Toulouse
Patrick Séguéla (Synapse Développement) : « Les éditeurs français doivent se démarquer face aux Gafa »
Interview Toulouse # Informatique

Patrick Séguéla PDG de Synapse Développement Patrick Séguéla (Synapse Développement) : « Les éditeurs français doivent se démarquer face aux Gafa »

S'abonner

Élue entreprise de l'année 2018 au salon Occitanie Innov en janvier, Synapse Développement (26 salariés ; CA 2017-2018 : 1 M€) est spécialisé dans les agents conversationnels (ou chatbots). Son PDG Patrick Séguéla éclaire les enjeux d'un marché en plein essor et aborde le projet inédit d'Alliance For Open Chatbot, dont Synapse est l'un des co-fondateurs.

Pour Patrick Séguéla, PDG du toulousain Synapse Développement, "l'alliance entre éditeurs français de chatbots devrait permettre de se démarquer face aux géants américains" — Photo : Jean-Michel Coco/Synapse Développement

Le Journal des Entreprises : Qu'est-ce qui différencie Synapse Développement de la centaine d'autres éditeurs d'agents conversationnels (ou chatbots) en France ?

Patrick Séguéla : Les chatbots, ces outils de dialogue qui permettent à l'utilisateur de poser une question par écrit et d'obtenir une réponse pertinente et automatique, représentent aujourd'hui 50 % de notre chiffre d'affaires. Nous avons conçu un algorithme d'intelligence artificielle (IA) capable de lire les documents des entreprises et de les structurer en base de données de réponses, au lieu de rentrer toutes ces informations manuellement. C'est un gain de temps considérable pour tout le monde !

Un agent conversationnel a pour mission de faciliter les tâches qui n'ont pas de valeur ajoutée. Il existe, par exemple, des tâches transactionnelles, pour demander la météo, acheter un billet de train, changer de mot de passe utilisateur au sein d'un réseau informatique d'entreprise... D'autres sont sources d'information et orientent vers une documentation technique ou pratique. Par exemple, Enedis permet à ses chargés de projet d'accéder au Code de la voirie. Près de 30 grands comptes nous ont déjà confié leur documentation dans le but de déployer un chatbot.

Concevez-vous vos chatbots uniquement en français ?

P. S. : Notre capital technique est basé sur la francophonie, mais nous sommes capables d'élargir notre offre à la demande. Nous travaillons notamment sur un agent conversationnel en langue chinoise pour un gros industriel de la cosmétique locale.

« Notre capacité historique d'analyse de texte nous permet, depuis 2016, de travailler sur l'intelligence conversationnelle. »

De son côté, la PME toulousaine Ctoutvert a développé un système de recherche de disponibilité et de réservation en ligne ainsi que des solutions marketing pour la diffusion de l’offre touristique. Nous avons conçu, pour leurs clients propriétaires de campings, un chatbot capable de dialoguer en 12 langues avec les futurs vacanciers. La mise en place d'un outil de dialogue dépend de sa complexité, de l'hétérogénéité de la documentation source, des différents niveaux d'accès des collaborateurs... En moyenne, il faut compter entre 30 000 et 50 000 €.

La société a 25 ans, qu'est-ce qui vous a porté vers le monde des chatbots ?

P. S. : Nous avons commencé avec la gamme "Cordial", qui existe toujours, de correcteurs orthographiques et grammaticaux de haut niveau pour les entreprises et particuliers. La solution a été intégrée dans Microsoft Office Word de 1995 à 2003. Elle donne aujourd'hui les définitions de mots pour Reverso, l'Agence France Presse, la GMF ou les enceintes Amazon Echo. En 2005, nous avons développé des outils pour savoir quelle fonction occupe chaque mot dans une phrase, afin de structurer le texte. Nous classons ainsi par sujet les avis des clients de Nespresso sur leur site web.

C'est cette capacité historique et poussée d'analyse du texte qui nous permet, depuis 2016, de travailler sur l'intelligence conversationnelle. Les chatbots nous ont vraiment permis d’exploser sur ce marché. Pour suivre cette croissance, dix postes ont été créés en 2018 et nous tablons sur la même proportion cette année.

Quel est le rôle de la toute nouvelle Alliance For Open Chatbot, dont Synapse Développement est cocréateur ?

P. S. : Les entreprises ont souvent besoin de plusieurs chatbots, pour les RH, le conseil, le support aux clients finaux... Mais aujourd'hui, les agents conversationnels développés par des sociétés différentes ne communiquent pas entre eux. L'objectif de l'Alliance For Open Chatbot, cocréée en novembre, avec nos homologues Kynapse, Do you dream up, Kwalys et Living Actor, est de permettre l'interopérabilité de ces différents chatbots.

« Les éditeurs français ont chacun leurs compétences spécifiques. Notre alliance devrait nous permettre de toutes les associer. »

Nous allons travailler ensemble pour développer un métabot, un chef d'orchestre capable d'appeler le bon outil de dialogue, en fonction du problème que l'utilisateur souhaite résoudre. Cela peut notamment servir à connecter les chatbots mis en place par les antennes locales d'un même groupe. L'interface du métabot que verront les employés sera personnalisable par nos clients, dans le look, le ton, le vocabulaire, ou la manière de parler, tandis que le contenu de la réponse relèvera de chaque éditeur. Sous l'impulsion de Kynapse, nous sommes cinq éditeurs en train de développer des connecteurs avec nos chatbots pour les mettre à disposition des clients en open source. Une vingtaine d'autres éditeurs sont déjà intéressés pour nous rejoindre.

Est-ce un moyen de se démarquer face à la concurrence américaine ?

P. S. : IBM ou les Gafa (Google, Amazon, Facebook, Apple, NDLR) ont leurs propres standards pour se connecter aux boîtiers Google Home et autres Amazon Echo. Ils ont accès à une multitude de fonctionnalités sur étagère. Les éditeurs français, eux, ont chacun leurs compétences spécifiques. Notre alliance devrait nous permettre d'associer toutes ces compétences, et donc de nous démarquer face aux géants américains.

Toulouse # Informatique