Crédit Mutuel : Arkéa versus CIC, les hostilités sont lancées
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Crédit Mutuel : Arkéa versus CIC, les hostilités sont lancées

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Le Crédit Mutuel Arkéa veut s'émanciper de la tutelle de sa Confédération. La banque finistérienne a déposé plainte pour prise illégale d'intérêt et entrave à la concurrence auprès du procureur de la République et de l'Autorité de la concurrence.

— Photo : Hadonos - Wikimedia CC 3.0

Le Crédit Mutuel Arkéa passe à l'offensive. Membre de la Confédération nationale du Crédit Mutuel (une association), il a saisi le 19 septembre dernier la Banque centrale européenne (BCE), le procureur de la République et l'autorité de la concurrence sur des irrégularités concernant la structure, notamment pour prise illégale d'intérêt. En cause ? La mainmise du groupe concurrent, le Crédit Mutuel-CIC, sur les instances dirigeantes de la Confédération. En son sein, chaque groupe garde son indépendance stratégique mais l'association est l'organe central du réseau et elle représente ses membres auprès des pouvoirs publics. C'est la Confédération qui est censée assurer la défense des intérêts des groupes. Problème : sur les 18 fédérations de Crédits Mutuels, 11 dépendent du Crédit Mutuel CIC (CM11-CIC), basé à Strasbourg et présidé par Michel Lucas. Le groupe Arkéa ne compte lui que trois fédérations (lire ci-contre). Une situation qui amène la banque bretonne à s'interroger. Quels intérêts sont défendus ?

« Irrégularités et concurrence déloyale »

La première critique que formule la banque bretonne est le « manque de neutralité et d'impartialité » de la Confédération, qui a le pouvoir d'audit et de contrôle interne sur les groupes. Les dirigeants du CM-CIC « ont ainsi accès à des données stratégiques et commerciales, expliquait Jean-Pierre Denis, le président d'Arkéa à un parterre de chef d'entreprises finistériens, fin octobre. C'est comme si vos concurrents avaient accès aux bilans de vos sociétés. Vous ne l'accepteriez pas. » D'où la plainte pour prises illégales d'intérêts déposée par le Crédit Mutuel Arkéa. Le groupe basé à Brest dénonce également une concurrence déloyale. Le Crédit Mutuel alsacien est en effet présent en Bretagne via sa filiale CIC. Elle y commercialise des produits (assurances, placements, etc.) sous le nom Crédit Mutuel. Une pratique en théorie bannie d'après les règles de la confédération sur l'utilisation de la marque.

La supervision bancaire unique le 4 novembre

Aujourd'hui, l'objectif de la banque bretonne est d'obtenir le statut d'organe central tout en restant mutualiste et en continuant à utiliser le nom Crédit Mutuel. Le contentieux entre les deux groupes Crédit Mutuel n'est pas nouveau. Mais le dossier s'est accéléré à la faveur de l'entrée en vigueur, le 4 novembre, de la réforme de la supervision bancaire unique. Les établissements de crédit de plus de 30 milliards d'euros de total de bilan passeront sous le contrôle de la BCE pour une uniformité des règles bancaires au niveau européen. Avec 94 milliards d'euros de total de bilan, le Crédit Mutuel Arkéa fait partie des établissements dits "significatifs" et peut donc, seul, passer sous la supervision BCE. « Notre envie est de se développer sans le moindre frein », explique Jean-Pierre Denis.

La réponse de Michel Lucas

Contactée, la Confédération n'a officiellement souhaité faire « aucun commentaire à ce sujet ». Mais suite aux dépôts des plaintes, le président du Crédit Mutuel CIC - et de la Confédération - Michel Lucas s'est fendu d'un courrier de trois pages à Jean-Pierre Denis que le Journal des entreprises a pu se procurer. L'Alsacien se dit « étonné » par l'ultimatum. « Prétendre modifier en un week-end sous la menace d'instances contentieuses, les principes d'organisation d'un groupe mutualiste de banque et d'assurances centenaire, (...) est une démarche extrêmement agressive, évidemment irréaliste, et pour tout dire, irresponsable », écrit-il. Le Crédit Mutuel Arkéa, lui, affirme travailler depuis plus de trois ans sur le dossier, qui est même sur le bureau de Bercy, qui n'a pas réagi pour le moment. « On a alerté les pouvoirs publics dès 2011, a assuré Jean-Pierre Denis aux patrons finistériens venus soutenir Arkéa. La Banque de France s'est saisie du dossier il y a 18 mois. Elle a confirmé notre diagnostic. Mais à défaut de sentir une volonté de réforme, nous avons dû prendre ces initiatives ». De son côté, Michel Lucas avoue, tout au plus, quelques « frottements concurrentiels, anecdotiques au vu de la taille des bilans respectifs. » Coup de bluff ou non, il dénonce le choix d'Arkéa de médiatiser les différends et invite Arkéa à quitter purement et simplement le Crédit Mutuel. « Il doit être clair, d'emblée, que la marque Crédit Mutuel, déposée par la Confédération auprès de l'INPI, (...) ne saurait être emportée par Arkéa », ajoute le président du CM-CIC. Opposition chez Arkéa : « C'est une plaisanterie que de penser que nous pourrions quitter la confédération en abandonnant la marque Crédit Mutuel. »

« Pas une rivalité Est-Ouest »

Forte personnalité, Michel Lucas a bâti l'un des mastodontes bancaires, la deuxième banque de détail en France. Le rachat du CIC en 1998 par sa fédération fut un tour de force. Pourtant, Jean-Pierre Denis, se défend de vouloir jouer au village d'irréductibles Gaulois face au CM-CIC. C'est ce qu'il a expliqué aux chefs d'entreprise le 21 octobre. « Cette démarche n'est pas une rivalité de personne, ni une rivalité Est-Ouest. Le groupe est solide, nous avons la performance pour nous. C'est ce qui nous autorise à revendiquer cette émancipation ». Pour Arkéa, l'enjeu est de devenir la première banque territoriale française sous supervision de la BCE. La mode est en effet plutôt la centralisation à Paris. Arkéa attend actuellement les réponses des autorités saisies. Les dirigeants doivent rencontrer les équipes de la BCE courant novembre.

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