Toulouse
Pour sa « Silicon Valley de l'IoT », Toulouse joue la carte du réseau
Toulouse # Informatique # Infrastructures

Pour sa « Silicon Valley de l'IoT », Toulouse joue la carte du réseau

S'abonner

La Ville rose ambitionne de devenir l'un des centres stratégiques mondiaux des objets connectés, avec la création, d'ici à 2021, d'un campus dédié. Un pari, au regard de l'avance de certains pays étrangers sur ce marché. Mais Toulouse a des atouts : un acteur d'envergure internationale, avec Sigfox, un écosystème puissant sur la R&D et l'intelligence artificielle et un vivier de start-up et PME actives sur l'innovation. Un réseau qu'il faudra savoir animer pour s'imposer.

— Photo : Jean-Paul Viguier et Associés

C’est en 2017 que Ludovic Le Moan, PDG de l’opérateur de télécommunications Sigfox, qui connecte aujourd’hui plusieurs millions d’objets via son réseau bas-débit économe en énergie, émet l’idée d’un nouveau campus. Cette Silicon Valley regrouperait, en banlieue toulousaine, tous les acteurs de l’écosystème de l'Internet des objets (IoT) : « La data est notre richesse. À plus ou moins long terme, toutes les entreprises vont devoir apprendre à l’extraire à un coût minimal pour lui donner de la valeur. C’est dans notre nouveau campus visible à l’échelle internationale qu’elles viendront effectuer cette transformation », souligne le PDG.

Missing élément de contenu.

Deux ans et près de 42 M€ de financements plus tard, le projet se concrétise, avec un démarrage des travaux prévu en janvier 2020. Alors que le marché de l’IoT industriel devrait atteindre plus de 111 Md€ dans le monde en 2021 selon IndustryARC, la Ville rose ambitionne de devenir l'un des centres stratégiques de cette révolution. Mais quelle légitimité a Toulouse ?

Se fédérer pour mieux régner sur l'Internet des objets

« La France n’est pas leader sur l’IoT comme le Japon ou les États-Unis, décrypte Kévin Carillo, professeur permanent à la Toulouse Business School (TBS), expert en data science et big data. Mais nous avons la chance à Toulouse d’héberger Sigfox, qui est devenu un acteur mondial majeur. Depuis dix ans, il porte l’écosystème via l’association IoT Valley, et c’est en nous fédérant que nous pourrons peser au niveau mondial. »

En outre, les objets connectés, au départ conçus pour recevoir et renvoyer de la donnée, intègrent de plus en plus d’intelligence artificielle (IA) embarquée. Cette nouvelle génération d’objets « intelligents », qui ouvre le champ des possibles des smartphones à la smart city, en passant par l’industrie 4.0, se développe activement dans la Ville rose.

TBS travaille, par exemple, sur le big data depuis plus de sept ans, aura six professeurs dédiés à cette thématique d’ici à la fin de l’année et a créé spécialement un cluster intitulé AI & Business Analytics en 2018. Mais surtout, la thématique sera bientôt portée par le futur Institut interdisciplinaire d’IA - projet Aniti - labellisé au printemps.

• Soutien de la Région

La région Occitanie soutient la future Silicon Valley toulousaine de l’IoT, où elle a décidé d’investir pas moins de 15 M€. « Nous sommes d’abord motivés par des indicateurs favorables : selon l’entreprise américaine de conseil Gartner, 20 milliards d’objets seront connectés en 2020, commente Nadia Pellefigue, vice-présidente de Région, en charge notamment de l’innovation. De plus, nous sommes la première région en matière d’intensité de recherche, avec 3,7 % du PIB consacrés à la R&D. Toulouse est riche en écoles d’ingénieurs, industries et PME liées aux nouvelles technologies, en particulier sur le territoire du Sicoval. C’est ce climat très favorable, dans un écosystème complet, qui nous a poussés à soutenir un projet atypique. »

L'IoT Valley vise les 100 start-up en 2021

Le futur campus doit permettre à une centaine de start-up - contre 40 aujourd’hui - de se développer, grâce à de multiples synergies, et surtout de continuer à croître sur le site. À terme, la nouvelle IoT Valley devrait en effet s’étaler sur huit hectares. Parmi les jeunes pousses qui comptent bénéficier des nouveaux espaces, on compte Teqtrack, qui travaille sur une solution de localisation et de surveillance en temps réel des parcs matériels d’entreprises du BTP.

La start-up projette de passer de quatre à 25 collaborateurs d’ici à deux ans. « L’environnement de travail, avec salle de sport, bar, etc. sera un plus pour recruter », souligne la cofondatrice Laura Souchko. Teqtrack est installé dans l'un des trois bâtiments actuels de l’IoT Valley depuis sa création, début 2019.

« Le nouveau campus va démultiplier notre visibilité à l’international et nous aider à devenir référence mondiale de l’IoT en BtoB. »

Les membres actuels de l’association ne sont pas les seuls attirés par le projet. « Nous sommes uniques dans l’accompagnement personnalisé des entreprises. Cette force devrait attirer des start-up du monde entier qui souhaitent se faire accélérer, partage Bertran Ruiz, directeur général de l’IoT Valley. Plusieurs grands comptes français, européens, asiatiques et américains, nous ont aussi sollicités pour devenir partenaires. Le nouveau campus va démultiplier notre visibilité à l’international et nous aider à devenir référence mondiale de l’IoT en BtoB. »

Animer la communauté de l'IoT

Les start-up FeelObject, Ecojoko, Linko et Sunchain, qui ne sont pas membres de l’association, contribuent aussi au dynamisme de l’écosystème. De même que les sociétés IoTerop et Synox, partenaires d’un projet de caméra intelligente pour la centrale nucléaire de Golfech (Tarn-et-Garonne).

« Pour que l'IoT Valley fonctionne, il faudra créer une culture de la collaboration à travers des projets communs. »

La liste des ETI et PME toulousaines qui se tournent vers les objets connectés comprend aussi Scopelec, qui a lancé Wescan. Cette solution permet de tracer l’ensemble des mouvements des stocks de composants et d’outillages dans leurs 4 500 véhicules en France. La société a fait de ce besoin interne une nouvelle offre pour ses clients.

Finalement, d’après Kévin Carillo : « Pour que ça marche, il ne suffit pas de rassembler ETI, start-up et grands comptes dans un même bâtiment de manière à générer des discussions à la machine à café. Il faudra véritablement animer la communauté et créer une culture de la collaboration à travers des projets communs : aux acteurs dans les murs, mais aussi avec les extérieurs, comme TBS ou le programme Aniti. »


Un premier bâtiment de 20 000 m2 sur six étages

Les travaux du futur campus de l’IoT Valley vont démarrer dans le quartier Enova de Labège en janvier 2020. Aujourd’hui, l’association regroupe 40 start-up et des partenaires (700 personnes) sur 13 000 m2 répartis en trois bâtiments. En 2021, près de 100 start-up seront réunies dans un seul et unique immeuble de six étages pour 20 000 m2.

Cette première étape fait partie d’un projet immobilier en quatre phases, qui pourrait atteindre une surface aménagée de plus de 8 hectares au total. La phase I mobilise, à elle seule, 42 M€ de financements, dont 15 M€ de la région Occitanie, 15 M€ de la Caisse d’Épargne et de la Caisse des Dépôts, 4 M€ de la communauté d’agglomération du sud-est toulousain Sicoval et 8 M€ d’emprunts. « Le bâtiment sera un véritable living lab qui accueillera plus de 1 200 personnes, s’enthousiasme Pierre-Olivier Bessol, PDG d’Ubigreen et vice-président de l’IoT Valley. Tous les espaces seront connectés avec les technologies des start-up et partenaires pour fluidifier le travail, et plus de 5 000 capteurs apporteront une meilleure surveillance des consommations énergétiques du bâtiment. »

Le projet comprend aussi huit terrasses qui permettront de travailler en extérieur, un laboratoire commun, un showroom, un bar et un accès rapide à la future troisième ligne du métro toulousain.

Le premier bâtiment sur six étages comprendra huit terrasses. — Photo : Jean-Paul Viguier et Associés
Toulouse # Informatique # Infrastructures # Attractivité