Écrire son futur dans des bocaux. Ce pari osé est l'un de ceux lancé par l'armement de pêche de Keroman (Apak). Lancé en 2011 par Éric Guygniec et Xavier Le Floch, deux patrons pêcheurs indépendants, il a pris le parti de valoriser sa pêche. « C'est une idée assez banale au départ. À bord des bateaux, Les pêcheurs avaient l'habitude de faire des bocaux avec les poissons de saison. Nous nous sommes rapprochés d'ID Mer pour réfléchir à une production plus importante et plus professionnelle », rappelle Éric Guygniec.
100.000 bocaux Made In Lorient
Mais le changement de braquet n'est pas si simple. La mise au point des recettes et du process prend un peu plus de temps qu'imaginé. Durant deux ans, l'institut technique lorientais ID Mer va produire 5.000 bocaux de poissons pêchés par l'armement. Tracé, fileté et préparé à Lorient, le produit commercialisé sous l'appellation les Recettes de la Mer surfe sur le Made In Lorient. Aujourd'hui la production est montée à 100.000 bocaux par an ; un chiffre qui devrait être croissant.
Collaboration avec Jean Burel
Les co-gérants de l'Apak ont décidé de changer de vitesse ces derniers mois. La production de ses bocaux a été confiée à Jean Burel, la conserverie artisanale de Concarneau. « Aujourd'hui, nous ne valorisons que 5 % de notre pêche. Nous pouvons aller beaucoup plus loin. » Dans le même temps, ID Mer n'a pas vocation à assurer une production industrielle. « Nous continuons à travailler avec eux sur des innovations et des recettes. Il y a plein de choses à faire. Grâce à cette activité, nous avons déjà pu recruter deux personnes de plus ». Aujourd'hui, les Recettes de la Mer sont commercialisées dans la propre boutique de l'armement à Lorient mais aussi dans de nombreuses boutiques : Armor Lux, Comptoir de la Mer, La Trinitaine, etc. Récemment référencés au sein du Comptoir Irlandais, les bocaux sont aujourd'hui vendus dans 300 points de vente.
Inspiré du modèle agricole
Outre la valorisation, l'Apak est aujourd'hui un armement qui détonne dans le monde ancestral de la pêche. Lancé par ses co-gérants, il s'inspire d'un modèle agricole. « Au sein des Cumas, les agriculteurs mettent en commun leurs moyens pour acheter du matériel, partager des services, des moyens. Aujourd'hui être patron de pêche seul, ce n'est plus possible ». Au sein de l'armement, Éric Guygniec et Xavier Le Floch détiennent la majorité du capital. Outre leurs bateaux, l'Annytia et le Carmalia, ils ont fait l'acquisition de trois autres navires : Marie-Lou, Dolmen et Les Menhirs. « Les patrons de ces trois chalutiers sont minoritaires. Ce sont des jeunes que nous voulions aussi aider à se lancer. Le but est qu'ils deviennent patrons d'ici trois à quatre ans », confie Éric Guygniec. À Lorient, ils ont pu acheter un local où un mécanicien intervient sur l'entretien courant et se doter d'une boutique. Leurs interlocuteurs sont surtout des mareyeurs. Le volume fourni est une force pour ne pas subir des prix. 80 % de leur pêche est commercialisée à l'export, sur le marché espagnol. Le reste est vendu localement au sein de la criée de Lorient. À terre depuis quatre ans, Éric Guygniec témoigne de la nécessité d'avoir une approche globale. « Il y a un énorme travail à faire. Notre organisation nous permet cela. Comme une entreprise classique, il nous faut établir une stratégie et une feuille de route. Nous ne pêchons plus comme avant et tant mieux ».
Bateau du futur en vue
Soucieux des débouchés, le chef de file de l'Apak mise tout particulièrement sur deux axes : il planche notamment sur plus de valorisation mais surtout il porte un projet de bateau du futur d'ici à trois ou quatre ans. Pour ce faire, il travaille en lien avec la profession et le monde de la pêche lorientaise. « Il devra être plus économe, plus sûr et confortable. Nous devons être attractifs pour que les jeunes soient intéressés par notre métier. » La livraison de ce bateau pourrait se faire d'ici trois à quatre années.
A Lorient, l'armement de la pêche artisanale de Keroman (Apak) fonctionne sur un mode mutualiste à l'instar des Cumas.
Ses dirigeants valorisent leur pêche par des recettes de conserves. La production a été confiée au Finistérien Jean Burel.
