Loïc Féry : Merlu de la finance

Loïc Féry : Merlu de la finance

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Nouveau président du FC Lorient, Loïc Féry incarne aussi, à son corps défendant, les excès de la finance. Basé à Londres, ce passionné de sport veut aujourd'hui retrouver la sensation d'entreprendre sous les feux de la rampe avec l'équipe des Merlus. Nicolas Mollé
— Photo : Le Journal des Entreprises

Le nouveau président du Football Club de Lorient n'est pas du genre à verser dans l'autoflagellation. Loïc Féry préfère affirmer, sur un ton de défi, qu'«il y a cinq ans, être banquier était un statut envié, aujourd'hui, ils sont presque vus comme des criminels. Il est simpliste de mettre la crise sur le dos des banquiers alors que les responsabilités sont partagées avec les régulateurs, les États», souligne celui qui a dû quitter Calyon et le Crédit Agricole après qu'un trader placé sous sa responsabilité ait perdu près de 200M€. Non, décidément, ce n'est pas lui qui écrirait le livre ?J'ai fait HEC et je m'en excuse? signé Florence Noiville, critique littéraire au Monde. Le Monde qui publiait, au coeur de la torpeur estivale, un article intitulé ?L'ex-responsable des subprimes chez Calyon s'offre le FC Lorient.? Drôle de cadeau de bienvenue.




Âme d'entrepreneur

Celui qui a incarné, avant même Jérôme Kerviel, les excès de la finance, aurait aussi pu choisir une reconversion moins exposée médiatiquement que cette présidence du FC Lorient dans le Morbihan, où la caisse régionale du Crédit Agricole est leader des banques. Or, il se trouve que Loïc Féry a une âme d'entrepreneur. Marié avec une sportive de haut niveau, la championne de tennis Olivia Gravereaux, il est aussi passionné de sport. «À ma sortie d'HEC, à Hongkong, j'ai été attaquant puis président d'une petite équipe de football de deuxième division. J'avais même réussi à trouver un nouveau partenaire, L'Oréal», se souvient-il. «Là-bas, même à ce niveau, on peut facilement jouer devant plusieurs milliers de personnes.»




Amour du sport

L'amour du sport, Loïc Féry le doit en tout cas à ses parents: sa mère, professeur de sport, son père, de mathématiques, ancien président d'un club de handball de deuxième division. «Je suis issu d'un milieu modeste, j'ai fait des études, ça s'est bien passé», résume-t-il. «Avant mon départ du Crédit Agricole, ma trajectoire a été assez linéaire: beaucoup de travail, et certainement un peu de chance.» La fracture dans l'existence de Loïc Féry sera donc sa rupture avec le Crédit Agricole. «J'avais le vent en poupe, j'avais été promu au cercle des dirigeants du Crédit Agricole à 32 ans, je ne crois pas que ce soit arrivé à beaucoup de personnes à cet âge», explique Loïc Féry, que la banque avait recruté pour développer les activités des marchés de crédit. «Six ans plus tard, Calyon était nº1 mondial de ce secteur et employait plus de 250 personnes. Par analogie, on peut dire que j'ai pris une équipe en troisième division et que nous avons fini par jouer la Champion's League!»




«Bouc émissaire»

La finance serait donc, tout comme le foot, un jeu. Mais un jeu dont dépendent plusieurs milliers d'emplois. À l'heure où le directeur général du Crédit Agricole Georges Pauget est, lui aussi, sur le départ, Loïc Féry estime avoir fait «l'expérience du cynisme des grands groupes. Quand les marchés obligataires ont été chahutés, on a décidé que je devais partir. Cette décision a été prise par la structure du Crédit Agricole, dirigée par les caisses régionales, qui aiment bien personnifier et trouver des boucs émissaires. C'est une constante dans l'histoire du Crédit Agricole, qui a tendance à se retirer au premier coup de vent. Il me semble qu'il faut plus de constance pour s'imposer comme leader dans le domaine de la banque d'investissement.»




«Un club bien géré»

L'avenir dira si Loïc Féry sait faire preuve de constance à la tête du FCL. Après une augmentation de capital d'1,5M€, le voici engagé d'ici à deux ans à racheter à son prédécesseur Alain Le Roch les 25% du capital restants. Les fonds propres des clubs de football doivent être bien abondés pour éviter la relégation par la Direction nationale du contrôle de gestion (DNCG). Depuis Londres où il est désormais basé, Loïc Féry a le désir d'entreprendre. «Très peu de clubs affichent un résultat d'exploitation équilibré avant prise en compte des mutations des joueurs. C'est notre objectif de gestion. Cela dit, nous venons de réaliser 10M€ de ventes de joueurs, dont 7M€ de plus value.Je ne suis pas là pour six mois. Depuis deux ans, Lorient est dans les dix premiers. Mon objectif est qu'on fasse partie des meubles de la Ligue 1», assure-t-il. «Si je reprends le club au plus haut, c'est parce qu'on peut l'emmener plus haut encore...»