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La lutte contre le mal-être au travail s'organise à Faulquemont
Moselle # Ressources humaines

La lutte contre le mal-être au travail s'organise à Faulquemont

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Une dizaine de dirigeants du territoire de Faulquemont, en Moselle, se lancent dans un projet de recherche dédié à la bienveillance en entreprise. Accompagnés par des experts d’ICN Business School, ces entrepreneurs n’hésitent pas à se remettre en question pour améliorer le bien-être de leurs salariés. À la clé : une charte de la bienveillance et un module de formation.

Le consultant et doctorant mosellan Steve Ordener pilote ce projet de recherche-action unique en France — Photo : Lucas Valdenaire

C’est une première en France : un projet de recherche consacré à la bienveillance au travail. Ils sont une dizaine d’entrepreneurs à avoir répondu à l’appel du GEME, le Groupement d’employeurs de Moselle-Est. Ils sont représentants de la grande distribution (Super U), industriels (Viessmann, AHC), équipementiers automobiles (AEF, Eagle Industry) ou encore constructeurs spécialisés (Noelys) et ils sont tous installés dans le District urbain de Faulquemont (environ 5 000 emplois). En montrant leur intérêt pour cette étude inédite, ils affichent un objectif commun : lutter contre le mal-être de leurs salariés.

Le consultant mosellan Steve Ordener dirige les opérations. L’enfant du pays, doctorant en management à ICN Business School, pilote ce projet de recherche-action intitulé « Workindness » (que l’on peut traduire par « bienveillance au travail ») : une étude en confrontation directe avec le tissu économique local. « L’idée est de sortir de nos laboratoires », explique le chercheur. Nous sommes dans une démarche de co-construction avec et pour les entreprises du territoire ».

Stress et arrêts de travail

Ainsi, l’ancien employé de France Télécoms propose aux entrepreneurs mobilisés des séances de questions-réponses individuelles ou collectives. Il faut ensuite analyser l'ensemble des entretiens selon un protocole scientifique strict. À partir de ces données, le doctorant de 45 ans publiera ses résultats dans plusieurs langues. Surtout, il organisera un module de formation destiné aux adhérents du GEME à la fin de l'année 2021. Une « charte de la bienveillance » sera même élaborée dès le printemps prochain à l’intention de la collectivité faulquinoise. L'ensemble du projet se déroule sous l’égide de la Chaire UNESCO en « Art et sciences dans le cadre des objectifs de développement durable ».

Steve Ordener se donne 18 mois pour tenter de répondre à cette question : comment la bienveillance peut-elle servir la performance durable des entreprises ? Le Lorrain part d’un constat chiffré : 53 % des salariés et 65 % des managers se disent « régulièrement » stressés sur leur lieu de travail (baromètre social Cegos, 2018). « En France, sur dix arrêts de travail, quatre sont liés aux stress en entreprise, confirme-t-il. Et ces données, cela fait 40 ans qu’on les observe. En France, on est les mauvais de la classe. On a mal au dos depuis des décennies et on prend du Doliprane. Il faut maintenant trouver une médecine plus douce et plus efficace ».

Le chercheur habitué des tours du monde prévient qu’il n’est pas revenu en Moselle pour vanter les mérites d’un management « à la californienne » avec ses séances de sport au travail et ses baby-foots dans les couloirs. « Je ne suis pas là, non plus, pour leur donner clé en main le manuel du parfait Workinder. L’idée, c’est de trouver ce qui bloque, avec eux ».

Ne plus opposer bienveillance et performance

Conséquence de ces blocages : le turn-over. Une tendance partagée par plusieurs participants et accentuée par « l’aspirateur luxembourgeois » selon François Lavergne, maire de Créhange et président du District urbain de Faulquemont. « Nous avons toujours été dans l’optique de garder les collaborateurs le plus longtemps possible et malheureusement, nous les voyons repartir après seulement deux ou trois ans, » déplore de son côté Vanessa Schlich, directrice des ressources humaines chez Lorraine Profilés. Installée à Faulquemont, la société de 50 salariés fabrique notamment des produits d’isolation thermique. « On recrute, on forme, on fait de belles rencontres mais cela ne dure pas et nous devons tout recommencer. Pour les garder, il faudrait qu’on arrive à les écouter, leur parler, aller dans leur sens. »

Et donc se montrer bienveillant ? L’un des enjeux de ce projet de recherche est aussi de convaincre les entrepreneurs que la gentillesse n’est pas l’ennemie de la performance. « Cette notion de bienveillance a toujours existé mais on a longtemps eu des craintes à l’évoquer, confie Vanessa Schlich. Dans le milieu professionnel, c’est plus ou moins perçu comme un point faible. »

Il est vrai qu’en participant à cette étude hors du commun, les dirigeants s’engagent à partager leurs difficultés et acceptent de se remettre en question. Bref, jouer cartes sur table. « En France, quand ça ne va pas, on a l’impression qu’il ne faut pas le dire. Ce serait une preuve de fragilité dans son management, conclut Steve Ordener. Alors si on arrive à désacraliser le sujet pour qu’un dirigeant ose enfin parler, on aura déjà fait une partie intéressante du chemin. »

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