100 M€ pour imposer les LED chinoises dans la Meuse
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100 M€ pour imposer les LED chinoises dans la Meuse

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Le 21 mars, le Premier ministre Manuel Valls a donné le coup d'envoi du projet INESA : le groupe chinois va investir 100 M€ pour une usine de production de LED, au pied de la gare Meuse TGV. Ce projet gigantesque agace un concurrent lorrain du groupe chinois.

— Photo : Le Journal des Entreprises

Un centre de R & D et de production à 100 M€, 60.000 m² de plancher, une tour de 18 étages, 200 emplois créés, un fonds pour aider les collectivités à s'équiper doté de 3 Md€... Les chiffres du projet d'implantation d'une usine de LED au pied de la gare Meuse TGV, porté par Inesa, filiale du groupe chinois Shenan, ont de quoi laisser perplexe. Aujourd'hui, le voyageur tenté par l'expérience trouvera autour de la gare Meuse TGV des champs et des terrains vides. La commune la plus proche, Les Trois-Domaines, revendique 130 habitants. Développer de l'activité économique à cet endroit, un pari improbable ? C'est en tout cas celui que les élus meusiens ont relevé, dès la construction de la gare en 2007, en réservant 85 ha. En recevant le Premier ministre Manuel Valls, ce 21 mars, pour une pose de première pierre symbolique, le sénateur Christian Namy et le président du Conseil départemental de la Meuse, Claude Léonard, ont réussi à enfoncer le clou : le projet verra le jour.




Des liens d'amitié

C'est trois ans plus tôt, le 10 avril, que tout commence. Christian Namy rencontre Zhao Qi Meng, aujourd'hui président d'INESA Europe, à l'époque président de l'association France Euro Chine : « Un lien d'amitié très solide s'est noué, qui a ensuite débouché sur une coopération très forte », raconte l'élu. A l'époque, les deux hommes ne parlent pas d'implantation industrielle, mais se voient très régulièrement : « Douze visites, en Chine, en France », détaille le sénateur Namy, qui est à l'époque président du conseil départemental de la Meuse. Concrètement, l'un est à la tête d'un département durement touché par la crise et l'autre, Zhao Qi Meng, cherche une opportunité pour imposer les LED du groupe Shenan en Europe. Le groupe pense d'abord à la Hongrie. Mais en janvier 2015, un protocole d'accord est signé à Pékin entre Arelis et le groupe Shenan, en présence des premiers ministres chinois et français, Li Kegianq et Manuel Valls.



Pour l'entreprise meusienne Arelis (CA : 50 M€, effectif : 300), basée à Marville et spécialisée dans l'électronique à haute fréquence, ce futur centre de R & D représente une belle opportunité. Le soutien au projet est « actif au plus haut niveau de l'Etat » et le groupe Shenan et sa filiale INESA présentent le projet lors de la COP21. Fin décembre 2015, le patron du groupe INESA, Qiang Wang, se déplace en personne sur le site meusien choisi pour installer son usine : son groupe, qui pèse 9 milliards de dollars de chiffre d'affaires et emploie 40.000 personnes, n'est pas habitué à opérer à la campagne. Son terrain de prédilection, ce sont les mégapoles asiatiques et leur activité frénétique. Si le président Europe, Zhao Qi Meng, est toujours enthousiaste, Qiang Wang est très dubitatif.



À 500 mètres des quais de la gare TGV, à 20 minutes de l'A4, à proximité de l'A31, au coeur de l'Europe... Pas de quoi impressionner le patron chinois qui pointe immédiatement la faiblesse du réseau routier meusien et les difficultés pour acheminer les composants de base élaborés en Chine. Un point noir pour la logistique de l'entreprise et une difficulté pour optimiser les coûts qui n'a pas échappé aux Chinois : les élus s'engagent à élargir les routes, et garantissent que le recrutement ne posera pas de problème. Ce 21 mars, Zhuang Shenan, président de Shenan et directeur général d'Inesa, voulait montrer son enthousiasme à Manuel Valls. Et c'est d'une voix tonitruante qu'il a dévoilé la deuxième partie du projet : « Nous allons créer un fonds doté de 3 Md€ pour favoriser la refonte de l'éclairage des villes françaises », explique Zhuang Shenan. Face à des collectivités désargentées, son groupe veut se rémunérer sur les économies générées par les LED. Et de se tourner vers Manuel Valls pour lui demander des contacts pour vendre sa solution auprès des grandes villes françaises... Sollicitation à laquelle le Premier ministre répondra favorablement quelques minutes plus tard.




Libre concurrence

C'est ce genre d'échange et de facilité accordée qui ont fait bondir Vincent Carru, le dirigeant d'Eclatec (Effectif : 190 ; CA : 55 M€), à Maxéville, et de Metalec (Effectif : 60 ; CA : 8,6 M?), à Mirecourt, dans les Vosges. Produisant des solutions d'éclairages destinées au même marché que le chinois INESA, le Lorrain réclame « la libre concurrence pour tout le monde ». « Les élus meusiens n'ont pas besoin de se transformer en porte-parole commercial des Chinois », insiste Vincent Carru. Accusation rejetée par les équipes du Conseil départemental de la Meuse, qui assurent qu'Inesa n'a bénéficié « d'aucunes aides publiques » et que par ailleurs, le groupe chinois n'a « formulé aucune demande ». Reste que Vincent Carru, très agacé par ce dossier qui pourrait mettre en danger son entreprise, envisage de porter un recours devant la Commission européenne. Du côté du groupe chinois, les ambitions sont claires : avec ces solutions LED estampillées Made In France, INESA veut dominer le marché. « À terme, la valeur de la production qui sortira de cette usine sera de 300 M€ », dévoile Zhuang Shenan. « Notre cible, c'est toute l'Europe et une partie du marché africain ».

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