est aussi insuffisante et conduit à de nouveaux positionnements comme c'est le cas au sein de la société Algolesko, basée à Riec-sur-Belon et qui cultive des algues. La culture est là où les possibilités de développement sont les plus grandes. Mais cela ne règle pas le problème de Tilly Sabco. « Cultiver l'algue verte, c'est possible, indique André Berthou. Mais ça pose un énorme problème d'image ! C'est devenu l'ennemie numéro 1. Comment faire comprendre au public qu'elles ne sont nocives que quand elles sont échouées et fermentées ? » Selon le président du syndicat, il serait aussi possible de cultiver à terre. « L'Afrique du Sud et Israël le font », avance-t-il. Quant à la possibilité de récolter les algues vertes en mer, les expérimentations sont en cours. Reste à voir si la méthode est efficace et rentable.

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