Les entreprises cotées en Bourse se comptent sur les doigts de la main. Parmi elles, la strasbourgeoise 2CRSI (150 collaborateurs) a franchi le pas en juin 2018. En entrant en Bourse sur Euronext, l’entreprise, née en 2004, s’est ainsi offert une autre envergure et consolide aujourd’hui sa croissance. 2CRSI conçoit et fabrique des serveurs informatiques à haute performance pour ses clients actifs dans le domaine de l’énergie, de la défense, de la santé, de la banque, du gaming, de l’intelligence artificielle ou encore des télécoms. La jeune pousse devenue belle plante compte ainsi Free et Dassault parmi ses clients historiques. Elle a réalisé en 2018 un chiffre d’affaires de 65 millions d’euros, en progression de 113 % par rapport à 2017. La société, qui clôture son activité à fin février, ne peut pas encore commenter ses chiffres 2019. « Suite à notre introduction en Bourse, 2019 a davantage représenté une année de consolidation que de croissance. Nous sommes passés de 93 salariés en juin 2018 à 150 en fin d’année 2019 et la société s’est structurée en interne », estime Alain Wilmouth, fondateur et président de 2CRSI.
Entrer en Bourse pour devenir transparent
L’entrepreneur a compris très jeune son attrait pour le monde de la Bourse au moment où Saint-Gobain était privatisé et a réussi à concrétiser cette étape au sein de sa propre entreprise. « Nous avons lancé le processus d’entrée en Bourse de 2CRSI pour donner une visibilité et une transparence à l’entreprise. Nous avions perdu un gros marché aux États-Unis car nous n’étions pas publiques. L’introduction en Bourse corrige le tir », estime Alain Wilmouth.
Celui-ci a renforcé le comité de direction en recrutant en six mois un directeur R & D, un directeur administratif et financier, un directeur marketing et un directeur des ressources humaines. « Ce CoDir est plus que paritaire puisque composé à 60 % de femmes. La visibilité offerte par l’entrée en Bourse a été telle que nous avons reçu des centaines de CV par poste, là où nous n’en recevions que peu auparavant », souligne Alain Wilmouth. Depuis septembre dernier, le président de 2CRSI est également épaulé par Marie de Lauzon au poste de directeur général délégué. Diplômée d’HEC et titulaire d’un master CEMS de l’université de Saint-Gall en Suisse, la jeune dirigeante a commencé sa carrière au sein de la banque d’affaires Citigroup à Londres et à Zürich. Lors de l’entrée en Bourse de 2CRSI, Marie de Lauzon en est devenue l'administratrice. Elle était alors secrétaire général de Voltalia, acteur des énergies renouvelables coté sur Euronext. « Marie sait parler aux investisseurs, chose que je n’aime pas faire, je suis davantage dans le business », schématise Alain Wilmouth, qui a pourtant dû présenter son plan de croissance auprès d’un parterre d’investisseurs.
Le cap des 200 millions d’euros de chiffre d’affaires pour 2020 est annoncé depuis plusieurs années par 2CRSI. Malgré une prévision de croissance de 200 % entre l’année d’entrée en Bourse et cette nouvelle année qui s’ouvre, l’équipe dirigeante est confiante. « Je suis quelqu’un d’optimiste, sinon, je ne serai pas chef d’entreprise. Nous travaillons actuellement à notre feuille de route stratégique pour les années à venir. Entre les rachats de sociétés, l’investissement dans les data centers et la R & D, nous atteindrons nos objectifs de croissance pour 2020 », affirme le fondateur de 2CRSI.
Une production strasbourgeoise
2CRSI, qui dispose d’une vingtaine de bureaux commerciaux à travers le monde et s’appuie sur des distributeurs selon les spécificités des pays, s’apprête à ouvrir un bureau à Singapour. 2CRSI compte également un site de production d’une douzaine de personnes dans la Silicon Valley aux États-Unis, ouvert pour des raisons logistiques et fiscales, afin de contrer les formalités à l’export. Cependant, le gros de la production est et restera à Strasbourg. « Ce qui fait la compétitivité, c’est le savoir-faire et l’innovation. 2CRSI est un fabricant avec une équipe de R & D qui conçoit ce qui n’existe pas encore. Nous sommes reconnus pour faire du sur-mesure, même si nous développons une approche de catalogue, sans pour autant démultiplier les références », analyse Marie de Lauzon. La dirigeante le confirme, « cette perspective de croissance pour 2020 est atteignable, d’autant que 2CRSI vient d’acquérir le distributeur britannique Boston Limited (chiffre d'affaires de 89,5 M£ ; 170 personnes). Avec cette intégration, nous allons pouvoir jouer sur les volumes, même s’ils sont encore difficiles à évaluer. 2CRSI est à un âge où, pour grandir, il est nécessaire de développer la force de vente. Cela se concrétise avec l’intégration de Boston Limited ». Dans un contexte de Brexit, cette situation n’a pas refroidi 2CRSI qui voit dans cette croissance externe, financée par emprunt bancaire auprès de BNP Paribas, l’opportunité d’élargir son réseau de distribution, notamment sa gamme de serveurs plus économes en énergie, produits sur lesquels l’entreprise génère une plus forte marge et de la valeur ajoutée.
Transition écologique
En effet, l’un des axes de développement de 2CRSI est de répondre aux réductions des consommations d’énergies, premier poste de dépenses dans les data center. Les équipes R & D de 2CRSI ont ainsi développé une gamme de serveurs conçus pour fonctionner dans des bacs de refroidissement par immersion, eux-même développés par la société Submer Technologies. Ce système permet ainsi une réduction de la consommation d’énergie des serveurs de plus de 23 % par rapport à des serveurs équivalents équipés d’un refroidissement traditionnel. « Si le coût d’acquisition est certes plus élevé, à l’usage, ces produits génèrent des économies d’énergie », souligne Marie de Lauzon, dont l’entreprise a récemment remporté, avec Airbus et Submer Technologie, un marché pour équiper une agence européenne de lutte contre la criminalité avec ces serveurs très haute performance.
Enfin, 2CRSI veut se positionner comme l’un des maillons innovants dans le monde des villes en transition, ou villes intelligentes. 2CRSI, qui possède deux data center en France et qui en gère cinq autres à travers le monde, se penche sur la possibilité de réintégrer la chaleur produite par l’activité des data centers dans des réseaux d’énergie pour chauffer des logements et des équipements collectifs. L’entreprise cotée en Bourse est ainsi partie prenante d’un projet de construction de ville intelligente miniature en face de son siège à Strasbourg pour faire la démonstration des usages annexes de l’énergie produite par les data center. Le projet privé, chiffré à plusieurs dizaines de millions d’euros et porté par un pool d’industriels, doit prochainement lancer son concours d’architecture.
