Michel Denis (Manitou Group) : « La crise nous pousse à accélérer la transition écologique »
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Michel Denis directeur général de Manitou Group Michel Denis (Manitou Group) : « La crise nous pousse à accélérer la transition écologique »

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Impacté sur tous ses sites de production par la crise sanitaire, Manitou veut rebondir en accélérant vers la production d’engins de manutention électrique ou hydrogène. Dirigé par Michel Denis, Manitou Group, leader mondial du matériel de manutention, compte réduire au maximum son impact sur l’environnement.

— Photo : Manitou Group

Quel est l’impact de la crise sanitaire sur votre activité ?

Michel Denis : L’impact a été majeur. Nous avons une trentaine de filiales dans le monde, 11 sites de production dont 5 dans l’ouest de la France. Nos marchés sont dans 140 pays (Manitou emploie 4 600 salariés et réalise 2 Md € de CA). On a vu un impact qui s’est phasé différemment en fonction de l’évolution de la pandémie. Cela a démarré en janvier par la Chine où nous avons une filiale (20 salariés) et un partenaire important qui était à l’arrêt. Ensuite, les sites français ont été fermés mi-mars puis le site de production italien situé près de Bologne le 23 mars. Aujourd’hui, nous continuons la production aux États-Unis où nous suivons des mesures sanitaires strictes. L’impact de la crise a été majeur sur nos clients.

La crise est extrêmement forte pour le secteur de la construction qui représente 50 % de notre chiffre d’affaires. La pandémie a arrêté tous les chantiers et a aussi affecté la confiance dans la mise en place de nouveaux travaux. On constate un fort attentisme qui se reflète dans les chiffres du premier trimestre avec un chiffre d’affaires en baisse de 26 %. Nous communiquerons sur le deuxième trimestre le 30 juillet. Nous avons suspendu la guidance financière pour l’année 2020.

"Il ne devrait pas y avoir de retour à la normale avant 2022"

On prévoit une forte baisse en 2020 et une courbe très progressive en 2021. Il ne devrait pas y avoir de retour à la normale avant 2022. Les autres secteurs résistent mieux. La demande pour les machines agricoles, qui représentent 25 % de notre chiffre d’affaires, reste au même niveau qu’avant la crise. L’industrie se maintient également, tout comme l’activité service qui représente 20 % de notre activité. L’activité pièces de rechange n’a jamais cessé d’expédier les pièces à nos clients. Notre force est d’être diversifié.

Où en êtes-vous de la reprise d’activité ?

Michel Denis : Après un mois d’arrêt, nous avons repris la production de manière très progressive avec plus de 600 millions d’euros de carnet de commandes. Nous avons redémarré en France le 14 avril, en Italie la semaine suivante. Aujourd’hui, nous sommes à 80 % d’activité, tous secteurs confondus. Je tiens à souligner que nous n’avons eu aucune rupture de notre supply chain grâce à nos partenaires et notre tissu local de fournisseurs.

Est-ce que cette crise va faire évoluer votre stratégie ou votre positionnement ?

Michel Denis : Notre mission reste la même : améliorer les conditions de travail, de sécurité et la performance partout dans le monde, tout en préservant l’Homme et son environnement. Nous cherchons ainsi toujours à avoir un impact qui soit le plus faible possible sur l’environnement. Nous travaillons à améliorer la durée de vie de nos produits pour aller toujours vers une baisse dans le besoin de consommation. Nous allons accélérer sur la transition énergétique. La période nous amène à avancer rapidement vers la production de machines électriques, à hydrogène ou hybrides. Pendant le confinement, nous avons produit les premières nacelles tout-terrain 100 % électriques qui avaient été commandées avant la crise, pour l’Europe du Nord. On doit accélérer sur ces solutions zéro émission. Nous sentons le besoin, pour nos clients, d’avoir le moins d’impact possible sur l’environnement. Les prises de conscience sont fortes. On va accélérer sur ce sujet plus vite que nous l’avions prévu initialement.

Vous avez signé le manifeste du Pôle EMC2 pour une relance vers des projets éco-responsables. Sur quels sujets comptez-vous vous investir ?

Michel Denis : Ce manifeste est dans la continuité du plan RSE 2022 de Manitou et des 13 objectifs de la feuille de route sur lesquels nous nous étions engagés. Nous sommes adhérents du Pôle EMC2 depuis un an avec l’idée d’amplifier nos relations avec l’écosystème local, que ce soit sur les questions d’innovations industrielles ou de R & D. 

« Nous intégrons également des critères d’éco-conception et d’économie circulaire dans nos nouveaux projets »

Nous pouvons aborder des problématiques assez techniques que nous partageons avec les autres membres du pôle comme le process peinture que nous sommes en train de changer, par exemple. Nous intégrons également des critères d’éco-conception et d’économie circulaire dans nos nouveaux projets. On se rend compte que nous avons des solutions de proximité pour nous aider comme l’application développée par la PME de Saint-Nazaire Productys.

Cette crise change-t-elle votre organisation du travail ?

Michel Denis : Sur ce sujet aussi, nous accélérons. Notre dernier accord sur le télétravail date de 2014. La crise nous a amenés à le pousser à l’extrême. Il faudra trouver un équilibre pour conserver le lien social. C’est évident que le télétravail nous fait gagner du temps. J’ai fait plusieurs réunions de conseil d’administration en visioconférence. Cela demande deux heures alors qu’auparavant il fallait prévoir un déplacement d’une journée pour le même événement. Je faisais de très nombreux déplacements dans le monde chaque année. À partir de 2021, je suis certain que ces déplacements seront nettement réduits. On va accélérer sur cette question du télétravail. Nous travaillons depuis plusieurs années en interne avec des outils collaboratifs. Nous avons également l’habitude de travailler en équipe via des réunions en visioconférence.

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