Côtes-d'Armor
« La reprise dans le bâtiment est effective mais les marges restent fragiles »
Interview Côtes-d'Armor # BTP # Conjoncture

Arlette Labbé présidente de la FFB 22 « La reprise dans le bâtiment est effective mais les marges restent fragiles »

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Élue présidente de la fédération française du bâtiment dans les Côtes-d’Armor en 2017, Arlette Labbé confirme une reprise nette de l’activité dans le département. Prudente, elle confirme toutefois que le risque de fracture territoriale, au bénéfice des métropoles de Rennes et Brest, est bien réel.

Arlette Labbé, présidente de la FFB 22 — Photo : Julien Uguet / Journal des entreprises

Le Journal des Entreprises : Quel est le poids de la filière du bâtiment dans les Côtes-d’Armor ?

Arlette Labbé : « Notre filière compte 4 608 entreprises dont 2 813 artisans seuls y compris autoentrepreneurs. Sur un total breton de 70 000 actifs, les Côtes-d’Armor en représentent 14 000 ce qui fait de nous le plus petit contributeur mais pas le moins dynamique. La FFB 22 représente 730 entreprises adhérentes employant 7 800 salariés. »

Après des années difficiles, la reprise économique semble là. Confirmez-vous cette tendance ?

A. L. : « Après huit années de crise continue, qui ont marqué en profondeur le secteur et ses acteurs, la reprise d’activité dans le bâtiment est redevenue une réalité au cours du second semestre 2017. Nous terminons l’année avec une hausse de + 4.7 % de notre volume d’activité. Les prévisions nationales pour 2018 ne sont que de + 2,4 % en raison de la Loi de Finances 2018 qui transforme profondément l’environnement de notre secteur. Cette logique nous amène à la prudence. Les marges de nos entreprises, dans un contexte de prix bas, restent fragiles, et on observe de nuances profondes selon les territoires et les métiers. Encore plus qu’ailleurs dans les Côtes-d’Armor, il faut se battre pour ne pas voir toute l’activité se concentrer dans les métropoles de Brest et Rennes. »

La relance des permis de construire est plutôt une bonne nouvelle ?

A.L. : « Sur le plan national, 426 000 logements ont été mis en chantier en 2017 contre 333 000 en 2015. Par ailleurs, pour la première fois depuis 10 ans, le secteur de la construction est en création nette d’emplois avec un solde positif de 20 000 emplois. Il faut toutefois les rapporter aux 153 000 emplois perdus entre 2007 et 2016. Cette dynamique bénéficie à la Bretagne même s’il est clair que nous n’avons pas le même nombre de grues en Côtes-d’Armor que sur l’agglomération rennaise, illustrant au passage la fracture territoriale. Sur le marché de la rénovation, les chiffres sont aussi bons avec une progression en volume de 2 %. Nous observons un retour des demandes des particuliers qui ont des projets et des envies de rénovation. »

« Il est clair que nous n’avons pas le même nombre de grues en Côtes-d’Armor que sur l’agglomération rennaise illustrant au passage la fracture territoriale. »

Les derniers mois ont été marqués par de nombreuses réformes qui ont plus ou moins impacté le secteur du bâtiment. Quel regard portez-vous sur cette profusion législative ?

A.L. : « L’élection d’Emmanuel Macron à la Présidence de la République a bouleversé l’ensemble du paysage politique. Un an après, on n’a peut-être pas encore changé d’époque, mais on a le sentiment qu’une nouvelle ère s’ouvre dans un style qui n’a pas fini de nous bousculer. Je confirme que certaines réformes vont dans le bon sens. Dans des domaines symboles qu’on pensait intouchables comme le Code du Travail, la réforme par ordonnances a été menée tambour battant envoyant ainsi un signal fort. Concernant encore plus directement notre secteur, la suppression du compte pénibilité a été saluée par toutes les entreprises. C’est un vrai soulagement tant le dispositif s’apparentait à une usine à gaz.

Ses efforts sur la fraude au détachement reçoivent aussi votre assentiment ?

A.L : « Le Chef de l’État n’a pas hésité à engager un bras de fer avec la Pologne pour obtenir une évolution sensible des textes européens sur le détachement montrant ainsi sa détermination dans la lutte contre les fraudes. Un accord a été trouvé même s’il faudra sans doute quelques années pour en ressentir les effets. De notre côté, nous avons aussi montré des gages d’avancée avec le déploiement de la carte BTP obligatoire sur les chantiers depuis le 1er octobre 2017. »

Une inquiétude toutefois dans cette embellie pour le bâtiment, des difficultés récurrentes en matière de recrutement ?

A.L. : « Il est à craindre que la croissance de notre activité soit en partie freinée par le manque de main-d’œuvre. Aujourd’hui, nous pourrions produire bien plus mais nous n’avons pas le personnel pour le faire. C’est pour cette raison que notre priorité actuelle c’est l’emploi et la formation. Nous multiplions les actions pour valoriser les métiers du bâtiment, séduire les jeunes, former les demandeurs d’emploi et leur démontrer que nos métiers débouchent sur des emplois locaux, garantis et évolutifs. Il faut rappeler qu’en Bretagne il y a actuellement plus de 5 300 emplois à pourvoir et que plus de 1 000 entreprises cherchent à recruter un apprenti. La réforme de l’apprentissage commence à se dessiner avec des mesures fortes comme l’assouplissement du régime des heures supplémentaires pour les apprentis mineurs, la possibilité d’embaucher à tout moment de l’année, etc. C’est une très bonne chose. »

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