Meurthe-et-Moselle
François Piot (Prêt à Partir) : « Les voyages seront possibles dans tous les pays méditerranéens cet été »
Interview Meurthe-et-Moselle # Tourisme # Conjoncture

François Piot dirigeant-propriétaire du groupe Prêt à Partir François Piot (Prêt à Partir) : « Les voyages seront possibles dans tous les pays méditerranéens cet été »

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Opérant sur des métiers comme le transport par autocar et l’organisation de voyages, le groupe Prêt à Partir (108 millions d'euros de chiffre d'affaires), basé à Gondreville, en Moselle, a encaissé de plein fouet la crise sanitaire. Mais son dirigeant, François Piot, affiche aujourd’hui une certaine sérénité : non seulement son groupe traversera la crise, mais l’activité repart plus vite que prévu.

« On sait qu'on va rentrer dans un cycle de récession économique dans notre métier comme dans tous les métiers », estime François Piot, le dirigeant propriétaire du groupe Prêt à Partir — Photo : © Jean-François Michel

Pensez-vous possible une reprise rapide dans le secteur du tourisme ?

François Piot : Tout va très vite. Il y a quinze jours on parlait d’une fermeture de l’aéroport d’Orly jusqu’au mois de septembre et, quelques heures après, on annonçait sa réouverture, qui a été confirmée pour le 26 juin. On a eu des ministres du gouvernement (*) qui annonçaient que les voyages à l’étranger seraient interdits et, trois jours plus tard, des pays ont décidé d’ouvrir leurs frontières… Chaque jour qui passe apporte son lot de bonnes nouvelles sur le droit de partir à l’étranger et celui d’être reçu à l’étranger. Je fais partie des optimistes de la profession. Et nous n’étions pas très nombreux au début… Aujourd’hui, les rangs se gonflent. Début juillet, il sera possible de partir dans tous les pays du bord de la Méditerranée, soit la destination principale des Français et des Européens pendant l’été. J’ai une incertitude sur le Maroc, car le Maroc ne veut pas ouvrir ses frontières, mais c’est plus politique que sanitaire.

Donc vous pourrez sauver votre été ?

François Piot : Nous pourrons faire des ventes : le mois de juillet sera en demi-teinte, car ce n’est pas évident de partir du jour au lendemain. D’autant plus qu’il y aura des gens qui vont avoir des congés annulés, des gens qui auront un vrai problème de pouvoir d’achat, des gens qui ont perdu des revenus ou leur travail. Nous allons maintenant passer sur des problèmes de fond, à savoir des problèmes d’argent. On peut s’attendre à ce que le prix des voyages ne soit pas très élevé cet été. Les avions seront vides et le pétrole n’est pas cher, ça devrait permettre de faire quelques bonnes affaires. Mais nous nous attendons aussi à ce que les prix remontent assez violemment à partir de l’automne, sur les vols en particulier. Sur la partie loisirs, ça va fonctionner : moins que d’habitude, mais il va se passer quelque chose.

Quid des voyages d'affaires ?

François Piot : Sur tout ce qui est voyage d’affaires, soit 60 voire 70 % des revenus des compagnies aériennes, ça va mettre du temps. Il y a deux types de comportements : un comportement PME qui est de dire "Je veux revoyager pour aller chercher du business" et un comportement grand groupe qui disent "Attention à la responsabilité sanitaire, il faut faire des économies sur les budgets voyages et donc on interdit à nos cadres de se déplacer". Concrètement, il n’y aura pas de vraie reprise avant 2021 pour le voyage d’affaires.

Quel est votre niveau d’activité dans le transport par autocar ?

François Piot : Aujourd’hui, la seule chose qui fonctionne, c’est d’emmener les enfants à l’école et aussi un peu de transports urbains. Avec la réouverture des collèges, nous allons monter à environ 80-90 % de nos véhicules qui tournent. Nous ne tournons pas autant qu’avant mais quasiment tous les véhicules sortent. Parfois, ils font moins de tournées qu’auparavant. Mais globalement, l’activité transport public reprend à un taux assez fort. On peut dire qu’on est déconfiné. Sur l’activité tourisme en autocar, ce n’est pas du tout le cas. Il y a encore des règles de distanciation à respecter, y compris dans les véhicules de transport scolaire. Ce qui ne pose pas de problème, puisque dans ces cars, il y a 50 places et là où nous avons 50 gamins d’habitude, on en a que 5… Mais si demain nous voulions organiser un voyage de deux jours en Alsace, il faudrait mettre un passager par banquette donc avoir au maximum 25 ou 30 passagers dans l’autocar, ce qui économiquement n’est pas possible.

Comment se porte l’activité dans vos agences de voyages ?

François Piot : Nous avons fermé nos boutiques le 16 mars. Elles ont commencé à rouvrir début juin : une trentaine de boutiques sur 95. Il y a de l’activité, avec notamment des clients qui ont par exemple déjà réservé un voyage. Ces clients nous ont prépayés leur voyage et le gouvernement a publié une ordonnance qui nous permet de ne pas les rembourser. Donc les acomptes versés pour des voyages qui n’ont pas pu avoir lieu à cause du Covid-19 ne sont pas systématiquement remboursables, pour préserver la trésorerie des gens du secteur. Nous avons aujourd’hui un certain nombre d’acomptes de clients qui n’ont pas pu partir et qui viennent vers nous pour trouver une solution. Nous avons 18 mois pour leur trouver un voyage : s’ils n’ont rien acheté au bout de cette période, on les rembourse. D’autres clients veulent partir cet été : la compagnie luxembourgeoise Luxair a effectué son premier vol vers le Portugal avec un taux de remplissage qui était bon. Et elle prévoit un été à peu près normal en termes de plan de vol. Donc nous faisons des ventes, nous avons des demandes pour l’été 2020, mais aussi pour l’hiver 2021 qui est déjà ouvert, et pour l’été 2021 qui a ouvert depuis quelques jours, bien en avance par rapport à ce qui se fait en temps normal.

Quel sera l’impact de la crise sanitaire sur le groupe Prêt à Partir ?

François Piot : Aujourd’hui, je n’ai pas d’inquiétude sur la trésorerie et sur la survie de la boîte. En 2019, nous avons réalisé 10 millions d'euros de résultat net ; on prévoyait un peu moins cette année, aux alentours de 6 millions. Pour 2020, j'estime les pertes entre 0 et 5 millions d'euros. En janvier, nous étions sur des niveaux de vente historiques, à 20 % de progression… Nos métiers sont très sensibles aux événements sanitaires, géopolitiques, économiques et il y a régulièrement des crises : le 11 septembre 2001, la crise de 2008, les printemps arabes de 2011. À chaque fois, on encaisse une grosse baisse et puis ça repart. Le printemps arabe, par exemple, a duré très longtemps : c’est seulement en 2016 qu’on a commencé à retourner en Tunisie. Quand on peut partir où on veut, que l’Euro se porte bien par rapport au dollar, que le kérosène est à un prix "normal", ça facilite le marché.

L’impact de la crise du coronavirus est d’abord immédiat parce que les clients partiront moins cette année, et il y a surtout l’impact qu’on va subir pendant les quatre à cinq ans qui viennent, du fait des fournisseurs qui vont disparaître. On va avoir moins d’offres, moins de clients, car les clients auront moins d’argent et moins de temps pour voyager. On sait qu’on va rentrer dans un cycle de récession économique, dans notre métier comme dans tous les métiers. Il va falloir serrer les fesses pendant les cinq ans qui viennent…

(*) François Piot est délégué de l’Association Professionnelle de Solidarité du Tourisme (APST) pour la Lorraine

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