Pour recycler des vêtements, Renaissance Textile va investir 25 millions d'euros près de Laval
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Pour recycler des vêtements, Renaissance Textile va investir 25 millions d'euros près de Laval

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Trois PME du textile, TDV Industries (Mayenne), Mulliez-Flory (Maine-et-Loire) et Les Tissages de Charlieu (Loire) se sont associées pour lancer en Mayenne Renaissance Textile, une entreprise d’effilochage de vêtements en fin de vie. Un projet qui représente un investissement de 25 millions d’euros.

Le groupe Mulliez-Flory est l’une des trois PME qui ont lancé l’aventure de Renaissance Textile, pour recycler des vêtements en fin de vie — Photo : Groupe Mulliez-Flory

Le projet est conduit depuis six ans déjà et associe trois entreprises textiles plus que centenaires : le groupe angevin Mulliez-Flory, installé à Sèvremoine et spécialisé dans la confection de vêtements professionnels, le lavallois TDV Industries, fabricant de textiles et de tissus techniques pour vêtements de travail, et les Tissages de Charlieu, dans la Loire.

Jacques Gindre, P.-D.G. du groupe Mulliez-Flory, — Photo : Olivier Hamard JDE

"Actuellement, il existe des filières pour les vêtements en fin de vie, mais pas de solution circulaire, explique Jacques Gindre, PDG de Mulliez Flory. La majorité de ces vêtements est incinérée et une petite partie est effilochée puis utilisée en non tissé pour fabriquer des isolants ou des produits de rembourrage. En Espagne par exemple, une société effiloche des chutes de tissus, mais elle ne le fait pas avec les vêtements en fin de vie comme nous allons le faire." Les fibres produites par recyclage, plus courtes que les neuves, seront demain réintroduites dans le circuit de fabrication du tissu. "Il faudrait qu’on ait d’ici 5 à 10 ans 20 à 30 % de nos matières recyclées dans nos produits", ajoute Jacques Gindre.

Une machine française

À parts égales, les trois PME vont investir 25 millions d’euros d’ici 2025, à Changé en Mayenne, dans un site de 12 000 m² qui accueillera trois lignes de production. La première ligne a commencé à être montée cette semaine. Elle devrait fournir les premières bourres de fibre l’été prochain. Les trois entreprises ont travaillé avec un fabricant français, la société Andritz-Laroche, installée à Cours-la-Ville, dans le Rhône et spécialisée dans la conception et la production de machines pour l’industrie textile. "Depuis un an et demi, nous avons passé énormément de temps pour effectuer des tests avec le fabricant, indique Jacques Gindre. L’expérience tirée du fonctionnement de la première machine permettra d’affiner pour la conception des deux suivantes." À terme, trois lignes permettront chacune de produire 3 000 tonnes de fibre textile par an, issues de l’effilochage de vêtements en fin de vie.

La fibre sortie de la première ligne de production sera issue de textiles professionnels blancs des secteurs de la santé ou de l’agroalimentaire — Photo : Rémi Hagel

Ces bourres de fibre seront confiées à des filatures en France et en Europe pour être ensuite retransformées en fil puis en tissu.

La première ligne de production, en effet, aura pour vocation d’effilocher des vêtements en fin de vie issus des secteurs de l’agroalimentaire et de la santé : "Ce sont des tissus blancs en polycoton, précise Clément d’Audiffret, directeur général adjoint de Mulliez-Flory. Nous allons les collecter, les rapatrier sur le site et les transformer. La machine a été conçue pour retirer automatiquement ce que l’on nomme les points durs, comme les boutons". Les deux autres lignes iront vers des choses plus compliquées, moins homogènes, comme des tissus en couleur (pour la deuxième ligne prévue pour le deuxième semestre 2023), ou des vêtements qui intègrent des bandes réfléchissantes ou des produits non feu (pour la troisième ligne). Le lancement de l’activité représente pour l’heure un investissement de 6,5 millions d’euros. Dès cette année, le site devrait employer une vingtaine de personnes et atteindre 80 collaborateurs lorsque les trois lignes seront installées, auxquels s’ajouteront des centaines d’emplois en amont et en aval.

Une piscine pour 150 kg de coton

La fibre de coton issue de l’effilochage effectué par Renaissance Textile sera destinée à l’industrie textile d’habillement et sera donc la seule structure en France à effilocher des vêtements pour en créer de nouveaux. "Aujourd’hui, l’effilochage se pratique à partir de chutes de production, explique Nicolas Nojac, ancien de TDV Industries et directeur d’exploitation du site.

Nicolas Nojac, directeur de la plateforme Renaissance textile, travaille sur le projet depuis six ans — Photo : Rémi Hagel

On utilise du textile noble, sans agression, ni porté, ni lavé. Et à la sortie, les produits trouvent une utilisation non tissée pour l’isolation ou le rembourrage. Avec nous, un textile aura plusieurs vies. Cela reste un défi puisque cela n’existe nulle part ailleurs."

Renaissance Textile veut s’inscrire dans une démarche d’économie circulaire et contribuer à diminuer les "dégâts" du secteur textile : "95 % du textile en France est importé, surtout d’Asie. 25 % des pesticides dans le monde sont destinés au coton et il faut une piscine pour produire 150 kg de coton. Sur les 540 000 tonnes de prêt-à-porter et linge de maison commercialisés chaque année en France, seul un tiers est collecté pour être revalorisé. Les 60 000 tonnes de vêtements professionnels sont, elles aussi, peu revalorisées. Les champs de coton se trouvent aujourd’hui dans nos armoires".

Renaissance Textile s’inscrit comme une étape supplémentaire dans les démarches respectives des trois entreprises dans le domaine de l’environnement : TDV Industries a ainsi été le premier utilisateur de coton bio en France, les Tissages de Charlieu fabriquent des tote bags en fibre recyclée et Mulliez-Flory a proposé il y a quatre ans à un de ses clients, le groupe Norauto, de réutiliser des vêtements en fin de vie : avec 7 tonnes de pantalons défibrés puis filés, l’entreprise a pu confectionner 15 000 t-shirts.

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