Canal Seine-Nord : D'une mise en pause à une remise en cause ?
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Canal Seine-Nord : D'une mise en pause à une remise en cause ?

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S'il n'a jamais été expressément nommé, le canal Seine-Nord pourrait s'inscrire dans les grands projets d'infrastructures annoncés comme étant mis en pause par le gouvernement, et notamment par la ministre des Transports Elisabeth Borne. Les acteurs économiques concernés, eux, s'inquiètent déjà d'une remise en cause.

— Photo : Le Journal des Entreprises

Décrié durant l'été 2016 par la Cour des comptes, le canal Seine-Nord pourrait finalement être tué dans l'œuf par le nouveau gouvernement. En cause ? La volonté de faire des économies pour combler les 8 milliards d'euros de « dérapage » du quinquennat de François Hollande. C'est en tout cas le sens que prennent plusieurs déclarations récentes d'Emmanuel Macron lui-même, de son Premier ministre Edouard Philippe qui n'a jamais été un fervent défenseur de ce projet, mais aussi de la ministre chargée des Transports Elisabeth Borne. Tour à tour, ils ont évoqué leur volonté de ne plus démarrer de grands projets d'infrastructures avant la mise en place d'une loi sur la mobilité durant le premier semestre 2018.

Cette pause serait nécessaire pour déterminer les priorités, « au cas par cas », comme le confirmait le 6 juillet le ministre de la Transition écologique Nicolas Hulot. Avec un investissement estimé à près de 4,5 milliards d'euros hors taxes, ce canal long de 107 km semble être un parfait candidat à l'éviction.

Exit les 13.000 emplois des chantiers

Adoubé par le gouvernement Hollande, le projet de canal Seine-Nord semblait pourtant bien parti, avec la constitution récente d'une société de projet que devait présider Rémy Pauvros. Cette nouvelle perspective suscite donc stupeur et inquiétudes chez les acteurs économiques des Hauts-de-France. D'autant que le ce Canal-Seine Nord doit générer 13.000 à 15.000 emplois, directs et indirects, durant la phase de chantier et quelque 50.000 à terme. « Il y a trois à quatre fois plus d'emplois prévus avec les zones logistiques qui suivront », soulignait d'ailleurs en septembre le président de la Région Hauts-de-France Xavier Bertrand. Le projet doit également permettre de réduire de 500.000 le nombre de camions par an sur les routes de France. La nouvelle est donc plus que difficile à digérer par les acteurs économiques des Hauts-de-France et certains élus montent déjà au créneau.

Une vague d'inquiétude dans les Hauts-de-France

« Il serait insupportable pour notre région de voir ce projet retardé, alors qu'il s'inscrit pleinement dans les ambitions de la transition écologique et qu'il porte l'espoir d'un développement économique renouvelé », commente Philippe Hourdain, président de la CCI Hauts-de-France, avant de lancer un appel ferme au gouvernement : « C'est pourquoi, au nom des 150.000 entreprises des Hauts-de-France, et de l'ensemble des acteurs économiques, j'appelle le gouvernement à respecter les engagements pris, et à maintenir le calendrier de réalisation du canal Seine-Nord Europe ! ».

L'ancien ministre Patrick Kanner est lui aussi monté au créneau, choisissant de s'exprimer sur Twitter :

Du côté de la Région cette fois, la première vice-présidente Valérie Létard, également sénatrice du Nord, a qualifié cette pause d'« impensable et inacceptable », affirmant que le canal Seine-Nord ne doit pas être une variable d'ajustement budgétaire, dans une approche à court terme et sans vision. « Chaque année supplémentaire d'attente et de tergiversation nous fait perdre une tranche de son financement européen. Elle fragilise l'équilibre financier du projet et le met définitivement en péril. C'est inacceptable pour notre région, mais pour la place de la France en Europe.»

Enfin, le secteur des travaux publics s'inquiète : « Dans une zone fortement marquée par le chômage, dans un contexte économique déprimé, ce projet est très attendu par les entreprises locales et régionales de travaux publics. La profession a mis en place des plans de formation spécifiques, s'est organisée pour que ce chantier permette aussi l'insertion de personnes fortement éloignées du travail », commente Bernard Duhamel, président de la Fédération régionale des travaux publics des Hauts-de-France (620 entreprises, 26.000 salariés), cité dans un communiqué. Et de prévenir : « Reporter ce projet, c'est reporter l'avenir de la région ».

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