Coronavirus : en Provence, les parcs de loisirs sont dans l'expectative
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Coronavirus : en Provence, les parcs de loisirs sont dans l'expectative

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Contraints de fermer leurs portes, le 14 mars dernier, les parcs d’attractions de Provence attendent aujourd'hui une décision officielle pour démarrer une saison déjà bien amputée. Les propriétaires de sites gardent à l’esprit une éventuelle réouverture à la mi-juillet, mais dans quelles conditions ? En France, le marché des parcs de loisirs génère plus de 2 milliards d'euros de chiffre d'affaires et attire 40 millions de visiteurs chaque année.

Le parc d'attractions OK Corral, situé à Cuges-les-Pins dans les Bouches-du-Rhône, accueille en moyenne 400 000 visiteurs par an — Photo : Dider Gazanhes/Le Journal des Entreprises

Fermés depuis le 14 mars, les quelque 600 parcs de loisirs répartis un peu partout dans l'Hexagone ne devraient pas rouvrir avant la mi-juillet. La jauge de 5 000 personnes renvoyant le redémarrage de certaines manifestations en septembre. Une décision qui ampute déjà une large partie de la saison de ces sites qui, pour la plupart, ouvrent en général pour les vacances de Pâques et font l’essentiel de leur chiffre d’affaires entre juillet et août. « Nous avons déjà perdu environ 30 % de notre chiffre d’affaires annuel », souligne ainsi Mathijs Bembom, propriétaire du parc OK Corral (CA : 8 M€), situé près de Cuges-les- Pins, dans les Bouches-du-Rhône, qui fêtera ses 55 ans en 2021.

Vers des contraintes sanitaires lourdes

Créé en 1966, le parc d’attractions s’étend sur plus de 15 hectares et emploie 35 permanents, auxquels viennent s’ajouter près de 150 saisonniers durant l’été. « Actuellement, 90 % des permanents sont au chômage partiel. Nous n’avons conservé que quelques personnes dans la partie administrative et d’autres pour s’occuper de nos animaux (le parc compte une cinquantaine de chevaux et une vingtaine d’oiseaux, NDLR). Nous sommes dans l’expectative des mesures gouvernementales. Nous savons que les rassemblements publics ne vont pas être à l’honneur pendant un moment, mais un parc d’attractions est différent d’un festival. Le public n’est pas entassé dans une salle, nous sommes en plein air et il y a une multiplicité des activités… Nous sommes actuellement en train d’étudier ce qui peut être organisé. Mais tout dépend aussi des conditions. Quand les gens vont dans un parc d’attractions, c’est pour s’amuser. S’ils doivent porter des masques ou des gants, si les contraintes sont trop lourdes, la reprise sera difficile », poursuit le patron d'OK Corral.

Même son de cloche du côté du Parc Spirou Provence, installé depuis 2018 à Monteux, dans le Vaucluse, près d’Avignon. « Nous travaillons sur plusieurs scénarios. Nous envisageons une ouverture à la mi-juillet, en septembre, ou alors tout simplement de faire une année blanche… », confie Daniel Bulliard, président du parc d'attractions qui compte une quarantaine de permanents, pour la plupart placés au chômage partiel. « Un parc d’attractions est par nature multi-activités. Il y a les manèges, bien sûr, mais aussi des espaces de restauration et des boutiques où les gens ont l’habitude de toucher les objets, les peluches pour les enfants… Autant de situations où il va être nécessaire de mettre en place des règles de sécurité sanitaires précises. Quand les pouvoirs publics vont-ils donner des précisions et prendre les décisions quant à l’ouverture cet été ? Une ouverture en septembre me semble peu intéressante ».

L'incertitude des jauges

« Au Syndicat national des espaces de loisirs, d’attractions et culturels (Snelac), dont je administrateur et qui regroupe un réseau de 500 entreprises, nous étudions toutes les possibilités. Mettre de la distance dans les files d’attente, ce n’est pas impossible à faire mais il nous faut du personnel. Nous devons savoir quand nous allons vraiment pouvoir rouvrir et avec quelle jauge… », poursuit Mathijs Bembom.

Démarche similaire pour Aqualand, à Saint-Cyr-sur-Mer, dans le Var, qui emploie 3 permanents et recrute chaque été 130 personnes, en majorité des étudiants, pour les 85 jours d’ouverture du parc. « Par l’intermédiaire du Snelac, nous avons fait remonter des idées pour recevoir nos visiteurs dans les meilleures conditions sanitaires. Nous proposons ainsi de limiter le nombre de places de parking pour respecter les mesures de distanciation. Pour réguler chaque jour le nombre de nos visiteurs, nous préconisons l’achat de billets datés sur le web. Nous installerons aussi des bandes de distanciation sociale au sol, que ce soit aux entrées et dans les files d’attente. Pour notre parc aquatique, le recours au masque semble compliqué, sauf s’il existe une possibilité d’avoir des masques lavables. Nous devrons aussi prévoir un nettoyage systématique des accessoires dans les attractions. Dans tous les cas, nous devrons être efficaces dans un temps imparti très court entre l’annonce du gouvernement et l’ouverture effective », explique Michel Moenner, directeur du parc Aqualand, qui accueille entre 3 000 et 5 000 personnes par jour.

Du côté du Parc Spirou, qui a accueilli, en 2019, 275 000 visiteurs et qui envisageait 330 000 entrées en 2020, le seuil limite de rentabilité se situerait autour des 3 000 visiteurs par jour. « En dessous de 2 000 visiteurs par jour, nous perdrions de l’argent et nous ne pourrions pas rouvrir », précise Daniel Bulliard. Pour OK Corral, qui réalise en moyenne 3 000 à 4 000 visiteurs par jour, le seuil critique serait de réduire de plus de 30 % ce volume. « Si nous devons diviser par deux notre fréquentation, cela ne sera plus faisable », confie Mathijs Bembom. Pour Aqualand, « une ouverture probable au cours de la première ou deuxième semaine de juillet ferait presque perdre un mois d’activité. Et nos hypothèses basses tablent sur une baisse globale de clientèle de 50 % lors de la période d’ouverture. Néanmoins, nous devrions être ouverts en août, qui est notre mois le plus important et je pense que les visiteurs, notamment locaux, viendront dans nos parcs. Le plus ennuyeux aujourd’hui est de ne pas pouvoir apporter de réponses, ni de date d’embauche à notre personnel saisonnier, majoritairement composé d’étudiants, qui financent ainsi une partie de leurs études », détaille Michel Moenner.

Des investissements remis en cause ?

Un parc d’attractions n’est ouvert que huit mois dans l’année. Durant cette période, il doit ainsi encaisser la trésorerie qui va lui permettre de payer ses salaires et ses charges sur toute l’année. « Nous avons sollicité un prêt garanti par l’État, et nous devrions l’obtenir. Ce dispositif est essentiel pour les entreprises. En revanche, nous devrons commencer à le rembourser dans un an, en avril 2021. Dans le cadre de notre activité, c’est trop tôt. Nous avons déjà perdu 30 % de notre chiffre d'affaires annuel. Si nous rouvrons en capacité réduite, nous ne pourrons pas avoir assez de trésorerie pour passer l’hiver prochain, d’autant plus que dès la réouverture du parc nous devrons commencer à rembourser… », explique le propriétaire d’OK Corral.

Pour le Parc Spirou, ce sont les investissements à venir qui pourraient être remis en cause. « Nous avons un plan d’investissements de 3 millions d'euros pour cette année, notamment pour l’acquisition de trois attractions. Si les banques nous accordent les prêts, nous les mènerons à bien. Dans le cas contraire, nous reporterons à l’année prochaine. Mais, en 2021, nous avions l’intention d’engager de plus vastes investissements (8 M€) dédiés à l’agrandissement du parc sur 4 hectares supplémentaires… Nous sommes toujours dans une phase de développement et nous devons sans cesse apporter de nouvelles offres, de nouvelles attractions. Nous espérons qu’après cette période de confinement et de restrictions d’activité, le public sera encore plus friand d’attractions l’an prochain… », conclut Daniel Bulliard.

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