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Caddie invente le chariot connecté de demain
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Caddie invente le chariot connecté de demain

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Caddie, la marque française iconique de chariots de supermarchés, lance, en partenariat avec une start-up niçoise, une innovation qui révolutionne son produit traditionnel. Un chariot connecté qui libère le consommateur du temps d'attente et de la rupture de charge en caisse.

— Photo : © Jean-Marc de Balthasar

C’est une des nouveautés qui a fait mouche au salon EuroShop de Düsseldorf en février dernier. À l’occasion de ce salon international dédié à l’aménagement et à l’équipement des magasins, le groupe bas-rhinois Caddie (CA 2019 : 28 M€ ; 200 personnes) a présenté un nouveau modèle de chariot truffé de technologie. En partenariat avec la start-up niçoise Knap, la marque alsacienne aux poignées rouges est prête à lancer, en phase pilote, l’utilisation d’e-chariots, soit « une solution clé en main d’encaissement, maintenance comprise », esquisse Stéphane Dedieu, président des Ateliers Réunis-Caddie. Ces chariots disposent d’une technologie embarquée faisant appel à l’intelligence artificielle et constituée de balances et de caméras anti-fraude pour permettre aux clients de régler, via une application, le contenu de leur chariot sans passage en caisse. Selon Stéphane Dedieu, « ce modèle suscite beaucoup d’intérêt de la part de tous les distributeurs. C’est une révolution dans la façon d’appréhender l’objet. Jusque-là, Caddie offrait un produit inerte. Maintenant, il s’agit d’apporter un service sur un produit traditionnel indispensable ». L’innovation a nécessité deux ans de travail et deux millions d’euros d’investissement pour son développement.

Un premier test au printemps

Dans l’histoire de la marque fondée en 1928, c’est la plus grande innovation. « Pour le moment, nous sommes les seuls à proposer cela, nous avons une avance », estime Stéphane Dedieu. David Kuntz, responsable design produit chez Caddie approuve : « Un de nos concurrents en Pologne travaille sur un concept similaire mais avec une technologie différente et un produit final qui se concentre sur des sacs de 30 à 40 litres ». Le chariot connecté de Caddie doit être testé en phase pilote dans deux supermarchés Monoprix ce mois d'avril dans la région niçoise. « La réflexion est née lorsque nous nous sommes interrogés sur les solutions pour éviter les achats en ligne. Pour cela, il faut limiter les ruptures de charge et le temps d’attente en caisse. Notre nouvelle solution d’encaissement y contribue. De plus, cet équipement, de l’ordre d’une dizaine de chariots en location par magasin, peut permettre de réduire le nombre de lignes de caisses et ainsi gagner de la surface de vente et donc du chiffre d’affaires », analyse Stéphane Dedieu. Une quinzaine de chariots connectés est déjà opérationnelle et la marque espère en fournir 200 à 300 d’ici fin 2020 avant une montée en charge pour les deux ans à venir.

Élargir les gammes

D’ici la fin d’année, le siège de Caddie à Dettwiller dans le Bas-Rhin disposera justement d’une usine de 15 000 m² après un investissement de trois millions d’euros pour le transfert de son unité de fabrication de Drusenheim sur le site de production de Dettwiller. En 2017, Caddie avait en effet investi 10 millions d’euros pour l’acquisition de l’ancien site Electropoli à Dettwiller. Les trois axes de développement de Caddie résident dans la grande distribution qui représente 70 % de son chiffre d’affaires, dans la fourniture d’équipement aux aéroports et dans les plateformes logistiques. Ces deux segments comptent chacun pour 15 % de l’activité de la marque alsacienne, qui vient d’ailleurs de livrer 6 000 chariots à un nouveau client, l’aéroport de Séoul et 1 200 chariots à l’aéroport de l’Île-Maurice. En 2018, Caddie s’est adossé à Damix. Ce groupe polonais, qui détient désormais 70 % de Caddie, (Stéphane Dedieu possède 19,5 % des parts et le reste est détenu par les actionnaires historiques) est spécialisé dans la fourniture d’équipements pour la grande distribution. La grande distribution « est en souffrance depuis quelque temps. Elle a tendance à diminuer ses frais fixes et à réduire le nombre de ses fournisseurs pour se recentrer sur ceux qui peuvent proposer une gamme complète d'équipements et ainsi faciliter les commandes groupées », analyse Stéphane Dedieu. Pour anticiper ce scénario, la marque alsacienne a vu l’opportunité de se rapprocher du groupe polonais Damix qui, au-delà des chariots, fournit une gamme d’ameublement pour grandes surfaces. Depuis son adossement à Damix en 2018, Caddie a ainsi pu étoffer son offre de deux catalogues supplémentaires : un catalogue spécialisé dans les meubles et étagères et un autre proposant des systèmes de portillons et contrôles d’accès fabriqués en Pologne. La marque alsacienne dispose ainsi d’une offre complète pour réaliser un magasin dans son ensemble alors qu’auparavant, il s’agissait d’une offre de manutention légère.

Caddie, une marque mondialement reconnue

Caddie, dont la production est exportée à 60 %, compte ses clients en Europe de l’Ouest et en Europe centrale, en Russie, en Scandinavie, au Moyen-Orient ou encore au Maghreb. Dans les années 1990 et 2000, Caddie a pu se rendre visible sur les marchés asiatiques comme la Chine et le Japon mais aussi en Colombie à travers les différentes implantations de Carrefour notamment, son client historique depuis 1963. Si la marque alsacienne a tenté le marché des États-Unis dans les années 1980, elle reconnaît que « la fabrication française ne peut pas lutter face à des acteurs locaux de grande taille sur ce marché ». Stéphane Dedieu souligne vendre de plus en plus « en Iran, au Sénégal et dans le reste de l’Afrique noire. De nouveaux pays s’ouvrent, découvrent et font confiance à une marque française reconnue ».

Le site de production de Caddie est l’usine principale du groupe polonais. En Alsace, les chariots y sont produits en grande série. En effet, avec le rachat du site de Dettwiller, la production de Caddie est devenue très automatisée, ce qui permet à l’entreprise de produire de grands volumes de chariots pour l’ensemble du groupe, composé de cinq marques rachetées par Damix ces deux dernières années. La fabrication de petites séries « qui nécessite un coût de production plus élevé », selon Stéphane Dedieu, soit des volumes de 30 à 50 chariots par commande, comme des chariots pour le linge ou la manutention, sont, quant à eux, produits par un des autres sites de Damix en Pologne. À Dettwiler, Caddie fabrique 250 000 chariots par an, la capacité de production pouvant passer à 450 000 unités dans les deux ans. Les chariots de supermarché correspondent à des gros volumes, avec des commandes de 1 500 à 4 000 unités par magasin.

Si le groupe Damix mutualise son outil de production, celui-ci dispose de ses propres réseaux de distribution pour son portefeuille de marques comme Produs, Filomarket ou encore Nexo. Ainsi, Caddie commercialise les solutions d’ameublement de Damix depuis 2019. Stéphane Dedieu estime que « l’offre qui se met doucement en place est bien accueillie et représente une alternative aux concurrents ». Des concurrents présents notamment sur le territoire alsacien. Wanzl France, filiale du constructeur allemand de chariots, est en effet implanté à Sélestat depuis 1980. Le site, qui emploie 49 personnes et a réalisé un chiffre d’affaires de 41 millions d’euros en 2019, propose lui aussi des solutions d’ameublement et des chariots pour les grandes surfaces. À Sélestat, Wanzl est cependant concerné par un plan de sauvegarde de l’emploi, ouvert en 2019. Selon une source syndicale, il aurait été mis en place pour relocaliser la production en Allemagne. Malgré un coût de la main-d’œuvre plus élevé outre-Rhin, la forte automatisation des usines de Wanzl permettrait de réaliser des économies d’échelle. Sollicitée, la direction de Wanzl à Sélestat n’a pas souhaité s’exprimer.

Quand PME et start-up travaillent main dans la main

« Alors que les innovations étaient encore balbutiantes il y a deux à trois ans, 2020 est une année révolutionnaire pour le chariot de supermarché », s’enthousiasme Franck Charton, délégué général de Perifem, l’organisme représentatif des enseignes de la grande distribution, du commerce spécialisé et des centres commerciaux. Et ce n’est pas Knap qui va dire le contraire. Cette start-up niçoise de dix salariés a été fondée en 2018 par deux étudiants qui voulaient supprimer les files d’attente en magasin. Son cofondateur Dylan Letierce se souvient : « pour gagner du temps en faisant ses courses, il fallait soit installer beaucoup d’infrastructures en magasin, ce qui implique des gros coûts fixes, soit réfléchir aux mini scanners automatiques, ce qui multipliait la fraude par trois. L’idée retenue a donc été un auto-encaissement par les clients tout en garantissant au distributeur que tout soit bien payé ». Le système a nécessité le développement d’une solution d’encaissement sécurisée en s’appuyant sur les comptes de fidélité des consommateurs enseigne par enseigne. Lors de son incubation à MonacoTech en 2018, incubateur monégasque porté par Xavier Niel, l’investisseur a mis en relation Knap avec Caddie. S’en est suivi un contrat de collaboration et de prototypage entre la marque alsacienne et la start-up. Le constructeur alsacien fournit les chariots dont le design et le volume, de l’ordre de 180 litres, ont été adaptés pour recevoir les équipements qui en font des objets connectés. Après livraison des chariots, Knap se charge ensuite de les équiper. Pour développer sa technologie embarquée sur les chariots, Knap a levé 500 000 euros en 2018 auprès d’un fonds américain. Une deuxième levée de fonds de 250 000 euros est en cours pour financer les chariots pilotes en magasin. Pour les distributeurs, il s’agit d’un service en location dont la gestion et la maintenance sont assurées par Knap. Une première phase pilote doit être lancée ce mois-ci dans deux magasins Monoprix sur la Côte d’azur.

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