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Saint-Gobain PAM : "Nous ne cherchons plus de partenaire"
Interview Meurthe-et-Moselle

Jérôme Lionet directeur général de Saint-Gobain PAM "Nous ne cherchons plus de partenaire"

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Après une année 2021 marquée par des difficultés de recrutement et l'explosion des coûts de production, le fabricant de canalisations en fonte ductile Saint-Gobain PAM, à Pont-à-Mousson (Meurthe-et-Moselle), prépare un plan de redressement sur trois ans. Son directeur général confirme au passage que l'industriel n'est plus à la recherche de partenaire.

La production de Saint-Gobain PAM (1 milliard d'euros de chiffre d'affaires en 2021 dont 600 millions d'euros en France, 4 500 salariés dont 2 100 en France) est-elle perturbée par l'explosion des cas positifs de Covid-19 ?

Nous avons connu une poussée au mois de décembre et nous commençons à subir des difficultés au niveau des transports entrants et sortants. Du jour au lendemain, on peut nous dire qu'il n'y a pas de chauffeur ou de conducteur de train. La logistique reste donc chaotique. En ce qui concerne l'effectif interne, nous ne sommes pas trop déstabilisés. D'ailleurs, nous avons poursuivi nos efforts en termes de recrutements avec un flux de 100 embauches en 2021. L'effectif est ainsi resté globalement stable. Sans oublier les 130 nouveaux alternants sur l'ensemble des sites français de Saint-Gobain PAM (Pont-à-Mousson, Blénod, Bayard, Toul, Foug et Maidières, NDLR). Et nous devrions rester sur les mêmes tendances pour 2022.

Malgré les difficultés actuelles de recrutement ?

Ces difficultés structurelles sont liées à des filières techniques sous tension, notamment la maintenance industrielle. Mais ce n'est pas nouveau et cela concerne tout le monde. À Pont-à-Mousson, en Lorraine et en France. C'est pourquoi nous mettons l'accent sur l'alternance. C'est une façon de faire entrer des gens aux profils techniques et nous en gardons généralement un tiers à la fin de leur apprentissage. Pour nous, l'alternance est clairement un moyen de recrutement.

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Comment avez-vous traversé cette année 2021 marquée par la hausse significative des coûts de production ?

Nous avons réalisé un milliard d'euros de chiffre d'affaires dont 600 millions d'euros en France et il est en légère augmentation (le détail financier de l'année sera communiqué aux représentants du personnel dans les semaines à venir, NDLR). Mais nous avons dû faire face à une envolée historique des coûts des matières premières. Le minerai de fer et la ferraille ont connu des niveaux jamais atteints. À tel point que nous avons connu des problèmes d'approvisionnement. Et ce n'est pas terminé car la vague est toujours extrêmement haute. À cela est venue s'ajouter fin 2021 la crise énergétique, notamment sur le coke. Cela tire l'ensemble des matériaux électro intensifs que nous utilisons vers des sommets. Certains ont été multipliés par cinq pendant l'année. Les vagues successives s'empilent les unes au-dessus des autres et cela ne se calme pas.

Malgré tout, comment abordez-vous la sortie de crise ?

Nous avons effectué ces dernières années plusieurs restructurations responsables et engagé de très gros investissements (dont 10 millions d'euros dans un four électrique d'une capacité de 120 000 tonnes attendu avant l'été prochain, NDLR). Nous allons donc tourner la page et redéfinir un nouveau plan stratégique. Ce plan d'entreprise sur trois ans, que je détaillerai aux représentants du personnel dans un premier temps, s'inscrit dans une vision plus large et donc sur un plus long terme. Cette vision, définie en 2021 par nos équipes, dispose de trois grands piliers : la croissance client, la croissance durable et l'expertise pour le futur. D'abord, nous allons nous tourner davantage vers l'extérieur, le marché et donc nos clients. À la fois en termes d'innovations et de services. C'est un changement culturel. Souvent dans l'industrie, le process domine et on fait ce qu'on peut pour les clients. Mais faire rentrer les clients dans nos organisations commerciales, industrielles, administratives et dans nos logiques d'innovation, c'est important.

Ensuite, la croissance et la durabilité. Nous sommes sur un marché qui n'est pas en forte croissance. Mais il y a toujours des besoins en eau et notamment de renouvellement des réseaux. En France, 20 % de l'eau captée est perdue dans les canalisations en raison d'un manque de maintenance. Sans oublier qu'avec le Covid, la prise en compte des sujets environnementaux est encore plus importante. Le CO2 domine les débats, mais juste derrière, il y a l'eau. Cette prise de conscience des acteurs va tirer notre croissance en France et à l'export. Nous sommes effectivement passés par une phase très difficile à l'international mais aujourd'hui, nous sommes en train de concrétiser des contrats pour la reconstruction de l'Irak financée par le gouvernement japonais. Nous en sommes convaincus : nous avons des volumes à gagner à l'export et principalement sur des financements internationaux. Nous faisons d'ailleurs un important travail commercial avec l'agence française de développement. Je le rappelle, nous avons besoin de ces volumes.

Enfin, et c'est un pilier extrêmement important dans sa dimension humaine, c'est l'expertise pour le futur. Nous avons un défi de transmission du savoir-faire. Car sur nos 2 100 employés, un quart n'était pas là il y a cinq ans. Ces effets de pyramide d'âge font que le défi de la transmission est primordial. Sans oublier un autre défi, celui de la transition via la modernisation de notre outil industriel, l'achat de nouveaux équipements ou encore la digitalisation de nos procédés. Bref, nous avons besoin de transmettre nos compétences et d'en acquérir de nouvelles.

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Pour rebondir sur vos difficultés à l'international, êtes-vous toujours à la recherche d'un partenaire industriel ou financier ? Votre prédécesseur Ludovic Weber confirmait fin 2019 que les discussions étaient en cours. Il espérait même les voir aboutir en 2020. Depuis, plus de nouvelles.

Ce que je peux vous dire, c'est qu'à ce jour, nous ne cherchons plus de partenaire. Pour redonner des éléments de contexte, nous avons entamé ces discussions car nous nous sommes fait évincer de la Chine. Nous avons fermé le site de Xuzhou en novembre 2018 et nous avons vendu notre filiale chinoise en 2021. Or, dans ces industries, il faut quand même avoir une taille critique. L'idée était donc de nous adosser à un partenaire pour conserver de la solidité à l'international et notamment en Asie. Mais aujourd'hui, nous perdons de l'argent. Nous avons donc d'autres défis de redressement et de modernisation à relever. Relancer la dynamique de l'entreprise reste aujourd'hui la priorité.

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