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Des idées qui ne fonctionnent pas Les travaux plombent la dynamique Les Champs sauvent les meublesLes résultats de la 9e édition du baromètre exclusif du Journal des Entreprises sur le commerce en centre-ville de Saint-Brieuc sont aussi édifiants que sans appel. Avec 229 pas-de-porte vides ou à l’abandon en 2019*, contre 216 un an plus tôt, la préfecture des Côtes-d’Armor s’enfonce dans une crise majeure, faisant d’elle la championne toutes catégories du mitage commercial à l’échelle nationale.
Des idées qui ne fonctionnent pas
Les mauvaises langues, qui crient déjà au "Saint-Brieuc bashing", contre-argumenteront sur le fait que des initiatives profondes sont en cours pour changer le visage de la Cité Gentille pour les vingt prochaines années. Oui, Saint-Brieuc tente de redorer le blason de son commerce de centre-ville. La participation au dispositif « Action Cœur de Ville », lancé par le gouvernement, en est un énième exemple. Mais comme toutes les autres par le passé, elle ne semble pas en mesure de redresser une chute structurelle entamée depuis bientôt dix ans.
De 15,1 % en 2011 à 38,5 % de magasins vides en 2019
Saint-Brieuc se passerait bien de cette distinction, elle qui n’a de cesse de vanter ses charmes côtiers, bien réels, à 2h15 de Paris en TGV. Pourtant, la ville a mal à son commerce. Cette réalité, loin d’être un scoop, est encore trop souvent occultée. Les élus locaux, notamment, peinent à prendre la mesure de la situation, faute d’intérêt, d’ambition réelle ou simplement par calcul.
Mettre en perspective le taux de vacance commerciale sur neuf ans ne peut souffrir d’aucune contestation. De 15,1 % de taux de mitage enregistré en 2011, la ville est passée, en 2019, à 38,5 %. Quatre magasins sur dix sont aujourd’hui dans l’attente d’un locataire ! Quand on sait qu’au-delà de 15 % la dynamique commerciale d’un cœur de ville est durablement altérée, Saint-Brieuc n’a désormais plus que ses yeux pour pleurer.
Les travaux plombent la dynamique
Tous les quartiers sont structurellement touchés, même si ceux impactés de manière directe par les travaux de requalification urbaine, entamés depuis trois ans avec le chantier TEO, le sont davantage. Ainsi, le secteur de la gare affiche, sur la période 2016-2019, une hausse de 44,8 % du nombre de cellules vides. « On nous a vendu un beau projet sur le papier mais tout le monde était conscient des dégâts que cela allait occasionner », commente ce commerçant du boulevard Charner, qui longe la gare SNCF sur sa partie nord.
« Le timing n’est pas bon »
Dans ce contexte, s’ils sont nécessaires, les travaux de requalification du plateau piétonnier de l’hyper-centre, récemment validés par les commerçants briochins, risquent de laisser des traces. « C’est une hérésie, confirme ce propriétaire d’une cellule commerciale rue Charbonnerie, prolongement de l’emblématique rue Saint-Guillaume. On va remettre pour deux ans les pelleteuses en marche, certes le dimanche ou le lundi, pour remplacer des pavés que plus personne ne foule, sauf à Noël. Je pense que le timing n’est pas bon. Il aurait mieux valu se donner les moyens de contraindre les bailleurs à rénover leurs biens vétustes. Le parc se dégrade à une vitesse folle à Saint-Brieuc et c’est un véritable scandale. »
Les cafés, hôtels et restaurant touchés
Le bas de la ville, matérialisée par les historiques artères commerçantes qu’étaient la rue des Trois Frères Le Goff et le duo constitué par les rues Houvenagle/Maréchal Foch, semble promis à un déclin inéluctable. Confronté, là aussi, à des travaux sans fin sur la place de la Grille, théâtre de l’ancienne verrue des Halles détruite depuis deux ans, le quartier a vu le nombre de commerces vacants passer de 36 à 51 entre 2016 et 2019, majoritairement des cafés, hôtels et restaurants. Et que dire de la rue Saint-Jacques, qui accueille depuis peu le centre de promotion des actions de la municipalité, mais continue d’enquiller les cellules vides année après année (7 sur 9 en 2019).

Les Champs sauvent les meubles
Dans le coeur historique de la ville, le centre Commercial Les Champs, censé booster le commerce briochin depuis sept ans, tire finalement le mieux son épingle du jeu. Huit cellules, sur la trentaine que comptent les 11 000 m² de surfaces commerciales couvertes, sont toujours fermées. Deux projets de restaurants en cours, porté le patron du Zen et du Brei’Z, Thierry Martin, devraient permettre de ramener ce contingent à six, dans la mesure où d’autres défections ne viennent pas grossir les rangs dans les prochains mois.
« Les rumeurs de fermeture des grandes enseignes reviennent tous les étés, raconte ce commerçant de la rue Sainte-Barbe, mitoyenne aux Champs. À force on s’y habitue et le jour où ça arrivera vraiment, personne ne s’en offusquera. C’est ça aussi Saint-Brieuc, accepter une sorte de fatalité commerciale. »
* Relevés effectués le 5 février 2019 sur la base du périmètre Fisac retenu par la ville de Saint-Brieuc. Cette aire géographique est identique depuis la création, en 2011, du baromètre du commerce de centre-ville publié par Le Journal des Entreprises.