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Qu'est-ce qui fait courir Julien Hervouët, le PDG d'iAdvize ?
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Qu'est-ce qui fait courir Julien Hervouët, le PDG d'iAdvize ?

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Il vient de lever 32 millions d'euros et se donne cinq ans pour faire de sa start-up le leader mondial du marketing conversationnel. Ambition, méthode et esprit d'équipe, le Nantais Julien Hervouët, grand amateur de trail en montagne, applique à son entreprise iAdvize les recettes qui lui permettent de gagner ses courses de fond.

— Photo : Elodie Vallerey

"Entreprendre, c’est se relever d’une série d’échecs. Quand on est chef d’entreprise, on essaie, on se prend un mur, on repart… Je me plante souvent, seulement je n’ai pas encore commis les erreurs qui auraient pu causer ma perte ou celle d’iAdvize ", énonce Julien Hervouët. Vu de l’extérieur, le parcours fulgurant du Nantais de 34 ans, qui signe l’une des plus belles réussites de l’écosystème numérique nantais, ressemble plutôt à un " sans-faute ".

Devenir leader mondial dans 5 ans

Créée en 2010, iAdvize emploie aujourd’hui 200 salariés (son chiffre d’affaires est tenu secret), est implantée en France, à Londres, Düsseldorf et Madrid et vient de lever 32 millions d'euros pour accélérer encore son développement. La start-up avait déjà levé 1 million d'euros en 2012, puis 14 millions en 2015. L’ambition de son dirigeant est claire. " Dans cinq ans iAdvize sera le leader mondial du marketing conversationnel, une discipline qui se situe à la croisée du marketing, du commerce en ligne et de la relation client. Actuellement nous n’avons pas d’équivalent dans le monde. Nous sommes les seuls à associer une brique d’engagement technologique et une communauté d’experts passionnés, disponibles 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, pour conseiller et accompagner en ligne les clients des marques dans leur parcours d’achat. Cela ne va pas durer. Il faut donc profiter de cette avance pour nous imposer vite au niveau mondial ", affirme-t-il. Ambition démesurée, folie des grandeurs de l’entrepreneur nantais ? Pas du tout selon les personnes qui le connaissent bien.

Sa force : sa vision

" J’ai rencontré Julien au moment où il travaillait sur la version bêta d’iAdvize et où, moi, je terminais mes études. Je suis dans la société depuis le début et je connais donc bien Julien. Ce qui le caractérise le mieux, c’est son aspect visionnaire. Julien est dans le futur mais dans un futur rationnel. Il sait penser des produits qui vont être utilisés et embarquer les équipes dans sa vision ", explique Maxime Baumard, responsable marketing chez iAdvize. Opinion confirmée par Mickaël Froger, fondateur de la société Lengow à Nantes qui connaît une trajectoire similaire à celle d’iAdvize et très bon ami de Julien Hervouët : " Julien est un visionnaire. C’est une force énorme. Il fait actuellement quelque chose qu’il avait imaginé il y a dix ans. " Et même un peu plus longtemps, à l’époque où Julien Hervouët était encore étudiant.

Sudoku et réseau social


Scolarisé au collège Jean-Monnet à Vertou, puis au lycée La Herdrie à Basse-Goulaine, le dirigeant d’iAdvize découvre l’univers digital chez lui. " Mon père travaillait dans des SSII et ramenait des vieux ordinateurs à la maison. J’ai eu mon premier ordinateur à moi, un Atari STE 1040, à dix ans. Il m’a permis de faire mes premiers développements informatiques. Ensuite, Internet est arrivé à la maison quand j’avais 12 ans. À cette époque, j’ai monté mes premiers petits sites. J’y mettais des photos de Nantes… ", raconte Julien Hervouët. Se qualifiant d’élève moyen, il prend ensuite la direction de Laval pour y faire un DUT Services et Réseaux de communication. Au cours de ce cursus, il crée Onboujoo.com, un réseau social d’étudiants noctambules qui, avant l’ère Facebook, permet de se retrouver, de s’inviter à des événements et de poster des photos, dans une ville pourtant peu réputée pour ses nuits animées. Julien Hervouët perfectionne ensuite ses compétences en gestion et marketing à l’IAE de Toulouse. Il crée alors un service de Sudoku en ligne multijoueurs qui, en affichant des bannières publicitaires avant le début des parties, lui permet de payer son loyer.

Photo : iAdvize

L’équation fondatrice


Ses études à peine terminées, il fait la connaissance de Jérémie Berrebi, ancien associé de Xavier Niel et créateur d’une quarantaine d’entreprises, qui l’embauche comme directeur produits dans sa start-up Zlio. Celle-ci propose un outil de création de boutiques en ligne permettant de référencer des produits et de générer du trafic. 380 000 boutiques créées et six ans plus tard, Zlio met la clé sous la porte en raison du conflit qui l’oppose au géant Google. Julien Hervouët, comme l’ensemble des salariés, est licencié fin 2009. Qu’importe, cette expérience lui a permis de découvrir l’équation qui fonde sa vision. " Chez Zlio, nos revenus, c’était le trafic multiplié par le taux de conversion et le panier moyen. Une fois le flux coupé par Google, restaient le taux de conversion et le panier moyen. D’où l’idée d’améliorer le taux de transformation en recourant aux conseils d’une communauté de passionnés ", explique Julien Hervouët. Quelques mois après son licenciement, il crée iAdvize en 2010. L’idée de la communauté d’experts, elle, prend corps en 2016 avec le lancement d’Ibbü. Cette plateforme d’amateurs, spécialisés dans leur domaine et rémunérés pour " chater " avec les clients, permet aux marques d’atteindre un taux de transformation de 20 %, dix fois supérieur à la moyenne. La boucle est bouclée.

« Une ambition forte » et de la méthode


À partir de cette idée originelle, iAdvize n’a cessé de se développer portée par l’ambition assumée de son dirigeant. " J’ai une ambition forte. J’éprouve une insatisfaction permanente qui me pousse à fuir la routine et la gestion des opérations, à me réaliser au travers de nouveaux défis. Je me fixe sans arrêt de nouvelles montagnes à gravir ", confie Julien Hervouët. En la matière, le dirigeant, adepte de trails en montagne, sait de quoi il parle. " Pour me libérer l’esprit, je fais de la course à pied. Cela m’aide dans le boulot au quotidien pour me recentrer et résoudre des problèmes ", raconte-t-il.


Une relation au sport révélatrice

Pour son entourage, sa relation au sport est révélatrice de son caractère et de sa méthode. " Le sport fait partie de son équilibre. Il a besoin d’aller chercher le dépassement de lui. Il peut paraître froid parce qu’il est toujours dans le contrôle, la maîtrise de soi. Il prépare une course comme il manage son entreprise. Il est méthodique, il ne laisse rien au hasard. Une fois par an, il prépare une grosse course. Et quand il s’y met, il va s’entraîner entre 12 heures et 14 heures. Il est très exigeant avec lui-même. Il n’aborde rien sans être très bien préparé. C’est valable dans le sport comme dans sa vie pro. Il a ses notes, tout est déjà écrit, il n’a plus qu’à suivre le plan. C’est quelqu’un de méthodique, d’analytique", analyse Vincent Roux, cofondateur d’Intuiti, DG de Fifty Truck et ami de Julien Hervouët. Maxime Baumard confirme l’analogie au sport : " travailler chez iAdvize, c’est presque comme faire du sport. On n’est jamais dans le confort, il faut toujours faire mieux. On commence par courir 10 km et on finit par faire un marathon. Julien est hyper-ambitieux, très dans le dépassement de soi. Il recherche en permanence l’excellence, l’innovation. Il faut suivre mais, comme il est hyper- positif, c’est motivant. "

Fédérer les équipes

Là réside sans doute une autre clé de la réussite d’iAdvize. Son patron sait fédérer les équipes derrière sa vision et les embarquer dans les nouveaux challenges qu’il se fixe. " Julien sait s’entourer et écouter ", indique Mickaël Froger. Quand on lui demande comment il a réussi à gérer la croissance de son entreprise, le dirigeant d’iAdvize met en avant sa " très bonne équipe de management " et sa capacité à déléguer. Et de citer cette anecdote : " j’ai lu une étude réalisée aux Etats-Unis sur l’influence de la pratique du golf sur la valeur de revente de l’entreprise. La valeur des entreprises dont le patron jouait beaucoup au golf était supérieure, pas parce que ces chefs d’entreprise s’étaient constitué un réseau, mais parce qu’ils savaient déléguer et que la valeur de leur société ne reposait pas sur un seul homme. " Julien Hervouët délègue donc beaucoup. " Il fonctionne à la confiance. Il laisse beaucoup d’autonomie à ses collaborateurs mais il y a du pilotage derrière ", témoigne Maxime Baumard. Ce sont d’ailleurs l’ensemble des pratiques managériales d’iAdvize qui ont été récompensées, en 2015, par une 5e place au palmarès Great Place to Work. " On apprend son métier d’entrepreneur progressivement. On grandit comme entrepreneur en même temps que son entreprise ", analyse Julien Hervouët. " Sur dix ans, j’ai vu évoluer Julien. Il a switché de directeur Produits vers un dirigeant polyvalent, doté de compétences pluridisciplinaires en RH, en finances…", souligne Maxime Baumard.

La Cantine, et après?

Compétences, dont cet admirateur d’Elon Musk, fait bénéficier les entreprises du numérique locales via La Cantine qu’il préside depuis 2014. Un juste retour des choses selon lui. " Quand j’ai fondé iAdvize, j’ai trouvé du soutien auprès d’Atlantic 2.0. C’est un réseau qui m’a beaucoup apporté, qui m’a aidé à franchir le pas de l’entrepreneuriat, à lutter contre la solitude du chef d’entreprise… J’avais envie de redonner ce que j’avais reçu ", relate Julien Hervouët qui ne briguera pas un autre mandat. " Quand il a monté sa start-up il était très présent. On était un petit groupe d’une quinzaine de personnes devenues amies. Il demandait alors beaucoup de conseils. Il a apporté à La Cantine de la structuration et du professionnalisme comme dans tout ce qu’il a fait », avance Vincent Roux qui rapporte cette anecdote révélatrice : « Quand il prépare un barbecue, c’est nickel. Rien n’est laissé au hasard. Le barbecue doit quasiment être une science. Tout est méticuleux, professionnel.» Des qualités, qu’à l’avenir ce papa de deux petits garçons pourrait appliquer à une autre cause : « Si j’ai du temps, des moyens et de l’énergie, je travaillerai pour une cause autre qu’économique. J’aimerais m’attaquer au problème de la scolarisation des enfants dans le monde qui est mal traitée par les ONG et les lobbies faute de moyens. J’aimerais attaquer cette problématique avec des méthodes entrepreneuriales», explique Julien Hervouët. Une autremontagne à gravir…

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