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Philippe Maindron va faire défiler 1 000 patrons sur les Champs-Elysées
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Philippe Maindron va faire défiler 1 000 patrons sur les Champs-Elysées

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Mille dirigeants en mobylette vont envahir ce dimanche 11 septembre les Champs-Elysées à Paris. A l'origine de cet événement loufoque auto-proclamé remède anti-crise, un dirigeant vendéen. Ancien technicien agricole, dirigeant pendant 15 ans d'une PME du bâtiment, fondateur d'un festival de musique, Philippe Maindron est un véritable bâtisseur de délires. Portrait.

— Photo : Le Journal des Entreprises

Retour en 2011 : pour célébrer les 25 ans du festival de musique de Poupet, en Vendée, Philippe Maindron lance « Las Vegas du Bois ». Un délire. Le déferlement de vedettes qui arrivent chaque été dans le village de Saint-Malo du Bois, site du festival en plein bocage vendéen, rappelle la capitale américaine du spectacle et du jeu.

Une locomotive à vapeur et 30 000 visiteurs

« Pourquoi ne pas en parodier l’atmosphère ? », lance son fondateur. Une locomotive à vapeur installée en plein bocage « On a invité des sosies de chanteurs morts. Pour les faire venir, j’ai décrété qu’il fallait un vrai train à vapeur. Un truc de malade ! (sic). Personne ne croyait 30 secondes à cette connerie, sauf que moi quand j’ai une idée dans la tête… Au final, une vraie locomotive de 45 tonnes a circulé sur 400 mètres de voie ferrée dans le village ! 30 000 personnes ont fait la fête. » Plus qu’une anecdote, la petite histoire rappelle qu’un délire de Philippe Maindron peut rapidement devenir un gros événement.

« Allô, Pierre Bachelet ? »

Son premier fait d’armes : transformer la fête de village de Saint-Malo du Bois en un festival accueillant aujourd’hui 80.000 spectateurs, qui viennent applaudir des stars : de Renaud aux Insus, à Stromae, Texas, Lenny Kravitz ou Bob Dylan. Le premier à débarquer dans le bocage, en 1998, se nomme Pierre Bachelet. « On y est allé au culot ! Grâce à quelqu’un qui connaissait quelqu’un qui connaissait quelqu’un… Jusqu’à réussir à passer un coup de fil à Pierre Bachelet, surpris, qui nous a dit : " Bon, les gars, ça ne se passe pas tout à fait comme ça ", raconte avec humour Philippe Maindron. Il nous a alors invités dans un café parisien pour négocier… À l’époque, on ne savait pas combien coûtait un concert, ni rédiger un contrat ».

Hyper-actif et émotif

Hyper-actif doté d’une puissance de travail « assez phénoménale », dixit ses proches, le Vendéen a toujours su oser. « Il n’aime pas les zones de confort mais cherche toujours à se mettre sous pression et même en danger… Quitte à se mettre dans des états pas possibles ! Alors parfois il craque, il pleure à chaudes larmes… », décrit Jean-Marie Poirier, à la fois son voisin, vice-président du festival de Poupet et directeur de l’agence Crédit Mutuel des Herbiers. Oser lâcher prise Ce dernier se souvient d’une averse de grêle avant un concert de Johnny à Poupet. Angoisse. « Vous avez affaire à un émotif qui a fait le choix de laisser libre cours à ses émotions, de lâcher prise, de refuser de tout contrôler… Ce qui le rend attachant », ajoute-t-il.

Un électron libre fédérateur

Oser et lâcher prise, l’ADN de Philippe Maindron résumé en deux mots. Difficile de garder son sérieux, par exemple, quand une ribambelle de chefs d’entreprise se retrouve coiffée d’un casque rose, de lunettes d’aviateur façon début 20e siècle et drapés de grandes capes bleues. Tel est le principe du grand prix de La Meule Bleue, co-fondé par le Vendéen, qui désacralise la figure du patron. Cette course de mobylettes improbable, doit réunir mi-septembre 2016 entre 700 et 1.000 patrons vendéens mais aussi du reste de la France. Cette année, l’événement se paiera même le luxe d’un prologue à Paris, avec étape sur les Champs-Élysées ! Avant un parcours sur la côte vendéenne. Un succès : 150 entreprises en 2014, 450 en 2015, des milliers d’invités, plus de 700 pour plus de 1,2 million de budget cette année. Objectif de ce grand n’importe quoi, autoproclamé « remède anti-crise » : rire, décompresser en se rapprochant de ses salariés, eux aussi en mode cerveau débranché. Organisateurs de « la caravane » qui suit la course, ces derniers devront cette année la décorer sur le thème des « hippies ». Après le défilé, concerts et humoristes achèvent le spectacle. Une organisation carrée.

« Sérieux, sans se prendre au sérieux »

Fou furieux d’un côté, sérieux de l’autre, Philippe Maindron ? Lui, répète à l’envi sa devise : « sérieux sans se prendre au sérieux ». Quand, il parle de Poupet, entre les idées délirantes débattues dans l’association et la fête finale, il précise bien qu’il n’y a « pas de place pour l’improvisation dans l’organisation ! ». Pour beaucoup, l’homme réussit également grâce à sa capacité à bien s’entourer. Jean-Marie Poirier abonde dans ce sens : « Philippe déploie une telle énergie, une telle capacité de travail qu’il fédère autour de lui…. Derrière, le groupe le tempère quand il part trop loin, comme à Poupet avec le trésorier du festival, un agriculteur plutôt pragmatique. »

15 ans dans le bâtiment

Blague potache, lancée avec quelques patrons au départ, l’idée de la Meule Bleue a germé dans l’usine de « Maison Bleue », qu’a co-dirigée Philippe Maindron pendant 16 ans avec son associé, Philippe Guilloteau. Une PME de 100 salariés basée à La Rabatelière, qui livre des murs en béton préfabriqué et dont le résultat est toujours positif malgré la crise qu’endure le secteur du bâtiment. Directeur général du fabricant de bâtiments modulaires Cougnaud (1.300 salariés), un client, Jean-Yves Cougnaud, se rappelle avoir participé là-bas à un « lancé des poireaux », lors d’une fête. « Pour un anniversaire, l’usine pouvait aussi bien accueillir un parcours de mobylette façon gymkhana, une collecte de nains de jardin, une comédie musicale, un coiffeur pour les convives… Une fois, à l’aide de nos murs préfabriqués, on a même recréé un labyrinthe dans le noir. Pour en sortir, il fallait parfois cinq bonnes minutes ! », se souvient Franck Thiebaud-Georges, directeur administratif et financier de la PME. Ce dernier se souvient aussi d’un dirigeant que tout le monde tutoyait, un tantinet paternaliste mais fédérateur avec qui il n’y avait pas de conflit.

« Maindronisation des esprits »

Un culot plutôt communicatif. « Sans Philippe, le festival "Viens dans mon île" n’existerait peut-être pas », confie Antoine Grésillon-Bertrand, fondateur de cette série de concerts proposés sur l’île d’Yeu. Co-dirigeant de la compagnie Oya Vendée Hélicoptères qui relie l’île au continent, le pilote ruminait un projet culturel pour mettre en valeur la citadelle sur les hauteurs de Port-Joinville. Lors d’une promenade en mars2012, il lâche l’idée à Philippe Maindron. « Il m’a dit : très bien, monte ton événement dès cette année ! Ca, c’est la folie de Philippe ! Derrière, il m’a aidé pour obtenir du matériel, des contacts d’artistes comme Thomas Dutronc… ». Aujourd’hui certains n’hésiste pas à parler de « maindronisation » des esprits. « Depuis la Meule Bleue, plusieurs dirigeants ont dans l’idée d’ajouter une dose de fête dans leur entreprise », assure ainsi Franck Thiebaud-Georges.

Des expériences de vie

Qu’est-ce qui motive aujourd’hui Philippe Maindron, qui a quitté Maison Bleue en 2016 pour lancer sa propre boîte de production d’événements pour les entreprises, associations et collectivités ? « Il ne court pas après la notoriété. Peut-être qu’on trouve chez lui une forme d’ego ou d’ambition mais c’est plutôt un leader, quelqu’un qui aime voir les gens rayonner autour de lui, estime Jean-Marie Poirier. Obsédé par le temps qui passe, c’est surtout quelqu’un qui veut emmagasiner un maximum d’expériences de vie. » L’intéressé reconnaît en effet que « la vie reste trop courte », d’où l’envie d’un nouveau défi avec la création de Maindron Production. Le déclic à l’origine de ce projet ? « Il y a dix ans, j’ai été invité à « la première fête des cons », un rassemblement de 300 personnes à Mouzillon, avec des chefs d’entreprises, des gens lambdas, tous les politiques étaient conviés… rembobine Philippe Maindron. Une fête avec des jeux et des histoires pour arrêter de se prendre au sérieux. ça a changé ma vie ! » Or c’est bien connu : les cons ça ose tout, c’est même à ça qu’on les reconnaît ! Pour reprendre un dialogue du film Les Tontons Flingueurs.

Faire tomber les barrières

A une époque marquée par les épidémies de burn-out, Philippe Maindron dit ressentir un vrai besoin pour ce qu’il appelle ses « conneries ». « Aujourd’hui, il y a trop de barrières, de tabous et de courbettes dans les rapports humains… Les gens ont besoin de simplicité », explique le Vendéen. Sa boîte de prod’ s’apprête à diffuser sa recette, en partant souvent du décor de l’entreprise, toujours de ses équipes. « Il faut demander aux femmes et aux hommes ce qu’ils ont envie de faire, que ça vienne de leurs tripes ! Que ce soit leur événement, explique-t-il. Son Graal : raconter de belles histoires, donner de l’émotion et rappeler « qu’on a de la chance d’être dans une entreprise, malgré les problèmes qu’on rencontre ». La méthode Maindron.

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