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Laurent Arnaud : "Le CV empêche l’ouverture"
Interview Lyon # Emploi

Laurent Arnaud cofondateur du cabinet de recrutement JenesuispasunCV "Le CV empêche l’ouverture"

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Après s’être rapidement implanté au sein de l’écosystème lyonnais, le cabinet de recrutement JenesuispasunCV (700 000 € de CA en 2023, 18 salariés) s’apprête à partir à la conquête d’autres territoires. Objectif : convaincre toujours plus d’entreprises que le CV est loin d’être le meilleur outil de présélection des candidats, comme l’explique Laurent Arnaud, cofondateur du cabinet.

Laurent Arnaud, cofondateur de JenesuispasunCV — Photo : JenesuispasunCV

Il y a un peu plus de deux ans, vous avez cosigné une tribune dans les colonnes de Libération "Nous ne sommes pas des CV", qui appelait à un renouvellement des pratiques de recrutement et une désacralisation du CV. Votre tribune avait alors eu une résonance assez forte. Comment l’expliquez-vous ?

Nous avions été très surpris de l’écho rencontré par cette tribune que nous avions initié, nous, petite start-up dans le secteur du recrutement. Bien sûr, nous nous étions entourés d’acteurs lyonnais importants, comme les dirigeants de Ninkasi, de l’OL ou encore du président de Sport dans la Ville. Mais c’était surtout la preuve que nous avions appuyé sur un réel point de douleur. Cela nous a permis d’acquérir la certitude que nombreux étaient ceux qui partageaient notre constat, à savoir qu’on connaît une pénurie de candidatures plus qu’une pénurie de compétences. Pour preuve, en 2022, le nombre d’offres d’emploi a augmenté de 31 % quand le nombre de candidatures a baissé de 50 %. Une étude, réalisée par l’EM Normandie, montre également que plus de 50 % des candidats s’autoéliminent dans le processus de recrutement car ils estiment qu’ils ont trop peu de chance d’être reçus. Et le CV accentue cette problématique.

En quoi le CV n’est-il pas un outil adapté pour le recrutement ?

Au moment de la présélection de candidat, un recruteur passe moins de 10 secondes par CV. Naturellement, son attention va s’arrêter sur les candidats qui ont déjà une expérience similaire à celle du poste recherché. Ce faisant, il passe à côté d’un tas de personnes. Le CV empêche l’ouverture et le décloisonnement. En ayant recours au CV, un recruteur regarde uniquement dans le passé des candidats. Comme s’il se servait d’un rétroviseur. Nous voulons combattre cela. Nous estimons qu’on n’est pas obligé d’avoir fait, pour savoir faire.

Faut-il pour autant faire une croix sur les CV ?

Non, en aucun cas il ne faut s’interdire de venir avec un CV lorsque l’on a un entretien par exemple. C’est un bon moyen pour se présenter. Nous mettons simplement en garde sur l’utilisation du CV lors de l’étape préalable de recrutement.

Depuis cette tribune, les pratiques ont-elles évolué selon vous ?

Difficile à dire. Nous sommes la face immergée de l’iceberg. Nous avons plein de belles histoires de recrutement à raconter. Je peux par exemple vous citer Keolis, à Lyon, qui a complètement modifié ses pratiques de recrutement et qui réalise désormais un entretien de préqualification avec chaque candidat qui postule à l’une de ses offres. De fait, il existe de telles tensions en matière de recrutement, que la nécessité de bouger est absolue. Cela prend plus ou moins de temps, selon les entreprises, mais le statu quo n’est plus possible. Notre rôle, c’est de rassurer les entreprises, en leur montrant que recruter sans CV, ce n’est pas un saut dans le vide.

Comment se fait cette prise de conscience ?

La première étape est de leur demander si, parmi leurs collaborateurs, tous avaient un CV qui correspondait au poste qu’ils occupent aujourd’hui. La plupart du temps, ce n’est pas le cas. Lorsqu’ils se rendent compte qu’ils l’ont en réalité déjà fait, les craintes liées au recrutement sans CV disparaissent souvent.

Cette méthode de recrutement trouve-t-elle des échos favorables ?

Depuis 2021, nous avons accompagné une centaine d’entreprises, principalement dans le bassin lyonnais, Apicil, April, Alliade Habitat, Cegid, Esker ou encore Visiativ. Et ce qui était au départ perçu comme atypique est devenu pour eux un vrai levier d’attractivité, car nous travaillons en même temps avec eux sur leur marque employeur.

Vous êtes aujourd’hui implantés principalement dans l’écosystème lyonnais. JenesuispasunCV a-t-il vocation à s’étendre ?

Nous sommes, aujourd’hui encore, très lyonnais. Mais notre objectif pour 2024 est de nous implanter sur d’autres territoires. D’ici 2026, nous voudrions avoir une présence nationale, dans les dix principales métropoles françaises. Cela implique le développement d’agences dans ces villes, car nous organisons beaucoup de job dating, ce qui nécessite une présence sur place. Nous réfléchissons à l’organisation d’un tour de France JenesuispasunCV, pour créer un événement de masse et générer l’adhésion. Nous avons ainsi l’ambition d’atteindre 4 millions de chiffre d’affaires dès 2026. Nous allons bientôt lancer une levée de fonds pour financer ce développement et plus particulièrement optimiser notre plateforme de recrutement, grâce à de l’IA générative.

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