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Denis Mollat : « Nous jouons à fond la carte du marketing digital »
Interview Bordeaux # Commerce

Denis Mollat gérant de la librairie Mollat et vice-président de la CCI Bordeaux Denis Mollat : « Nous jouons à fond la carte du marketing digital »

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Pour résister aux géants du web, la librairie Mollat (26 M€ de CA en 2018, 110 salariés) a décidé d'investir leur terrain de jeu : le numérique. Podcasts, vidéos en direct, omniprésence sur les réseaux sociaux, le gérant de l'entreprise bordelaise Denis Mollat raconte comment il organise la "résistance".

En 2016, la librairie Mollat a ouvert Station Ausone, une salle de conférences équipée pour filmer et enregistrer les rencontres avec les auteurs. — Photo : Astrid Gouzik

Le Journal des Entreprises : La librairie Mollat est implantée à Bordeaux depuis 1896. Pourquoi n’avez-vous jamais cédé aux sirènes de la périphérie et de ses centres commerciaux ?

Denis Mollat : Nous voulons rester concentrés. Si nous nous dispersions, nous ne disposerions pas de nos 265 000 références. Il existe une opposition entre les librairies de centre-ville, comme la Machine à Lire ou Comptines, et d’un autre côté les centres commerciaux avec les Cultura et les espaces E.Leclerc. L’équilibre se fait. Le tramway a beaucoup contribué à cet équilibre. J’ai toujours été un défenseur du tramway et chaque ouverture de ligne est une bonne nouvelle pour le centre-ville.

Vous êtes un fervent défenseur du centre-ville !

D.M. : Le centre de Bordeaux présente des facteurs de résistance importants. La superficie de l’espace piéton (84 hectares) est l'un des plus importants en Europe. Une autre preuve significative de son dynamisme : l’Apple Store. En général, la marque américaine fait le choix d’un seul point de vente par ville. En France, il y a très peu de villes où elle est implantée dans le centre : à Aix-en-Provence, à Strasbourg, et à Bordeaux ! A Nantes par exemple, il est en périphérie. Idem à Montpellier. C’est très représentatif de la manière dont cette enseigne apprécie un centre-ville. Il faut faire cet effort de rendre le centre-ville agréable, par des animations adaptées pour l’avenir. L’enjeu va, par exemple, être d’attirer toutes les tranches d’âge.

Qu’est-ce que cela implique dans votre domaine ?

D.M. : Dans la culture, il s’agit bien sûr de rencontres avec les auteurs. C’est la raison pour laquelle la librairie Mollat a ouvert Station Ausone. Pour cette salle de conférences d'une capacité de 300 personnes, nous avons un équipement un peu atypique. Nous pouvons filmer pour faire des directs sur Facebook ou YouTube, nous disposons d’un système d’enregistrement de haute qualité et d’un projecteur de cinéma. La salle est polyvalente et nous sommes capables de répondre à des demandes variées. Nous avons également un bureau à Paris, dans lequel nous pouvons filmer.

Ce sont vos armes pour résister aux Amazon et autres géants du web ?

D.M. : Bien sûr, notre librairie en centre-ville est notre unique point de vente et seul notre site web vient en complément. Nous travaillons désormais sur le big data pour l'optimiser. Les ventes sur notre site ont une croissance supérieure à 20 % d’une année sur l’autre. Tout cela sans publicité et très peu de référencement payant.

C’est le principe de l’inbound marketing : faites votre propre média, votre blog, vos podcasts… ce qui nous permet d’améliorer notre référencement. Un internaute cherche une info sur un auteur, il tombe sur une vidéo d’une rencontre organisée chez nous et il découvre la librairie Mollat. Nous jouons à fond sur les réseaux sociaux et l’utilisation du numérique pour mettre en avant le contenu.

Vos "bookface" (photos qui mettent en scène les couvertures des livres dans le paysage - voir exemple ci-dessous, NDLR) sur Instagram sont devenus célèbres…

D.M. : Oui, nous nous amusons beaucoup avec nos "bookface" ! Fin novembre, nous avons aussi organisé un escape game (jeu d'évasion grandeur nature, NDLR) géant dans la librairie. Tout cela, c’est de la communication positive.

La librairie Mollat serait-elle une start-up finalement ?

D.M. : C’est tout à fait ça, au niveau communication et intégration du numérique en tout cas ! En plus, c’est un outil de management important, car les libraires ont appris, sur la base du volontariat, à filmer et à faire du montage vidéo. Cela leur permet de diversifier leurs compétences et de sortir un peu de la librairie. L’un d’eux va d'ailleurs bientôt partir en Écosse pour filmer un auteur.

À part en termes de communication, comment le numérique a bouleversé votre métier ?

D.M. : Le marché du livre va se fermer dans le domaine professionnel et scientifique, car le numérique prend le pas sur le papier. Il va se développer dans la littérature, les sciences humaines, la philosophie et la photographie. Notre prochaine étape va d’ailleurs consister à augmenter la taille des rayons porteurs, en augmentant la surface des tables, des linéaires… On mettra mieux le stock en avant.

Vous êtes toujours devant la librairie Le Furet du Nord à Lille ?

D.M. : Toujours, les Bordelais sont cultivés et intelligents ! Le Furet (qui est en train de racheter son homologue lyonnais Decitre, NDLR) n'a pas du tout la même politique que nous, ils ont ouvert beaucoup de magasins en dehors de Lille. Puis ils ont une offre très vaste de papeterie. Ils se retrouvent assez proches de la Fnac. La librairie Mollat a opté pour un positionnement différent : nous avons fermé le rayon papeterie, il y a quelques années.

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