Comment faire face à un contrôle fiscal ?
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Comment faire face à un contrôle fiscal ?

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Chaque année, environ une entreprise sur quinze est contrôlée par l’administration fiscale. Événement normal dans la vie d’une entreprise, le contrôle fiscal n’en demeure pas moins une épreuve redoutée par les dirigeants. Voici quelques bonnes pratiques à adopter pour l’aborder le plus sereinement possible.

Les pénalités du fisc varient en fonction du degré de gravité relevé : 10 % pour une erreur de saisie ou de calcul, 40 % en cas de mauvaise foi et 80 % en cas fraude — Photo : Andrey Popov

Selon les chiffres communiqués par le ministère de l’Économie, l’année 2021 se présente comme l’année de reprise du contrôle fiscal puisque la lutte contre la fraude fiscale a non seulement retrouvé son niveau d’avant crise sanitaire, mais se rapproche des résultats élevés obtenus en 2019. 13,4 milliards d’euros ont, en effet, été notifiés aux particuliers et aux entreprises en 2021. Les contrôles doivent de moins en moins au hasard. 45 % d’entre eux ont été diligentés grâce au "data mining". Le croisement des données collectées par les différents services de l’État et leur traitement par l’intelligence artificielle permettent à l’administration de déclencher de plus en plus de contrôles ciblés et non plus aléatoires. Les autres facteurs susceptibles d’attirer l’attention du fisc peuvent être liés à l’activité de l’entreprise, comme une forte variation à la hausse ou à la baisse du chiffre d’affaires, une croissance externe, une restructuration, ou à un point de vigilance du moment. En 2021, l’administration fiscale annonce ainsi avoir particulièrement visé la fraude à la TVA dans les entreprises. Les opérations de contrôle ont également ciblé la fraude en matière d’aides publiques, comme le fonds de solidarité. Elles ont permis de réclamer à plus de 8 000 entreprises l’aide indûment perçue.

Anticipation

Un contrôle fiscal se matérialise par la réception d’un avis de vérification précisant notamment la date de début du contrôle fiscal et les années contrôlées. Le courrier doit également contenir la charte du contribuable : son absence constitue un vice de procédure. Depuis 2014, les entreprises ont l’obligation, sous peine d’une amende minimum de 5 000 euros, de remettre leur comptabilité sous une forme dématérialisée en produisant un support appelé FEC, pour Fichier des écritures comptables, dans un format informatique spécifique. Ce fichier est devenu le point d’entrée des contrôles fiscaux. Les entreprises doivent le fournir à l’administration dès le début du contrôle. Même si la plupart des ERP et logiciels comptables sont capables aujourd’hui d’extraire le FEC, un tel délai est difficilement tenable si rien n’a été préparé en amont. Les entreprises ont donc tout intérêt à prendre l’habitude d’extraire systématiquement le FEC à la clôture de chaque exercice fiscal pour éviter les problèmes techniques et de paramétrage. "Nous préconisons également de procéder à un contrôle à blanc du FEC et, plus généralement, de vérifier les écritures comptables de l’entreprise pour tester leur conformité et leur compatibilité avec les interfaces de l’administration fiscale. Cette analyse en amont permet, par ailleurs, d’identifier les zones de risques fiscaux, d’anticiper les sujets de vérification et ainsi limiter les mauvaises surprises", recommande Morgan Thouin, avocat directeur associé chez EY.

Organisation

Un autre point important est de désigner, au sein de l’entreprise, un interlocuteur référent auquel l’agent du fisc devra s’adresser pour toute demande. Il faut le faire savoir aux autres collaborateurs afin d’éviter tout malentendu. "Cet interlocuteur peut être le dirigeant de l’entreprise ou toute autre personne titulaire d’un mandat. Il est important qu’il ait une bonne vision de l’entreprise. Cette personne doit assurer la cohérence de la communication avec l’administration fiscale et le suivi du contrôle. Il est également préférable pour l’entreprise de se faire assister par son expert-comptable, son avocat ou tout autre conseil, car il est important d’avoir des professionnels disposant de compétences au niveau de celles des vérificateurs. Les entreprises n’ont pas toujours ces ressources en interne", souligne Carine Breton-Subileau, avocat chez EY.

Maîtrise des informations

Ensuite, c’est l’administration fiscale qui donne le rythme du contrôle avec des demandes de pièces justificatives, de clarifications… Outre les FEC liés aux exercices visés par le contrôle fiscal, l’entreprise est amenée à produire des pièces justificatives, telles que les factures émises et reçues sur la période, les statuts de l’entreprise, fiches de paie, les procès-verbaux d’assemblée… S’il est totalement déconseillé, et d’ailleurs pénalisé, de faire de l’obstruction, il est cependant nécessaire de réfléchir à sa stratégie en matière de communication avec le fisc. "Dans le cas d’un contrôle fiscal informatisé, le dirigeant peut se sentir démuni et, par crainte de ne pas réussir à produire les informations dans les délais demandés, laisser l’administration fiscale accéder, non pas à des données traitées, mais à ses données brutes. Mais il faut garder la maîtrise des informations que l’on communique. Et pour cela ne pas hésiter à se faire accompagner", avertit Morgan Thouin. Il est important également de garder une trace écrite de l’ensemble des documents transmis à l’administration fiscale. À l’issue des opérations de contrôle, le vérificateur organise une réunion de synthèse, au cours de laquelle il expose au chef d’entreprise l’ensemble des rappels et pénalités qu’il envisage de notifier. "Au cours de ce débat contradictoire, il est impératif de garder son sang-froid, de préparer ce qui va se passer après et de ne pas renforcer les positions de l’inspecteur. La présence d’un tiers peut être utile à ce moment précis pour aider le chef d’entreprise à prendre du recul et à ne pas surréagir", commente Morgan Thouin.

Négociation avec le fisc

Après le contrôle, le vérificateur envoie à l’entreprise une proposition de rectification. Les pénalités varient en fonction du degré de gravité relevé : 10 % pour une erreur de saisie ou de calcul, 40 % en cas de mauvaise foi et 80 % en cas fraude. "À ce stade, l’entreprise doit s’interroger sur sa stratégie : accepter la proposition de rectification ou la contester. Dans cette dernière hypothèse, quels redressements contester et avec quels arguments", indique Morgan Thouin. En effet, en l’absence de réponse de l’entreprise, la proposition de rectification devient définitive et est suivie de la mise en recouvrement. Pour faire valoir ses observations, l’entreprise dispose d’un délai de 30 jours, qui peut être prolongé de 30 jours supplémentaires sur simple demande écrite. Pour les petites entreprises, l’administration dispose d’un délai identique pour y répondre.

Différents recours sont possibles. Il est possible de négocier une remise gracieuse du fisc par le biais d’une lettre adressée au service des impôts dont dépend l’entreprise en invoquant un ou plusieurs motifs pour justifier une révision à la baisse des montants. Rien ne garantit une réponse favorable du fisc qui n’a pas l’obligation de justifier sa réponse. L’entreprise peut également faire appel au supérieur du vérificateur, puis à sa direction de rattachement. Si le désaccord persiste, l’entreprise peut saisir une commission paritaire (administration et contribuables) et, en dernier recours, présenter ses doléances au contentieux. Dans ce cas, le désaccord est traité par la justice mais dans un délai qui peut être long. "Il ne faut pas confondre ces réclamations avec le droit à l’erreur qui peut être invoqué pendant le contrôle. Dans ce cas, l’inspecteur autorise l’entreprise à corriger l’erreur ou les erreurs avant l’envoi de sa proposition de rectification", pointe Carine Breton-Subileau. S’il est souvent difficile d’obtenir un allègement des pénalités, il est en revanche plus facile d’obtenir du Trésor public un assouplissement des délais de paiement. La durée maximale de l’étalement des paiements ne peut toutefois pas excéder 24 mois.

ENCADRE

L’examen de conformité fiscale

Créé par le décret du 13 janvier 2021, l’examen de conformité fiscale (ECF) permet à toute entreprise de demander à un tiers de confiance de réaliser un pré-contrôle de son exercice fiscal, sur la base de dix points identifiés par Bercy comme usuels. Cet examen fait l’objet d’un compte-rendu qui peut être transmis à la direction générale des finances publiques (DGFIP) ou conservé par les parties jusqu’à la prescription du droit de reprise de l’administration fiscale. Cette démarche volontaire n’exonère pas l’entreprise de ses obligations et n’offre pas de totem d’immunité. Mais "l’entreprise qui met en place l’ECF fera peut-être moins l’objet de contrôle ou en tout cas sur des champs plus resserrés car non couverts par l’ECF", avance Bercy. "L’examen de conformité fiscale s’inscrit dans une démarche vertueuse vis-à-vis de l’administration fiscale. Même si nous estimons qu’il ne va pas assez loin en ne délivrant pas un blanc-seing, ce dispositif permet néanmoins au chef d’entreprise de témoigner de sa bonne volonté en cas de contrôle et de sécuriser sa liasse fiscale", estime, pour sa part, Kristell Dicharry, présidente de la Compagnie régionale des commissaires aux comptes Ouest Atlantique.

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