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Damartex : « Nos ventes ont été très impactées par les Gilets jaunes et le Brexit »
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Patrick Seghin PDG du groupe Damartex Damartex : « Nos ventes ont été très impactées par les Gilets jaunes et le Brexit »

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PDG du groupe Damartex (Damart, Afibel, Vitrine magique, etc.), Patrick Seghin revient sur la perte de 34,8 M€ affichée sur son exercice 2018-2019. Pour redresser la barre, le dirigeant mise sur son pôle "Home & lifestyle" (produits de décoration et liés au bien vieillir), ainsi que sur la modernisation et la technicité de sa gamme textile.

Patrick Seghin, président directeur général du groupe nordiste Damartex — Photo : Damartex

Le Journal des Entreprises : Sur son exercice 2018-2019, Damartex affiche une perte nette de 34,8 M€, pour un CA de 720 M€ et 3 300 salariés. C’est une situation plutôt rare dans l’histoire du groupe…

Patrick Seghin : Absolument ! Et c’est une situation explicable. Cette perte est liée à une dépréciation d’actifs concernant l’une de nos sociétés : Afibel. Depuis deux ans, cette entreprise se porte moins bien et les commissaires aux comptes ont donc revu sa valeur au bilan : elle est passée de 27 M€ à zéro. C’est une opération comptable qui n’a pas d’impact sur la trésorerie et qui ne se reproduira pas les années suivantes. Avec cette revalorisation, nous avons remis les compteurs à zéro.

Comment se porte Damartex, en dehors de cette dépréciation d’actifs ?

P. S. : Le résultat opérationnel s’établit à 1,2 M€ sur cet exercice (soit une baisse de 92,8 % par rapport à l’exercice précédent, NDLR). Nous gagnons moins d’argent, mais affichons tout de même une profitabilité opérationnelle courante, avec une dynamique bien meilleure sur le deuxième semestre. Sur la période de novembre 2018 à janvier 2019, nos ventes ont été fortement impactées par les phénomènes des Gilets jaunes et du Brexit…

À combien se chiffrent les pertes liées à ces phénomènes ?

P. S. : Pour le Brexit, nous n’avons pas vraiment de données chiffrées. En revanche, nous avons constaté que les lendemains de déclarations du Premier ministre britannique Boris Johnson, nos ventes en ligne en Angleterre étaient en chute libre. Il faut savoir que notre clientèle a 67 ans en moyenne : les phénomènes anxiogènes ont un impact très important sur son comportement d’achat.

« Les lendemains de déclarations de Boris Johnson, nos ventes en ligne en Angleterre sont en chute libre ! »

Du côté des Gilets jaunes, nous avons des données plus précises. Sur la période concernée, nous avons perdu 6 M€ d’euros de chiffre d’affaires. Nous avons presque divisé par deux le chiffre réalisé le samedi : il est passé de 18 % du chiffre d’affaires hebdomadaire à 8 % durant la crise des Gilets jaunes…

En dehors de ces phénomènes, le textile est aussi un secteur en perte de vitesse…

P. S. : Oui, le marché baisse d’1 à 1,5 % par an. C’est une décroissance qui dure depuis près de dix ans. Elle est toutefois compensée par une croissance structurelle : il y a de plus en plus de seniors. La génération des baby-boomers vient grossir les rangs de nos clients et supporte ainsi la baisse du textile.

Dans un tel contexte, misez-vous davantage sur votre autre secteur d’activité, le pôle "Home & lifestyle" ?

P. S. : Tout à fait. Nous avons lancé un grand plan stratégique il y a un an et l’un des axes prioritaires, c’est l’accélération du pôle Home & lifestyle. Nous avons démarré cette activité il y a 6 ou 7 ans. Elle est positionnée sur la décoration et le bien vieillir, et compte aujourd’hui un total de cinq enseignes. En 2011, elle représentait 5 % de nos ventes, contre 24 % en 2019. C’est un chiffre qui est encore appelé à se développer.

Home & lifestyle se porte bien et a généré, sur cet exercice, un résultat opérationnel en croissance, qui s’établit à 6 M€, alors que celui de l’activité "Mode & prêt-à-porter" est en retrait, avec -4,9 M€. Pour autant, il n’est pas question de lâcher l’activité textile : nous prévoyons des extensions de gammes et géographiques. De manière générale, le groupe va maintenir ses investissements cette année, à hauteur de 17 M€, ce qui correspond à la moyenne des années précédentes.

Pour le textile justement, comment comptez-vous redresser la barre ?

P. S. : Sur le textile, nous sommes en pleine modernisation de notre offre. Notre clientèle évolue : la cliente qui a 71 ans, portait des jeans quand elle avait une vingtaine d’années, est peut-être divorcée... Elle sera très différente de notre cliente de 78 ans. Le défi, c’est de gérer ces changements. Damart a entamé ce travail il y a déjà 4 ans et s’en sort bien, avec des collections plus modernes, des collections capsules aussi. Pour Afibel, c’est un travail que nous entamons seulement et qui prend du temps.

Vous intéressez-vous au textile technique ?

P. S. : Oui, moderniser la gamme ne suffit pas. Nous misons aussi sur la technicité de nos produits, dans trois domaines surtout : les sous-vêtements, les pantalons et les chaussures. Dans le premier, nous avons lancé, en mars dernier, le Feel Fresh, un débardeur anti-transpirant pour hommes et femmes . Nous en avons déjà vendu près de 30 000 pièces, c’est un bon démarrage. Ce produit fait l’objet d’un brevet, tout comme les semelles spécifiques que nous développons pour nos chaussures.

Vers 70-75 ans, le pied change de forme. Nous voulons permettre à nos clientes d’avoir un confort de marche tout en restant élégante. C’est cette technicité, couplée à la modernisation de nos gammes, qui doit donner un nouveau souffle à notre activité textile. Nous avons également réalisé quelques tests sur le textile connecté, mais pour le moment, les projets dans ce domaine sont à l’arrêt.

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