Prêts garantis par l'Etat : les banques du Grand Est ne veulent laisser aucune entreprise « sans solution »
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Prêts garantis par l'Etat : les banques du Grand Est ne veulent laisser aucune entreprise « sans solution »

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Placées par le gouvernement au centre du dispositif de soutien aux PME, les banques ont ouvert largement les vannes du crédit pour permettre aux entreprises de surmonter la crise sanitaire et ses conséquences économiques. Face à la défiance qui monte, les banquiers du Grand Est rappellent que le nouveau prêt garanti par l’État constitue une dette, qu'il faudra rembourser.

Imaginé et mis en place alors que tous les milieux économiques attendaient une reprise en V, le prêt garanti par l'Etat ne sera pas toujours la meilleure solution pour les PME qui affronteront une reprise progressive de leur activité — Photo : © Archives - Le Journal des entreprises

Début avril, quelques jours après la mise en place du dispositif du nouveau prêt garanti par l’État (PGE), Marc Thirion, directeur du réseau entreprises de la Banque Populaire Alsace Lorraine Champagne (BPALC), l’assurait : « A ce stade, notre taux de refus de PGE est infime. Et encore, il faudrait enlever de ce taux de refus les demandes qui ne sont pas éligibles ». Même discours du côté du Crédit Agricole de Lorraine, où Richard Rostoucher, directeur des entreprises, collectivités et banque privée, expliquait que sa banque « n’avait refusé aucun dossier ».

« Les prêts garantis par l’État, ça marche ! », se félicitait le ministre de l'Economie Bruno Le Maire le ministre le 21 avril sur Twitter. « Les banques ont accordé 24 milliards d'euros de prêts à 174 000 entreprises. L’immense majorité des demandes ont été acceptées ». Et pourtant… « Cinq jours que j’attends ma réponse pour le PGE », lâche ce dirigeant lorrain opérant dans le BTP. « Si je n’obtiens pas cet argent, je mets la clé sous la porte », confie-t-il. Du côté des organisations patronales, une attention toute particulière est apportée au PGE : « On regarde, il y a des refus, mais c’est un sujet compliqué », confie le Medef 54.

Combler les trous dans la trésorerie

Le vaste programme de prêts bancaires que l’État s’est engagé à garantir à hauteur de 300 milliards d’euros a pour objectif de soulager les trésoreries et éviter les faillites pendant la crise liée à l’épidémie de Covid-19. Un prêt de trésorerie d’un an jusqu’à 25 % du chiffre d’affaires 2019 HT (ou du dernier exercice clos) réalisé en France

Le 25 mars, quand le ministre de l’Économie a précisé les contours du dispositif, la communication gouvernementale s’est articulée autour de la notion des « besoins de trésorerie » et de l’ampleur du dispositif, qualifié de « massif ». Les plus optimistes ont imaginé pouvoir facilement combler les trous dans leur trésorerie : « Ma demande de prêt s'est portée sur ce que je vais perdre sur trois mois », avance ce dirigeant d’une PME industrielle mosellane. Pour les dirigeants les plus prudents, « emprunter 25 % de son chiffre d’affaires, c’est complètement déraisonnable », estimait alors le patron d’une PME du bâtiment de la banlieue de Nancy.

« Le PGE est important mais il y a d’autres dispositifs »

Placées au cœur du dispositif, les banques du Grand Est ont fait une autre lecture du prêt garanti par l’État : « Notre rôle dans cette période, c’est d’accompagner les chefs d’entreprise dans la réflexion et dans le dimensionnement de leur besoin réel », précise Frédéric di Scala, président du directoire de la Banque Kolb, filiale du Crédit du Nord dans la région Grand Est et l'Yonne. Concrètement, pour les banquiers, le PGE n’est qu’une brique dans la muraille de défense qu’il est possible de dresser autour des sociétés touchées par la crise sanitaire.

« Beaucoup de dispositifs concernent du déport ou du report de charges dans le temps », précise Marc Thirion. « Donc la brique PGE, qui apporte de la trésorerie, est très importante, mais il est nécessaire de bien considérer la palette des outils qui sont à disposition du dirigeant d’entreprise ». Toutes les banques du Grand Est, à l’image de la Caisse d’Épargne Grand Est Europe, ont adapté « l’offre existante à l’urgence », précise Cédric Renaud, directeur du développement chez Caisse d’Épargne Grand Est Europe. « Mobilisation du poste client, optimisation des flux, accompagnement à l’international… Nous avons mis en place un véritable plan de rebond pour nos clients. Donc le PGE c’est important, mais il y a d’autres dispositifs. »

« Assumer notre responsabilité de banquier »

« Le PGE, c’est un bon produit », insiste Richard Rostoucher, du Crédit Agricole de Lorraine. « 25 % du chiffre d’affaires, ça permet d’apporter de la trésorerie et de la souplesse. Et on peut espérer que d’ici un an les choses seront revenues à la normale. » Mais tous les banquiers le savent : un prêt, ça se rembourse. Les conditions très favorables mises en place par le gouvernement ont pu occulter cette réalité toute simple : « Même s’il n’y a pas d’intérêts à payer, un moment donné il faudra bien rembourser le capital », souligne Richard Rostoucher. Et c’est sous ce prisme que les banquiers du Grand Est ont analysé les dossiers de demande de PGE. « Si l’entreprise était déjà en difficulté avant la crise, nous nous devons d’être vigilants et respectueux du cadre défini par les pouvoirs publics », explique Marc Thirion.

Très larges, les critères d’éligibilité tels que définis par le gouvernement excluent les entreprises en procédure collective, mais même les entreprises dont les fonds propres sont inférieurs à la moitié du capital social, voire négatifs, sont également éligibles. Pour autant, les banquiers vont continuer à examiner les dossiers : « il y a des sociétés déjà très dégradées avant crise à qui, déjà, on ne prêtait pas parce que la structure était irrémédiablement dégradée. Cette société qui reviendrait avec une demande de PGE obtiendrait la même réponse car inéligible à la garantie de l’État. Notre responsabilité de banquier est d’être cohérent, précis, transparent vis-à-vis des clients », précise Cédric Renaud.

En accordant un PGE à une PME, la banque prend 10 % de risque, soit moins que pour un prêt classique : mais « les banques devront assumer une partie de la perte sur leurs comptes s’il y a défaillance de l’emprunteur », précise Frédéric di Scala, qui estime, comme l’ensemble de ces collègues, qu’aucun entrepreneur ne devrait être laissé sans solution. « Au niveau de la région, il y a des dispositifs complémentaires qui sont mis en place : prêt Rebond, prêt Atout, Fonds Résistance, etc. C’est le rôle du conseiller d’indiquer que le PGE n’est qu’une partie de la solution ou de pouvoir trouver d’autres mécanismes pour pouvoir traverser la période. »

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