Côtes-d'Armor
Thierry Troesch (CCI Côtes-d'Armor) : « J’en ai marre de me faire snober par les services de l'État »
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Thierry Troesch président de la CCI des Côtes-d'Armor Thierry Troesch (CCI Côtes-d'Armor) : « J’en ai marre de me faire snober par les services de l'État »

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En ouverture de l’assemblée générale la CCI 22, qui s’est tenue le 25 juin dernier, le président Thierry Troesch a poussé un nouveau cri d’alerte sur l’avenir du réseau consulaire, notamment d’un point de vue social. Il fustige le snobisme des services de l'État.

— Photo : Julien Uguet / Journal des entreprises

Le Journal des Entreprises : Pourquoi estimez-vous que l’État ne tient pas sa parole ?

Thierry Troesch : Je suis en colère et sidéré sur le fait que l’État et le gouvernement d'Édouard Philippe ne tiennent pas leurs engagements sur l’avenir du réseau des CCI, du soutien à l’économie des territoires et au développement des entreprises. Fin 2017, plusieurs ministres se sont engagés, à l’oral comme à l’écrit, qu’il n’y aurait pas de coups de rabot supplémentaires jusqu’en 2022. Cette promesse n’est pas tenue.

De quels coups de rabot parlez-vous ?

T.T. : Celui qui consiste à aller ponctionner le réseau des CCI à hauteur de 100 millions d’euros par an sur les quatre prochaines années ! Nous avons déjà supporté beaucoup. Pour une chambre consulaire comme celle des Côtes-d’Armor, avec un profil semi-rural, les conséquences vont être désastreuses. En 2014, la taxe pour frais de chambre de la CCI 22, qui constitue la majeure partie des ressources nécessaires au financement du service aux entreprises, était de 7 millions d’euros. En 2018, elle n’est plus que de 3,6 millions d’euros. Et en 2022, nous atterrirons à 1,4 million d’euros. C’est intenable.

Que craignez-vous à court terme ?

T.T. : Nous allons vers une véritable casse sociale au sein du réseau. La décision du gouvernement va engendrer la suppression de 2 000 à 5 000 postes de plus selon les hypothèses. C’est un plan social sans précédent qui se prépare et qui sera violent puisque les mesures d’âge et les procédures de départs volontaires ont été largement épuisées ces trois dernières années. C’est injuste et irrespectueux pour nos collaborateurs. Dans les Côtes-d’Armor, le risque est de devoir se séparer de 30 à 35 collaborateurs sur les 90 qui travaillent au sein du service aux entreprises !

« En plus de la casse sociale, on va aggraver la fracture territoriale entre les CCI puissantes et les plus modestes comme nous.  »

La mise sous tutelle de l’État est une option ?

T.T. : C’est plus qu’une option à ce rythme-là. Ça va devenir une obligation tant l’État ne mesure pas la gravité sur le terrain de ces choix. Nous les mettrons devant le fait accompli en donnant les clés de la maison aux préfets. En plus de la casse sociale, on va aggraver la fracture territoriale entre les CCI puissantes et les plus modestes comme nous. Je rappelle toutefois que la vitalité des TPE/PME se trouve sur des territoires comme les Côtes-d’Armor.

Que demandez-vous à l’État ?

T.T. : De nous écouter tout simplement. J’en ai marre de me faire snober par Paris. L’idée n’est pas d’être contre les réformes, nous sommes d’ailleurs les premiers à en demander en tant que patrons, mais nous voulons bénéficier d’un temps raisonnable pour gérer la transition. Lors de sa venue en Bretagne, j'ai donné une lettre d'explication en personne au Président Macron à sa descente d'avion. Nous savons que tout se décide actuellement à l'Élysée.

Les réponses apportées par Bruno Le Maire, ministre de l'économie, lors de l'assemblée générale de CCI France vous ont-elles rassuré ?

T.T. : Je pense qu'il a pris conscience de la réalité vécue sur le terrain par les collaborateurs et les élus. Il a semblé ouvert au dialogue constructif au regard de la situation. J'espère que ce ne sont pas des paroles en l'air.

Avez-vous pensé à jeter l'éponge ?

T.T. : Il est vrai que je n'avais pas signé pour vivre un tel contexte mais je ne veux pas baisser les bras. Si démission il doit y avoir, elle se fera dans un cadre collectif, avec les autres présidents de CCI, afin de mettre un coup de pression sur l'État. J'ai pris un engagement pour cinq ans. J'ai certes aussi une entreprise à faire tourner mais, en bon Breton, je ne me défausserai pas de mes obligations.

Concrètement, comment allez-vous construire le budget 2019 de la CCI 22 en cours de discussion ?

T.T. : Mon objectif est clairement dans un premier temps de lancer un vaste chantier de mutualisation à l'échelle régionale, non pas à marche forcée, mais sur la base du volontariat. Notre faible poids économique face à nos trois autres confrères peut être vu comme une faiblesse dans les discussions. À titre personnel, je l'appréhende comme un véritable atout pour être force de proposition dans un contexte où la réactivité va être stratégique. Il va falloir continuer à économiser, sans dégrader le niveau de services, mais aussi à monétiser une partie de nos prestations d'accompagnement. Nous pourrons regarder au cas par cas la cession d'actifs si nécessaire mais cela doit se faire avec intelligence. En aucun cas, par exemple, nous ne céderons le Carré Rosengart.

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