Tourisme : Les professionnels défiants face au Voyage à Nantes

Tourisme : Les professionnels défiants face au Voyage à Nantes

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Alors que des événements culturels débutent ce mois-ci à Nantes, de nombreux professionnels du tourisme tempêtent contre le Voyage à Nantes. Ils reprochent à la structure un manque de concertation et un empiétement du public sur le secteur privé.
— Photo : Le Journal des Entreprises

À quelques semaines du début de la saison estivale, les professionnels du tourisme sont inquiets. Surtout, ils sont particulièrement remontés contre le Voyage à Nantes (VAN), au point de remettre en cause sa stratégie. Née en 2011, cette société publique locale gère l'office de tourisme, le Château des ducs, les Machines de l'île et le Mémorial de l'esclavage. Dirigée par Jean Blaise, cette super-structure touristico-culturelle de 200 salariés pilote également l'événement de l'été, baptisé lui aussi le Voyage à Nantes, un parcours artistique de neuf kilomètres au sein duquel s'inscrit la biennale d'art Estuaire 2012. Sous la houlette de cette société publique locale, Nantes veut passer du stade de ville de passage, à celui de destination touristique à l'échelle européenne. Et pour courir cet objectif, l'agglomération s'en remet au tourisme culturel.




OPA de la culture

Sauf que déjà, des dents grincent du côté des professionnels du tourisme qui dénoncent une OPA de la culture sur le tourisme. La fronde est notamment venue de Philippe Quintana, président du nouveau syndicat professionnel Apiih (Association des professionnels indépendants de l'industrie hôtelière). Représentant des hôteliers-restaurateurs, cafetiers et gérants de discothèque, le Nantais pointe du doigt l'intrusion du public dans son secteur d'activité à l'occasion du parcours le Voyage à Nantes, avec notamment la création de Crêpetown, la plus grande crêperie du monde dans les anciennes halles Alstol, d'un bar, le Nid, au sommet de la Tour Bretagne, et de la mise à disposition de tables et barbecues à quelques mètres des établissements de l'allée Flesselle. «Il y a suffisamment de bars et crêperies à Nantes pour en créer des provisoires. On me dit que le bar de la tour Bretagne appartient au domaine privé de Nantes Métropole et non au domaine public et que le CCO va exploiter ce lieu. Ca veut dire que le CCO devient bistrotier! Mais où va t-on? Si la culture permet au tourisme de décoller à Nantes, je serais le premier à féliciter Jean Blaise. Maintenant, il faudrait que les mêmes règles s'appliquent à tout le monde», déplore Philippe Quintana. Un sentiment partagé du côté de l'UMIH 44. «On peut regretter de ne pas avoir été consultés pour ces établissements provisoires. Cela pose la question d'une concurrence déloyale. Nous payons des loyers, des taxes pour nos terrasses, etc. Les contraintes des collectivités sur nos établissements se durcissent et dans le même temps, on accorde des autorisations sans problème à ces établissements provisoires. La réaction des professionnels était à prévoir», estime Emmanuel Boulanger, président du syndicat hôtelier dans le département. À la CCI, à grand renfort de diplomatie, on essaie d'arrondir les angles et de déminer le terrain entre le VAN et les hôteliers-restaurateurs. «Chacun est dans son rôle. Les syndicats professionnels défendent leur activité dans une période difficile. Le VAN, lui, met en place un événement exceptionnel qui doit permettre à Nantes de devenir une destination touristique grâce à sa forte identité culturelle. Nous ferons les comptes des retombées économiques à la fin de l'été», positive Gilles d'Hermies, vice-président en charge du tourisme à la CCI Nantes Saint-Nazaire.




60millions de retombées?

Ces retombées économiques, le VAN les a évaluées. Avec son parcours artistique estival conjugué à Estuaire, il compte faire progresser de 20% la fréquentation touristique entre2011 et2012, pour la porter de 200.000 à 240.000 touristes. À la clé, le tourisme devrait générer 10millions de recettes supplémentaires par rapport aux 46millions enregistrés à l'été 2011. Des perspectives insuffisantes pour le Club hôtelier de Nantes. «La hausse de fréquentation attendue par le VAN risque de ne pas permettre à nos établissements de conserver leur taux d'occupation car l'offre hôtelière a beaucoup augmenté. Le tourisme culturel, c'est très bien, mais cela ne nous semble trop restrictif et pour l'instant le VAN ne nous entend pas», déplore Gilles Cibert, président du Club hôtelier nantais. Selon le baromètre de cette association, 56% des hôtels nantais ont vu leur chiffre d'affaires baisser depuis le début de l'année, le secteur pesant 2.500 emplois. À la direction du VAN, on comprend cette attente. «C'est faux de dire que l'on concentre nos efforts sur une clientèle de "bobos". La cible, ce sont les urbains français et européens. Maintenant, oui, à Nantes on ne fait pas du parc Astérix. Notre offre est exigeante, mais accessible. Il faut bien comprendre que l'on ne fait pas un coup mais que notre stratégie s'inscrit sur le long terme», explique Maud Raffray, secrétaire générale du VAN. Autre point de désaccord entre les deux parties, la centrale de réservation, resanantes.com, du Voyage à Nantes. «C'est une centrale de réservation qui nous prend une commission de 8 à 10% et qui tend de plus en plus à s'imposer comme un portail unique lors des manifestations. Cela devrait être un service public auquel nous devrions être associés. Or cette centrale est de plus en plus mercantile, avec une rubrique phare intitulée "Mon panier"», juge Gilles Cibert. Retour à l'envoyeur du côté du VAN. «Pour les centrales de réservation privées, les commissions des hôteliers vont jusqu'à 30% du prix d'une chambre. Avec 8%, nous ne rentrons pas dans nos frais. On ne peut pas proposer un site vitrine de la destination sans un service de réservation», souligne Maud Raffray. Les professionnels préviennent. «Nous ferons les comptes à la fin de l'été. Ce que l'on souhaite, c'est être écoutés», note Gilles Cibert. «Nous étions auparavant bien représentés au sein de l'Office de tourisme. Le VAN, lui, nous a accordé deux strapontins». L'été s'annonce chaud en matière de tourisme à Nantes.