Perte d’emploi : l'assurance chômage, un filet de sécurité capital mais peu utilisé par les chefs d'entreprise
# Gestion

Perte d’emploi : l'assurance chômage, un filet de sécurité capital mais peu utilisé par les chefs d'entreprise

S'abonner

Pour la plupart des chefs d’entreprise, perdre son activité revient à être privé de tout revenu. Une situation d’autant plus préoccupante en ces temps de crise sanitaire que plus de 100 000 entreprises ont une trésorerie inférieure à 30 jours selon la Banque de France, et qu’une minorité de dirigeants ont souscrit une assurance privée pour leur assurer un salaire complémentaire en cas de cessation d’activité.

Seule une minorité de dirigeants d’entreprise souscrive une assurance pour se protéger du chômage — Photo : ©Minerva Studio - stock.adobe.com

Avec la crise sanitaire et le retour du confinement, de nombreux chefs d’entreprise semblent à bout de souffle. Déjà en 2019, 48 358 dirigeants ont perdu leur activité professionnelle selon la 4e édition de l’Observatoire de l’emploi des entrepreneurs publiée par l’association GSC et Altares en mars 2020. « Ces chiffres déjà bien trop élevés correspondent aux bonnes années économiques », alerte Anthony Streicher, président de l’association GSC, créée par les syndicats patronaux (Medef, CPME, U2P…) pour répondre au besoin de protection des chefs d’entreprise contre le chômage.

100 000 entreprises ont moins de 30 jours de trésorerie

Les gérants des petites entreprises sont les plus touchés : 9 sur 10 ayant perdu leur emploi l’an passé se trouvaient à la tête d’une TPE de moins de six salariés. Parmi eux, la grande majorité (près de 34 000) employait moins de trois salariés. Si 19 208 entrepreneurs dirigeaient une société dont le chiffre d’affaires était inférieur à un million d’euros, on note une augmentation de 15,3 % de perte d’emplois chez les dirigeants de sociétés développant de 5 à 10 millions d’euros de chiffre d’affaires. Ces chiffres pourraient exploser dans les prochaines semaines. Selon la Banque de France, plus de 100 000 sociétés ont une trésorerie inférieure à 30 jours. « 100 à 150 000 chefs d’entreprise, essentiellement des TPE et des PME, risquent de fermer leurs portes. Les chiffres vont être violents », s’inquiète Anthony Streicher.

Moins de 1 % des entrepreneurs assurés

Car en perdant son emploi, le dirigeant se retrouve sans filet de sécurité, sans assurance chômage et sans aucun revenu. « L’information structurée est primordiale pour que le dirigeant agisse. Il y a encore un manque criant d’information. Les chefs d’entreprise ne connaissent pas les produits. Moins de 1 % d’entrepreneurs en France ont prévu une solution assurantielle ou un dispositif d’épargne. C’est trop peu. Plus de 3 millions n’ont rien, s’agace Anthony Streicher. Toutes les parties prenantes, experts-comptables, avocats, réseaux professionnels, doivent sensibiliser sur ces deux aspects essentiels. C’est notre responsabilité sociale à tous. »

Pour soutenir les chefs d’entreprise, différents acteurs sont sur le pont. De cette manière, les dirigeants peuvent percevoir un salaire complémentaire en cas de cessation de leur activité. Ces dispositifs couvrent globalement tous les dirigeants, mandataires sociaux assimilés salarié ainsi que les entrepreneurs travailleurs non-salariés (artisan, commerçant et entrepreneur individuel). Pour bénéficier de ces assurances, une règle commune : être en bonne santé le jour de l’inscription, avec des fonds propres positifs. « Plus de 60 % des demandes sont acceptées. Les dossiers sont refusés parce que c’est déjà trop tard », rapporte Anthony Streicher.

"Les changements doivent être anticipés pour éviter des déconvenues lors de la perte d’emploi et ajuster les garanties au revenu qui a pu évoluer"

Au sein du groupe April, les conditions d’entrée sont les mêmes. « Si la société est déjà en liquidation ou en procédure de sauvegarde, il n’est pas possible de souscrire à l’offre. En revanche, si le dirigeant enregistre une baisse de chiffre d’affaires par rapport aux années précédentes, cela n’empêche pas de contracter une assurance privée. Le rôle de conseil du courtier est fondamental : il porte notamment sur la société qui doit souscrire le contrat dans le cas d’une holding par exemple. Si c’est une filiale qui rémunère le dirigeant, c’est la filiale qui doit souscrire et non la holding. Si quelques années plus tard, la holding rémunère le dirigeant, il faudra modifier le contrat. Les changements doivent être anticipés pour éviter des déconvenues lors de la perte d’emploi et ajuster les garanties au revenu qui a pu évoluer », prévient Eric Marrel, directeur du marché Pros / TPE chez April.

Des cotisations entre 2,5 et 3,4 %

Du côté des garanties de la GSC, l’assurance perte d’emploi indemnise à hauteur de 55 ou 70 % de l’ancien revenu sur une période de 12, 18 ou 24 mois. Un entrepreneur peut ainsi être couvert à 55 % de son ancien revenu sur 12 mois pour un coût de 2,5 % à 3,4 %. « Pour exemple, un entrepreneur qui gagne une rémunération annuelle nette de 45 000 euros, et qui souhaite bénéficier d’une assurance perte d’emploi à hauteur de 55 % de son ancien revenu, devra verser 2 000 euros de cotisations par an, ce qui correspond à un taux de cotisation entre 2,5 et 3 % », donne en exemple Anthony Streicher. Un créateur d’entreprise peut par ailleurs être couvert pour une cotisation annuelle de 400 euros, y compris si l’activité ne lui permet pas de dégager un revenu. Début avril, l’association GSC a par ailleurs mis en place un fonds social pour aider financièrement les entrepreneurs adhérents, et leurs foyers. Pour bénéficier de cette aide qui s’élève en moyenne à 2 000 euros, les adhérents doivent remplir un dossier afin de prouver les difficultés financières rencontrées. Une quarantaine de chefs d’entreprise et leurs familles ont bénéficié de ce dispositif depuis début avril.

Etude comparative

Pour l’assureur April, les cotisations démarrent autour de 1 350 euros pour des dirigeants confirmés et en moyenne se situent autour de 2 000 euros de cotisation par an pour une indemnisation de 80 % de ses revenus pendant 6 mois ou 50 % pendant 9 mois. « Si le dirigeant a souscrit une garantie chômage depuis plus de trois ans, il bénéficie d’un bonus de fidélité de six mois de plus pris en charge à 50 % », explique Eric Marrel. Les solutions proposées étant nombreuses (Axa, Allianz, Groupama, APPI…), il semble judicieux de réaliser une étude comparative entre les différentes offres afin de sélectionner le contrat le plus adapté à sa situation et à ses besoins.


Elle rachète la PME Brossier Saderne grâce à son assurance perte d’emploi

Laure Bignon, dirigeante de Brossier Saderne — Photo : DR

Laure Bignon, 52 ans, revient de loin. L’entreprise Indépendance Royale, spécialisée dans les solutions de maintien à domicile pour seniors où elle a occupé pendant plusieurs années le poste de directrice générale puis de mandataire social, est reprise en 2015 par le fonds Dentressangle. « Le nouvel actionnaire a voulu revendre la société. Le poste que j’occupais qui portait sur le développement de l’entreprise et la croissance externe, ne se justifiait plus, raconte Laure Bignon. Ils ont donc mis fin à mon statut de mandataire social en 2018 ». Une situation que Laure Bignon avait anticipée. Grâce à son assurance GSC, elle a pu percevoir pendant 24 mois 70 % de son ancien salaire. Une aide salvatrice, dont le montant des cotisations s’élève à 10 % de son ancien salaire brut, qui lui a permis de conclure en février 2020 le rachat de la société Brossier Saderne, basée dans la région d’Angers et spécialisée dans le luminaire haut de gamme. « Le fait de savoir que pendant 24 mois je pouvais bénéficier d’un filet de sécurité m’a permis de trouver la bonne entreprise et de mener sereinement mon projet. Trop de dirigeants ne souscrivent pas d’assurance privée et minimisent les risques qu’ils prennent. C’est pourtant indispensable », conclut Laure Bignon.

# Gestion