Côtes-d'Armor
Luxe : la Côte d’Émeraude veut briller à nouveau
Enquête Côtes-d'Armor # Hôtellerie

Luxe : la Côte d’Émeraude veut briller à nouveau

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L’hôtellerie de luxe connaîtrait-elle un renouveau sur la Côte d’Émeraude, entre le Cap Fréhel (Côtes-d'Armor) et Cancale (Ille-et-Vilaine) ? Plusieurs établissements haut de gamme ont investi dans une rénovation, d’autres ont ouvert et les projets se multiplient sur ce créneau apparemment porteur dans la région. Focus sur une nouvelle destination prisée des touristes aisés.

Comme ici Castelbrac, à Dinard, qui a ouvert ses portes il y a quatre ans, l'hôtellerie haut de gamme tend à se développer sur la Côte d'Émeraude, en Ille-et-Vilaine — Photo : G. Trillard

« La Côte d’Émeraude a toujours été un lieu de raffinement qui n’a fait qu’évoluer en termes d’attrait ces dix dernières années, avec une montée en gamme dans l’hôtellerie-restauration », juge Valérie-Anne Laudet, directrice générale de Mark & Côme. Son agence de communication, située à Rennes, compte parmi ses clients plusieurs hôteliers et restaurateurs haut de gamme, dont le 5 étoiles Castelbrac, à Dinard. « L’hôtellerie de luxe a évolué. Les clients s’orientent moins vers une hôtellerie classique et davantage vers une offre tournée sur le bien-être et des concepts plus travaillés. L’attention est vraiment portée au client, qui doit se sentir unique », poursuit la dirigeante, qui travaillait auparavant dans le secteur du tourisme.

Attirer une clientèle exigeante

L’attention au client. C’est avec ce leitmotiv que Le Grand Hôtel de Dinard (90 salariés, 6 M€ de CA) a orchestré sa mue. Édifiée en 1858 pour recevoir les têtes couronnées, symbole de l’élégance Belle Époque, l’adresse est la propriété du groupe Barrière depuis 1998. La société a engagé une dizaine de millions d’euros pour lui offrir une nouvelle jeunesse. Le lobby, le bar-restaurant, les 86 chambres, l’espace fitness, les salons de réception : l'hôtel a tout revu, avec l’ambition d’offrir à ses clients un confort optimal et les meilleurs services. « Nous voulons redevenir l’établissement phare de la Côte d’Émeraude », ambitionne son directeur, Bruno Vilt. Une métamorphose nécessaire pour continuer d’attirer une clientèle exigeante, qu’elle soit régionale, parisienne ou internationale. Et faire face à la concurrence.

« La Côte d’Émeraude a un potentiel exceptionnel pour l’hôtellerie haut de gamme. »

À quelques pas de là, Le Grand Hôtel est en effet challengé depuis quatre ans par Castelbrac (40 salariés, 3,5 M€ de CA), l’autre établissement 5 étoiles de Dinard, propriété de l’homme d’affaires Yann Bucaille Lanrezac (Café Joyeux). Le lieu ne manque pas de charme. Ce qui était autrefois une villa, puis une station marine, est devenu, après cinq ans de travaux, un hôtel de 24 chambres qui domine, à flanc de falaise, l’océan et la célèbre promenade du Clair-de-Lune. Sophie Bannier, sa directrice d’exploitation, définit l’endroit comme « le luxe dans la simplicité ». Son objectif est d’atteindre 70 à 75 % de taux d’occupation d’ici à deux ans contre 65 % aujourd’hui. Dans sa conquête de clients, l’établissement va pouvoir s’appuyer sur le restaurant gastronomique qu’il abrite. Le Pourquoi Pas, dirigé par le chef Julien Hennote, vient de décrocher sa première étoile au Guide Michelin.

Saint-Malo, point d’attrait principal

Castelbrac bénéfice d’une vue à couper le souffle sur Saint-Malo. La cité corsaire reste dans la région le site privilégié d’implantation de l’hôtellerie haut de gamme (voir encadré). Dernier-né, l’hôtel 4 étoiles Le Grand Bé a ouvert en 2018, après une rénovation de l’hôtel des impôts portée par le groupe rennais Bardon. Il participe au dynamisme de la ville, où luxe rimait jusqu’alors surtout avec l’historique Hôtel des Thermes (175 chambres 5 étoiles), propriété de la famille Raulic. « À sa création en 1883, la publicité de l’époque mettait en avant sa situation pour découvrir les bains de mer, à moins de 9 heures de Paris, raconte Serge Raulic, président du groupe hôtelier malouin (900 salariés, 56 M€ de CA). Amusant alors que l’on communique aujourd’hui sur la distance Paris-Saint-Malo en moins de 2h30 ! Tous les hôtels qui se créent aujourd’hui vont dans le sens du retour de l’histoire vers cette Côte d’Émeraude qui redevient une destination haut de gamme. »

Photo : © Virginie Monvoisin

La région a en effet pâti de la concurrence du développement de la Côte d’Azur autour du luxe. Après les guerres et les crises économiques, Saint-Malo n’est alors, un temps, plus assimilée au luxe… Depuis quelques années, les grands hôtels de la côte retravaillent leur image. « Saint-Malo a regagné ses lettres de noblesse comme ville touristique de qualité », estime Serge Raulic. Son groupe a ouvert il y a près de dix ans l'hôtel 4 étoiles Le Nouveau Monde et veut récidiver avec son projet des Nielles. 60 M€ vont y être investis à partir de 2020 pour créer un nouvel hôtel de luxe 5 étoiles (90 chambres), mais aussi un 4 étoiles de 60 chambres et une résidence de tourisme (25 appartements).

« Un potentiel exceptionnel »

« La Côte d’Émeraude a un potentiel exceptionnel pour l’hôtellerie haut de gamme. Il y a en réalité encore peu d’offres de luxe », juge Yann Seveque, directeur d’exploitation du Nessay (17 salariés) à Saint-Briac. Ce nouvel établissement 4 étoiles a ouvert ses 17 chambres à l’été 2018. Après une profonde transformation, ce château du XIXe siècle, appartenant à la Ville de Saint-Briac, a pris le chemin de l’hôtellerie haut de gamme. Il est aujourd’hui exploité par le groupe Kaa Hôtels. « Notre objectif n’est pas de copier les Thermes ou Le Grand Hôtel de Dinard, prévient Yann Seveque. Mais nous sommes attachés à la Côte d’Émeraude et avions envie de proposer une offre différente. La clientèle qui recherche le haut de gamme veut aussi vivre un moment au calme, être simplement chouchoutée. C’est cela le vrai luxe ! »


La Côte d’Émeraude dans l’offre hôtelière régionale

Selon des données transmises par le Comité régional du tourisme (CRT) de Bretagne, si l’offre hôtelière régionale tend à diminuer lentement (-1 % de chambres en trois ans), les tendances sont très nettement inversées en ce qui concerne l’hôtellerie haut de gamme (4 et 5 étoiles), avec 6 % de chambres en plus entre 2017 et 2019. La Côte d’Émeraude concentre 14 % de l’offre régionale en chambres hôtelières mais 23 % des chambres 4 et 5 étoiles, faisant de ce territoire le premier parc régional d’hôtels haut de gamme. Au cours des trois dernières années, cette offre a progressé de 12 % sur le territoire. « Du fait de sa proximité avec le Mont Saint-Michel, Saint-Malo bénéficie d’un véritable attrait et a réussi à se positionner sur ce créneau du luxe avec une proposition d’offre shopping à l’année », détaille Jessica Viscart, du CRT Bretagne. Sur les 432 000 nuitées totales enregistrées en 2018 dans l’hôtellerie 4 et 5 étoiles sur la Côte d’Émeraude, les deux tiers profitent en effet à Saint-Malo et son agglomération.

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