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Les Chantiers de l’Atlantique hissent la grand-voile du transport maritime
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Les Chantiers de l’Atlantique hissent la grand-voile du transport maritime

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Le lancement récent de la construction du premier paquebot à voile et un investissement de 40 millions d’euros dans un nouvel atelier de fabrication soulignent le dynamisme des Chantiers de l’Atlantique. Deux ministres sont en outre venus signé à Saint-Nazaire, le nouveau contrat stratégique de filière (CSF) des Industriels de la Mer ainsi qu’un "pacte vélique".

Découpe de la première plaque du navire à voile du groupe hôtelier Accor : l’Orient Express Corinthian, le 28 mars 2024 — Photo : David Pouilloux

Entre deux bourrasques et trois averses, en ce jour de la fin mars, à Saint-Nazaire, la découpe d’une plaque d’acier au sein des ateliers des Chantiers de l’Atlantique était à plus d’un titre un événement. Un événement parce que Roland Lescure, ministre délégué chargé de l’Industrie et de l’Énergie, et Hervé Berville, secrétaire d’État chargé de la Mer et la Biodiversité, ont fait le déplacement pour y assister, auprès de Laurent Castaing, le directeur général des Chantiers de l’Atlantique. Un événement aussi parce que, de cette plaque, allait naître la première pièce du prochain géant des mers conçu par le constructeur nazairien de navires : l’Orient Express Corinthian. Un paquebot qui ne manquera pas de marquer son époque, car, originalité parmi d’autres, il sera "à propulsion vélique". Ce navire à voiles arborera en effet 3 mâts géants d’une centaine de mètres de haut, au gréement de 1 500 mètres carrés chacun. Ce premier exemplaire devrait coûter dans les 400 millions d’euros à son propriétaire, le groupe hôtelier français Accor. Baptisé Solidsail, un seul de ses mâts en fibre composite vaut entre 7 et 10 millions d’euros.

Navire made in France

Illustration représentant l’Orient Express Corinthian, futur géant à voiles de 220 m de long appartenant à la compagnie de croisière du groupe hôtelier français Accor — Photo : DR

Les superlatifs ont pris eux aussi des allures de bourrasque pour décrire ce paquebot hors normes de 220 mètres de long et devant être livré en mars 2026. "Il sera le plus grand, le plus performant et le plus élégant des voiliers du monde, dit Arnaud Le Joncour, le directeur commercial et programmes des Chantiers de l’Atlantique. Toutes les disciplines de l’architecture navale, aéro et hydrodynamique ont été poussées au maximum pour en faire un navire d’exception. C’est un véritable voilier avec une carène effilée, un safran surdimensionné et une dérive de plus de 6 mètres, et, bien entendu, des mâts et des voiles performantes qui nous permettront d’atteindre la vitesse de 15 nœuds".

"C’est assez rare d’avoir un projet d’envergure dans lequel tous les acteurs sont français"

Quant à Sébastien Bazin, le PDG du groupe hôtelier Accor, il n’est pas peu fier de ce navire made in France. "C’est assez rare d’avoir un projet d’envergure dans lequel tous les acteurs sont français, de ceux qui ont dessiné le bateau jusqu’aux banques qui ont garanti son financement. Les Chantiers de l’Atlantique sont pour moi le plus grand chantier au monde en termes de savoir-faire navale. Le pavillon de l’Orient Express sera non seulement bleu blanc rouge, mais aussi vert grâce à ses voiles."

Ce type de voiliers s’inscrit en effet dans le sillon de la décarbonation du transport maritime, qui reste pour l’heure fortement consommateur d’énergies fossiles. C’est justement dans le cadre de son soutien à la filière vélique que l’État a apporté un soutien de 22 millions d’euros à ce projet de navire utilisant la force du vent ainsi qu’un système de propulsion hybride pour se déplacer.

Décarbonation et ambition française

Roland Lescure et Hervé Berville visitent le nouvel atelier des Chantiers de l’Atlantique, le 28 mars 2024 — Photo : David Pouilloux

Le ministre de la Mer, Hervé Berville, souligne d’ailleurs que "le développement de la propulsion vélique marque notre capacité à entraîner toute une filière vers la décarbonation et vers la transition écologique de ce secteur. Face aux investissements américains dans l’économie verte, et à la concurrence des pays asiatiques, nous sommes dans un moment où il faut porter l’ambition française, l’ambition européenne, qui commence historiquement et de manière forte ici à Saint-Nazaire. Avec ce plus grand voilier du monde qui utilise de la propulsion vélique, nous faisons la démonstration que nous sommes à l’avant-garde de l’excellence maritime. Pour atteindre les objectifs que l’on s’est fixés de neutralité carbone d’ici à 2050 ainsi que les objectifs de souveraineté que nous avons, nous aurons plus que jamais besoin de la force, de la puissance, de la capacité de l’innovation des chantiers de Saint-Nazaire". L’Orient Express Corinthian, ainsi qu’un second navire identique, mobiliseront environ 500 des 3 500 salariés des Chantiers dans une cinquantaine de corps de métier.

"Nous vivons une révolution industrielle que nous sommes capables d’embrasser"

"La construction de ce navire à voile, et le soutien que nous lui avons apporté, est emblématique de ce que l’on compte faire : porter des projets industriels qui permettent de réconcilier économie et écologie, fin du monde et fin du mois, déclare Rolland Lescure, ministre délégué à l’Industrie et à l’énergie. Il symbolise aussi notre prospérité et notre capacité à nous projeter vers l’avant dans une planète plus propre. Nous vivons une révolution industrielle que nous sommes capables d’embrasser. La France sait innover, sait construire et sait se projeter grâce à ses champions internationaux capables de conquérir le monde."

Un nouvel atelier de préfabrication de 12 000 mètres carrés

Laurent Castaing, directeur général des Chantiers de l’Atlantique, Hervé Berville, secrétaire d’État à la mer et la biodiversité, et Roland Lescure, ministre de l’industrie et de l’énergie — Photo : David Pouilloux

L’autre gros morceau de la visite ministérielle était consacré à l’inauguration d’un atelier de préfabrication de 12 000 mètres carrés. L’investissement, de 40 millions d’euros, est à la hauteur du chiffre d’affaires des Chantiers, de l’ordre de 2 milliards d’euros en 2023. "Pour ce nouvel atelier, je tiens à souligner deux aspects importants : la robotisation et la manutention, révèle Laurent Castaing, le directeur général des Chantiers de l’Atlantique. Les nefs sont aujourd’hui robotisées, mais elles sont plus grandes que nécessaire. Nous avons gardé de la place pour pouvoir installer des robots que nous ne connaissons même pas aujourd’hui".

"Un très gros paquebot c’est 500 000 pièces, et le poids moyen d’une pièce c’est 100 kg"

Une autre révolution du chantier naval nazairien importante tient à l’amélioration des flux. "Un très gros paquebot c’est 500 000 pièces, et le poids moyen d’une pièce c’est 100 kg, poursuit Laurent Castaing. Si vous passez une minute par pièce, c’est 8 000 heures de manutention. Si on passe plus de temps par pièce, l’effet démultiplicateur peut être fort. Il faut donc éviter de soulever des pièces, de les poser, puis de les reprendre et de les reposer. Ainsi, on économise de la peine des hommes. C’est ce que nous allons faire ici, et grâce à cette meilleure gestion des flux, à une organisation différente, nous allons gagner 30 % en temps, donc en rapidité pour livrer nos bateaux." Le directeur général insiste : "En dix ans, nous avons changé toutes nos machines, en investissant plus de 300 millions d’euros, dont 40 pour ce seul atelier." Cerise sur le gâteau : cet atelier est équipé de panneaux solaires, qui le rendent quasiment autosuffisant en électricité.

Un nouveau contrat pour les industries de la mer

Sur le quai des Chantiers de l’Atlantique, s’élève le Solidsail, un mât aux voiles rigides qui équipera les paquebots à voiles, comme le Neoliner ou l’Orient Express Corinthian — Photo : David Pouilloux

À l’occasion de leur déplacement à Saint-Nazaire, Roland Lescure et Hervé Berville ont signé le nouveau contrat de filière stratégique des Industriels de la mer pour la période 2024-2027, présidé par Philippe Berterottière, aux côtés des fédérations professionnelles, syndicats et universitaires. Placée sous l’égide du Conseil national de l’industrie, la filière des industriels de la mer regroupe les industries navales, les énergies marines renouvelables et l’offshore. Elle représente 120 000 emplois directs et 33,5 milliards d’euros de chiffre d’affaires, dont 50 % à l’export. Ce nouveau contrat permettra de mettre en place 22 projets structurants qui s’articulent autour de quatre axes : réindustrialisation et autonomie stratégique ; transition écologique ; innovation et R & D ; attractivité et compétences.

Un soutien aux entreprises propulsant les navires par le vent

Par ailleurs, le gouvernement a confirmé son soutien aux acteurs de la propulsion des navires par le vent, engagés dans la réduction de l’empreinte environnementale du secteur maritime, qui ont l’ambition de conquérir 30 % des parts du marché mondial dans les prochaines années, en signant le pacte vélique avec l’ensemble des acteurs. Ces derniers sont fédérés autour de l’association Wind Ship, pour "concevoir et produire des systèmes performants de propulsion par le vent, appuyé par des armateurs particulièrement volontaires pour les tester en développant une nouvelle offre de transport maritime décarbonée".

"Le développement du secteur vélique français est une opportunité majeure de réindustrialisation verte, estime Roland Lescure. Avec ce pacte, l’État confirme qu’il va poursuivre son engagement de longue date pour le développement de cet écosystème ; afin de positionner la France en leader mondial sur ces technologies."

"Notre ambition est de créer plusieurs milliers d’emplois dans ce secteur tout en économisant 1 million de tonnes de CO2 d’ici 2030"

"Cet écosystème illustre les compétences et le savoir-faire français en matière d’innovation technologique et industrielle pour le maritime. Il démontre l’engagement des entreprises françaises dans la transition, note Hervé Berville. Je confirme le maintien de l’engagement de l’État pour les accompagner et faire du vélique français une référence pour la décarbonation du maritime. "

"Ce pacte constitue le signal déclencheur du changement d’échelle nécessaire à la consolidation d’un marché émergent et prometteur, apprécie Lise Detrimont, déléguée générale de l’association Wind Ship. Notre ambition est de créer plusieurs milliers d’emplois dans ce secteur tout en économisant 1 million de tonnes de CO2 d’ici 2030. Le suivi de ce pacte permettra de mesurer les progrès du secteur dans les 5 prochaines années."

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