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Sweetch Energy : "Notre vision, c’est de créer un leader mondial des énergies renouvelables"
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Nicolas Heuzé directeur général de Sweetch Energy "Notre vision, c’est de créer un leader mondial des énergies renouvelables"

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Seule entreprise au monde à maîtriser la technologie permettant d’utiliser l’énergie osmotique dans les cours d’eau, Sweetch Energy (41 salariés, CA : n.c.) dirigée par Nicolas Heuzé, passe à la phase industrielle en développant à la fois une démonstration grandeur nature sur le Rhône et en cherchant une implantation en Bretagne pour sa première usine de générateurs. Un développement à toute vitesse pour la deeptech lancée en 2015 et qui vise une croissance à l’échelle mondiale.

Nicolas Heuzé, directeur général de Sweetch Energy. L’entrepreneur breton travaille à la production d’électricité propre à partir d’eau salée — Photo : Carole André

Pouvez-vous expliquer en quelques mots en quoi consiste l’énergie osmotique et quel est son potentiel ?

L’énergie osmotique, c’est l’énergie de la rencontre entre l’eau douce et l’eau salée. Quand deux flux avec des niveaux de salinité différente se rencontrent, ils se mélangent. C’est un phénomène physico-chimique où des ions circulent lors du mélange. Ce déplacement des ions génère de l’énergie. Pour capter cette énergie, on utilise des membranes immergées dans les zones où se rencontrent eau douce et eau salée, dans les deltas et les estuaires, là où les fleuves et les rivières se jettent dans les océans et les mers. C’est une source d’énergie massivement disponible, inépuisable, constante et pas exploitée aujourd’hui. Contrairement à l’énergie solaire ou éolienne, elle n’est pas intermittente et ne dépend pas de la météo. C’est la prochaine génération des énergies renouvelables, propre et sans émissions. On estime qu’à l’échelle de la planète, il y a 30 000 térawattheures (TWh) d’énergie osmotique qui se libère naturellement chaque année. La consommation humaine en électricité est d’environ 16 000 TWh par an.

"L’énergie osmotique est extrêmement attractive et attirante"

Vous allez passer à la phase industrielle de développement de membranes et de générateurs, avec une expérience en réel sur le Rhône. Comment avez-vous convaincu industriels et financeurs de vous suivre ?

En nous basant sur les travaux du professeur Lydéric Bocquet, directeur de recherche au CNRS, nous avons tout de suite imaginé des applications industrielles. Il est d’ailleurs associé à notre projet depuis le début. Nous avons mené des recherches pendant 5 ans pour développer une membrane efficace fabriquée en biomatériaux pas chers et industrialisables. Aujourd’hui, nous sommes prêts à utiliser cette technologie sur le terrain, sur un premier site localisé à l’embouchure du Rhône, sur l’écluse de Barcarin, en partenariat avec la Compagnie Nationale du Rhône (CNR). C’est une société conjointe entre le groupe Engie, la Caisse des dépôts et les collectivités locales dans le Sud. Ils sont partenaires et financeurs, tout comme EDF qui nous rejoint sur d’autres projets et qui nous aide à identifier d’autres sites en France pour nous installer. Pour les hydroélectriciens, l’énergie osmotique est extrêmement attractive et attirante. Elle permet d’ajouter une autre source d’énergie sur le fleuve, sans gêner le fonctionnement des barrages existants. Notre solution est adaptable et évolutive. Pas besoin de construire une énorme centrale pour commencer à produire. Par ailleurs, les États sont très en retard en termes de transition énergétique. Les énergies renouvelables mises en œuvre et qui sont pourtant significatives, ne viennent pas remplacer les capacités de production des énergies fossiles. Et la demande continue d’augmenter. Notre solution est reconnue comme très prometteuse.

Est-ce ce qui vous a permis de lever autant d’argent en si peu de temps ?

Nous avons réalisé trois levées de fonds depuis 2017, pour un total d’environ 10 millions d’euros. Nous sommes aujourd’hui une quarantaine de salariés, principalement des chercheurs, des techniciens et des ingénieurs. Nos investisseurs sont CNR, EDF, Go Capital, Future Positive Capital et Demeter, acteur majeur du capital investissement pour la transition énergétique et écologique. Et par ailleurs, pour un projet comme le nôtre, nous mobilisons aussi des financements non dilutifs. Nous avons reçu des subventions de l’Ademe, de Bpifrance et de l’Union Européenne, à travers le dispositif EIC qui vise à accompagner les innovations de rupture en laboratoire jusqu’à leur mise sur le marché. Nous avons été très actifs au niveau européen. On a fait intégrer l’énergie osmotique dans la définition des énergies renouvelables dans le cadre de la révision de la directive sur les énergies renouvelables. En France, la loi relative à l’accélération de la production des énergies renouvelables votée en janvier intègre l’énergie osmotique.

Le hall pilote de Sweetch Energy, à Saint-Grégoire en région rennaise. C’est le lieu test de ses équipements — Photo : Carole André

Grâce à ce développement rapide, quels sont vos résultats financiers ?

Pour l’instant, nous ne dégageons pas de chiffre d’affaires. Nous ne pourrons le faire que quand nous produirons et vendrons de l’électricité. Par ailleurs, nous sommes actuellement en relation avec la Région Bretagne et Rennes Métropole pour trouver un lieu qui accueillera notre usine de production. C’est au sein de ce nouveau site que nous fabriquerons nos membranes et nos générateurs. Nous espérons pouvoir recruter des profils d’opérateurs le plus rapidement possible.

"On a toujours pensé que la mer regorgeait d’une source d’énergie inépuisable"

Pourquoi avoir choisi la Bretagne pour vous développer ?

Sweetch Energy est une histoire bretonne, complètement bretonne. C’est la rencontre de trois entrepreneurs bretons, qui vivent un peu partout et dont deux sont des marins chevronnés. Nous sommes trois Bretons qui avons toujours regardé vers la mer. Nous avons des profils complémentaires, Bruno Mottet est un scientifique, Pascal Le Melinaire est un développeur de business qui a vécu dans différentes régions du monde et moi-même, entrepreneur dans la tech, j’ai un profil de directeur financier et de directeur corporate development. On a toujours pensé que la mer regorgeait d’une source d’énergie inépuisable. C’était logique pour nous de nous installer à Rennes (à Saint-Grégoire en l’occurrence, d’où la deeptech teste ses équipements, NDLR). Pour le recrutement, ça nous a permis de faire venir des jeunes chercheurs, attirés par la région. C’est un peu plus compliqué pour les profils seniors. Aujourd’hui, notre vision, c’est de créer un leader mondial. À nous d’amorcer cette nouvelle filière depuis la Bretagne et surtout de rester le numéro un.

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