Tenue vestimentaire : jusqu’où peut aller l’entreprise ?
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Tenue vestimentaire : jusqu’où peut aller l’entreprise ?

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"Crop top" dévoilant le nombril des filles, bermuda de plage pour les garçons… A travers le mouvement #Lundi14septembre, qui s’est déployé dans les rues, médias et sur les réseaux sociaux, les jeunes revendiquent le droit de s’habiller librement au lycée… et demain dans l’entreprise ? Un employeur, soucieux l’image de son entreprise peut-il imposer certaines normes vestimentaires sans être accusé de discrimination ?

Le trio casual "jeans/baskets/t-shirts" permet à l’entreprise d’afficher jeunesse, avant-gardisme et agilité — Photo : ©Roman - stock.adobe.com

Que dit la loi ?

Le choix de se vêtir comme il l’entend relève de la liberté individuelle du salarié (article L. 1121-1 du Code du travail). Néanmoins, la tenue vestimentaire du salarié doit être compatible avec ses fonctions et conditions de travail. Il peut donc y avoir restrictions apportées à la liberté vestimentaire, qui doivent être justifiées par l’activité professionnelle et proportionnées au but recherché (art. L. 1121-1).

L’entreprise peut-elle imposer une tenue vestimentaire ?

Oui, selon le code du travail, à condition qu’elle soit justifiée par la nature de la tâche à accomplir : raisons de sécurité (dans l’industrie, le BTP), raisons d’hygiène (hôpitaux, restauration, agroalimentaire) ou d’image de marque (banque, assurance, luxe). Il existe des "dress codes" très spécifiques, comme le port de l’uniforme dans certaines institutions (armée, pompiers, sécurité, justice…) ou certaines professions (pilotes, médecins…). La tenue fait alors office de marqueur de la fonction, de la compétence, de l’autorité.

Le flou de « la tenue décente »

Les entreprises se contentent souvent de réclamer une « tenue décente », « correcte », en lien avec l’image de l’entreprise. Ce type d’appellation floue peut poser problème. Si la tenue attendue n’est pas décrite, précisée, alors la place est laissée à une appréciation subjective, à une morale propre à chacun. "Tenue correcte" peut glisser vers l’exigence sexualisée "non provocante". On sort du terrain juridique, pratique, pour tomber dans le moral, avec des tolérances différentes selon les entreprises. En cas de contentieux, ce sont les conseils des prud’hommes tranchent.

À formaliser dans le règlement intérieur ?

Il est préférable d’encadrer les exigences vestimentaires de l’entreprise dans le règlement intérieur, de façon plus ou moins détaillée. Parmi les dress codes imposés, on peut citer ceux de la finance et de la banque, où traditionnellement, costume et cravate sont requis. Toutefois, il n’est pas nécessaire de suivre l’exemple de la banque suisse UBS, qui en 2010 avait rédigé un dress code d’une quarantaine de pages !

Talons hauts exigés ?

Certaines structures demandent à leurs salariées de chausser des talons hauts. Une pratique dénoncée par des femmes, au Royaume-Uni dès 2015 et au Japon récemment avec le mouvement « #KuToo » (« chaussure » et « douleur » contractés). Conséquence outre-Manche : le Trades Union Congress, l’organisation fédératrice des syndicats, a obtenu l’interdiction des stilettos au travail pour raisons de santé et sécurité au profit de chaussures de hauteur raisonnable. La fin des dress codes en entreprise ?

Vers un assouplissement…

Il est vrai qu’on assiste à un assouplissement des règles vestimentaires, dans des secteurs de plus en plus nombreux. La vénérable Assemblée Nationale n’a-t-il pas notifié en 2017, l’abandon du port obligatoire de la cravate ? Dans les cabinets d’audit, de conseils la tendance prend pied : on suggère aux collaborateurs d’adapter leur tenue en fonction des activités de la journée et des clients rencontrés. Le port de la cravate obligatoire en toutes circonstances n’est plus.

… qui signe de nouvelles règles !

Ces nouvelles tendances vestimentaires, présentes mais implicites, n’en sont pas moins de nouvelles règles. Assouplissement ne veut pas dire liberté totale ! Un style décontracté imprime en réalité certaines normes à suivre. Le trio casual "jeans/baskets/t-shirts", par exemple, permet à l’entreprise d’afficher jeunesse, avant-gardisme, agilité… tout en respectant une certaine élégance (pas n’importe quel jean ou baskets). Un équilibre subtil, qui se transmet le plus souvent par imprégnation. Pour prévenir des dérapages éventuels, un écrit dans le règlement intérieur clarifiera les choses.

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