Réindustrialisation : Bpifrance veut encourager les PME et ETI à innover pour produire en France
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Réindustrialisation : Bpifrance veut encourager les PME et ETI à innover pour produire en France

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La réindustrialisation passe par l’innovation. Convaincue du lien étroit entre les deux, Bpifrance propose désormais un programme d’accompagnement renforcé à destination des PME et ETI du secteur secondaire. Son idée : développer un esprit start-up chez ces acteurs matures, pour les ouvrir à de nouvelles opportunités.

Avec sa nouvelle offre d’accompagnement, Guillaume Mortelier, de Bpifrance, espère convertir à l’open innovation jusqu’à 1 000 dirigeants de PME et ETI industrielles — Photo : JDE

Innover ou dépérir. Pour Bpifrance, les dirigeants de PME et ETI industrielles n’ont plus le choix. S’ils veulent sortir indemnes de la décennie actuelle, il ne leur faut pas seulement maintenir le cap des investissements, aujourd’hui remis en doute par la crise énergétique. Ils doivent aussi se réinventer, repousser leurs limites et retrouver, en quelque sorte, leur âme d’entrepreneur.

Ce message n’est, certes, pas nouveau de la part de la banque publique, mais il retrouve un écho particulier en raison du contexte, entre retour en grâce de l’industrie tricolore depuis le Covid-19 et apparition de nouveaux acteurs dans le champ industriel. Or, face à cette concurrence, et "un peu comme les taxis qui n’ont pas eu d’autre choix que de se transformer après l’arrivée des VTC, les entreprises d’aujourd’hui vont devoir réagir si elles veulent encore faire partie du paysage économique en 2030", illustre Guillaume Mortelier, directeur exécutif de Bpifrance, en charge de l’accompagnement.

Faire travailler les PME en "mode start-up"

C’est dans cet esprit que Bpifrance reprend son bâton de pèlerin pour tenter de convaincre, et soutenir, les patrons des 25 000 PME et 1 700 ETI industrielles françaises à mener à bien cette nécessaire métamorphose. Cette idée était déjà au cœur du plan "start-up et PME industrielles", présenté en janvier 2022 et doté de 2,3 milliards d’euros, sous la forme de prêts, subventions et fonds d’investissement dédiés.

Pas question donc, aujourd’hui, de mettre encore la main à la poche, mais plutôt le pied à l’étrier : à cette palette initiale de financements s’ajoute désormais une offre renforcée d’accompagnement, "c’est-à-dire de conseil et formation auprès des dirigeants. De cette manière, nous voulons les aider, en amont, à avoir plus d’idées sur comment générer de l’innovation et, en aval, à sécuriser leur appropriation technologique. Et, finalement, à créer un maximum d’usines en France pour lancer leurs projets industriels et commerciaux."

« On veut titiller ces PME, les tirer de leur zone de confort. »

L’objectif ultime est de parvenir à l’ouverture de 100 nouveaux sites industriels par an d’ici à 2025 dans le pays. Pour ce faire, l’institution espère épauler 1 000 dirigeants sur les quatre prochaines années, à travers deux initiatives : d’une part, des diagnostics et missions de conseil pour "[travailler] avec eux sur leur stratégie et axes d’innovation" ; d’autre part, un nouvel accélérateur, baptisé "Néo-pivot industriel".

"Avec ce programme de 12 mois, on mobilise autour du dirigeant des compétences de start-up. On le met dans un écosystème organisationnel qui lui permet de s’affranchir de son mode de fonctionnement classique, parfois un peu lourd et pas forcément agile, détaille Guillaume Mortelier. L’idée, c’est de regarder leurs compétences clés et de se demander : comment pourrait-on les appliquer de façon différente ? Bref, on veut un peu titiller ces PME, les tirer de leur zone de confort et les faire fonctionner en mode start-up pour qu’elles soient capables, très vite, de pivoter et de créer des nouveaux projets d’innovation, non pas incrémentale, mais disruptive."

Pousser les entreprises vers l’innovation de rupture

Car la clé de la réindustrialisation est bien là : dans l’innovation de rupture, martèle le directeur exécutif de Bpifrance. "Les industriels français ont un peu investi dans les procédés (usine du futur, digitalisation, etc.), mais pas assez dans leurs produits, constate-t-il. Et l’Hexagone reste en retard en matière de dépenses R & D." Celles-ci représentaient 2,4 % du PIB en 2020, selon Eurostat, tout juste au niveau de la moyenne européenne.

De même, 57 % des entreprises manufacturières tricolores étaient considérées comme innovantes en 2016-2018, selon une enquête européenne, citée par Bpifrance, contre 72 % en Allemagne. Résultat, les sociétés d’outre-Rhin "ont une structure de coûts similaire à la nôtre, mais elles bénéficient, en plus, d’une perception de forte valeur ajoutée sur leurs marchandises, et donc d’une capacité à mieux les vendre, et plus chers."

Autre credo que défendra la banque publique dans ses actions auprès des industriels : la nécessité, pour eux, de s’ouvrir sur l’extérieur et s’ancrer dans un écosystème de "coopétition"". "Ils doivent passer dans cette logique d’innovation partenariale. Aujourd’hui, seulement un tiers des PME et ETI recourent à ce que l’on appelle l’open innovation, déplore Guillaume Mortelier. Pourtant, dans un contexte d’accélération des cycles et de complexité, travailler avec des partenaires extérieurs, capables d’apporter de nouvelles solutions ou d’autres technologies, devient de plus en plus fondamental", insiste-t-il.

Investir et innover pour survivre aux futures crises

Les dirigeants intéressés par les offres d’accompagnement de Bpifrance sont invités à prendre contact avec l’antenne locale la plus proche. Pour les plus dubitatifs, Bpifrance publie également un recueil de conseils et de témoignages de patrons, au titre limpide : "PME et ETI industrielles : innover pour produire en France". Mais ce vibrant appel à l’ambition, lancé aux entreprises en pleine crise énergétique, n’arrive-t-il pas au plus mauvais moment ? Non, répond Guillaume Mortelier, même s’il reconnaît que les tensions actuelles peuvent "casser la dynamique".

"Avant même cette crise énergétique, l’économie globale était déjà en transition. Nous sommes dans une bascule de cycle. C’est pourquoi, selon nous, la conjoncture actuelle doit être un stimulus fort pour se dire : 'je n’ai plus d’autre choix que de me transformer, d’innover, pour répondre à ces enjeux structurels que sont la décarbonation et la sobriété, et pouvoir, in fine, tenir face aux prochaines crises énergétiques'. Car, statistiquement, nous allons en connaître encore plusieurs avant la fin de la décennie."

Innover ou dépérir, telle pourrait donc bien rester la question pour les entreprises industrielles françaises à l’avenir.

# Industrie # Réseaux d'accompagnement # Innovation # Investissement