Côtes-d'Armor
Nicolas Vaudry (Fédération des travaux publics) : « La suppression du GNR est budgétaire, pas écologique »
Côtes-d'Armor # BTP

Nicolas Vaudry (Fédération des travaux publics) : « La suppression du GNR est budgétaire, pas écologique »

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Président de la Fédération des travaux publics des Côtes-d’Armor, Nicolas Vaudry se satisfait d’une conjoncture favorable pour les entreprises costarmoricaines mais entend rester prudent sur l’avenir de la filière avec la suppression annoncée du gazole non routier.

Nicolas Vaudry, président de la fédération des travaux publics des Côtes-d'Armor et patron de la SEEG à La Motte — Photo : @JulienUguet

Le Journal des Entreprises : Comment se porte la filière des travaux publics en Côtes-d’Armor ?

Nicolas Vaudry : En 2019, nous comptons 181 entreprises adhérents, allant de la PME à l’ETI, qui représentent, en cumulé, 1 975 salariés. Notre profession dépend à 60 % de la commande publique, notamment le bloc communal et intercommunal, et, à l’approche des élections, l’activité est globalement soutenue. Nous restons toutefois prudents, car, l’année précédant les municipales, les carnets de commandes sont bien remplis. Actuellement, ils ont un horizon de 4 mois en moyenne, mais rien ne dit que cela durera en 2020. Les équipes risquent de beaucoup changer, avec les orientations publiques qui vont avec.

La suppression annoncée du gazole non routier fait-elle partie de vos principales inquiétudes ?

N. V. : Malgré l’opposition de la profession depuis la fin de l’année 2018, le gouvernement a confirmé, en juillet dernier, la suppression du GNR de manière progressive, avec un premier relèvement de taxes au 1er juillet 2020 de 45 %, les deux suivants devant intervenir au 1er janvier 2021 et au 1er janvier 2022.

Pour mémoire, le GNR est un gasoil moins taxé, tracé et coloré en rouge, afin de s’assurer que son usage est restreint à des applications industrielles, dont les engins de travaux publics. Sa suppression et son remplacement par le gasoil standard entraîneront un surcoût chiffré à 700 millions d’euros. Cette hausse, même si elle est progressive, sera entièrement supportée par nos adhérents, qui s'en trouveront fragilisés. C’est inacceptable et cela nous paraît être davantage pour des raisons budgétaires qu’à vocation écologique.

Les conséquences vont-elles, selon vous, au-delà d’une hausse du prix ?

N. V. : La distorsion de concurrence dans les territoires entre secteur d’activité sera inévitable, puisque le gouvernement a décidé de maintenir la fiscalité réduite sur le GNR pour les entreprises agricoles. Les TPE/PME seront directement impactées, par exemple, dans les travaux de terrassement. Par ailleurs, la recrudescence des vols de carburant sur les chantiers risque de se multiplier.

Ce sera donc la double peine pour les entreprises : augmentation des volumes de vols, notamment due à la disparition du traceur rouge, et doublement du prix du produit volé. Nous sommes dans l’attente des mesures de compensation promises. Elles devraient prendre la forme d’un soutien à la trésorerie des entreprises et d’une stimulation à l’investissement pour les collectivités locales.

Par ailleurs, la mise en œuvre d’une mesure d’ordre public, qui permettra dans tous les marchés de réviser les prix pour les contrats en cours, n’est pas actée à ce jour et risque d’être insuffisante dans les relations contractuelles avec les clients privés. Enfin, on nous parle d’alternatives techniques, mais les engins de travaux publics sont conçus par des multinationales étrangères, avec des moteurs gasoil. Il n’existe pratiquement pas de véhicules électriques de ce type. Nous ne sommes pas opposés sur le principe, mais nous n’avons pas d’autres choix que de rouler au gasoil, mais en payant plus cher.

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