Seine-Maritime
Dorothée Lebarbier (Altitude) : « J'ai hâte de lancer le groupe dans une nouvelle aventure »
Interview Seine-Maritime # Télécoms # Investissement

Dorothée Lebarbier directrice générale du groupe Altitude Dorothée Lebarbier (Altitude) : « J'ai hâte de lancer le groupe dans une nouvelle aventure »

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À la tête du groupe normand Altitude, fondé par son père Jean-Paul Rivière, Dorothée Lebarbier poursuit le développement de cette entreprise de plus de 800 salariés, spécialisée dans les télécommunications et l’immobilier. Après le lancement de l'opérateur télécoms Linkt en 2017, avec lequel elle a l'ambition de devenir le quatrième opérateur français, la dirigeante réfléchit à de nouveaux relais de croissance.

— Photo : David Morganti

Le Journal des Entreprises : Avez-vous toujours souhaité suivre les traces de votre père Jean-Paul Rivière, fondateur du groupe Altitude ?

Dorothée Lebarbier : Au début, je ne voulais pas du tout travailler avec mon père. J’étais intéressée par des études de psychologie à l’université, car j’aime le contact avec les autres, mais je ne me suis pas retrouvée dans ces métiers. J’ai bifurqué vers une école d’ingénieurs à Rouen, l’Esigelec, car j’avais de l’appétence pour les sciences et je me suis rendu compte que le diplôme d’ingénieur ouvrait beaucoup de portes. Sans forcément me projeter sur le long terme, j’ai finalement choisi d’intégrer l’entreprise familiale, en alternance dans l’une des sociétés de mon père, pour ne pas aller à la concurrence.

Finalement, après avoir obtenu mon diplôme d’ingénieur réseaux et télécoms en 2002, complété par un master administration des entreprises à l’IAE de Caen en 2005, je suis resté chez Altitude avec un poste de directrice des services généraux. Une expérience très riche jusqu’en 2010 et la vente d’Altitude Telecom (opérateur télécoms BtoB fondé en 2000 par Jean-Paul Rivière et entité principale du groupe Altitude au moment de la vente, NDLR).

Quels changements a entraîné la vente d’Altitude Telecom pour vous ?

D. L. : La vente d’Altitude Telecom à Completel-Numéricable, en 2010, a été réalisée dans un contexte économique favorable. Nous étions alors trois au même niveau de responsabilités dans la société, mon mari Bertrand Lebarbier, David El Fassy et moi. La cession correspondait à la fin d’une ère, où chacun souhaitait prendre son envol.

David El Fassy a pris la tête de notre filiale Altitude Infrastructure (opérateur normand de réseaux de télécommunications alternatifs en délégation de service public), Bertrand Lebarbier est devenu directeur général chez Altitude Telecom, et j’ai pris la tête du holding Altitude, comme directrice générale, intéressée par le côté investissement et actionnariat, mon père restant président de la structure.

« Avec mon père, nous formons un binôme efficace : il est créatif, mais moins intéressé par la phase de mise en place, où je prends le relais. »

Nous avons rapidement fait grandir les effectifs du holding (une vingtaine de personnes en 2019, NDLR), qui ne s’occupe que de la partie actionnariat, pas des services transverses entre les filiales. C’est un outil d’investissement ainsi que d’expertise juridique et financière, avec pour premier objectif de réinvestir les actifs obtenus à la suite de la vente d’Altitude Telecom et de mettre en place des actions de reporting.

Que représente le groupe Altitude aujourd'hui ?

D. L. : Le groupe Altitude, dont le holding est installé à Mont-Saint-Aignan (Seine-Maritime), compte 830 salariés, dont une majorité en Normandie, et un chiffre d'affaires de 250 millions d'euros.

Le groupe se compose de cinq activités distinctes, avec Altitude Infrastructure, opérateur de réseaux de télécommunications (l'entreprise représente le gros du chiffre d'affaires du groupe avec 500 salariés et 210 M€, NDLR), notre nouvel opérateur télécoms BtoB Linkt (300 salariés, 15 M€ de CA, NDLR), le domaine immobilier avec Cap Horn promotion et Altitude lotissement, ainsi que Villas Ginkos, notre société dédiée aux résidences services pour seniors.

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Quelle est la genèse de Linkt, le nouvel opérateur télécoms BtoB, lancé par votre groupe en 2017 ? La nostalgie de l’aventure Altitude Telecom ?

D. L. : C’est avant tout la passion pour ce métier. Historiquement, nous avons toujours eu une activité BtoB, mais je voulais une activité plus grand public. Avant de créer Linkt, je me suis orientée vers les résidences services pour seniors, une activité centrée autour de l’humain, qui permet à beaucoup de gens de retrouver une activité sociale. Nous avons d’abord tenté de monter seuls le projet, mais on s’est vite rendu compte qu’il était difficile de réaliser des programmes qui sortent de notre domaine de compétences et d’être crédibles auprès des financiers. C’est pourquoi nous avons décidé de faire une acquisition, avec la société Villas Ginkos, qui avait des envies de développement et le savoir-faire métier.

Cinq ans après avoir vendu Altitude Telecom, nous avions réussi à mener notre premier projet, avec difficultés ! On s’est rendu compte que faire de l’investissement était compliqué et que nous avions un manque de nos activités télécoms, sur le marché BtoB, un domaine que nous maîtrisons, et plus simple pour nous à développer. De cette envie et de la volonté de Bertrand Lebarbier d’entamer une nouvelle étape de sa carrière, est né le projet Linkt.

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Quelle est la plus-value de Linkt face aux autres opérateurs ?

D. L. : Notre objectif est de nous démarquer par la qualité des prestations et le service aux clients. Faire bien ce métier pour gagner des parts de marché, c’est notre moteur. Chez Linkt, nous avons un historique lié à l’informatique très fort et on se sent très à l’aise dans le virage informatique et numérique pris par les télécoms. Notre force face aux grands opérateurs est de pouvoir proposer des produits spécifiques, faire du sur-mesure pour les grands comptes.

Photo : David Morganti

Linkt est une très grosse opération menée par votre holding. Quel montage financier avez-vous mis en place ? Pourquoi être parti si fort, si vite ?

D. L. : Le pari était d’arriver à créer un opérateur télécoms à destination des entreprises. Pour cela, nous voulions aller vite et ne pas mettre quinze ans à refaire un nouvel Altitude Telecom. C’est pourquoi nous voulions démarrer avec des moyens et avons mis sur la table 40 millions d’euros, sur trois ans, en fonds propres.

Et il a fallu convaincre les banques de nous suivre, car le financement pour nous est un véritable enjeu. La croissance demande du cash et nous avons l'ambition d’un chiffre d’affaires de 100 millions d’euros et 400 salariés à horizon 2021, pour devenir le quatrième opérateur français. Ce projet, nous avons réussi à le financer avec des banques locales (Crédit Agricole Normandie, CIC, Caisse d’Épargne Normandie et Banque Postale, NDLR) qui nous ont apporté 50 millions d’euros. Le challenge était aussi de ne pas ouvrir le capital à des acteurs extérieurs, car nous apportions beaucoup de cash.

La leçon que je tire de cette aventure, c’est qu’il faut être ambitieux, chercher des solutions et savoir faire des concessions sur les conditions de financement. Il faut oser prendre des risques calculés et prévoir deux ou trois scénarios alternatifs.

Peut-on parler d’une culture d’entreprise Altitude ?

D. L. : Nos sociétés attirent les candidats, car nous avons beaucoup de projets de développement et une culture où l’on donne beaucoup d’autonomie, tout en favorisant l’évolution en interne. Nous sommes nombreux à avoir démarré en même temps dans le groupe, au bas de l’échelle, et en progressant ensemble. On se connaît depuis 15 à 20 ans et avons créé des liens. Il existe une fidélité au groupe. De plus, nous organisons des événements pour réunir les salariés et leurs conjoints, ce qui nous permet de connaître les familles. Je parlerais d’une gestion bienveillante du personnel chez Altitude, avec beaucoup d’écoute auprès de nos salariés.

Comment allez-vous faire évoluer le groupe Altitude ?

D. L. : Nous avons envie de continuer à faire de la croissance de manière forte, de relever des challenges. La croissance, c’est peut-être le lien avec la transmission de mon père. Lorsqu’une filiale ne le passionnait plus, il la revendait pour se relancer dans un nouveau challenge et ne pas s’endormir sur ses lauriers. Ce qui l’intéresse c’est de donner les grandes directions, puis de laisser les gens faire. C’est là où l’on forme un binôme efficace : il est créatif mais moins intéressé par la phase de mise en place, où je prends le relais.

Pour le moment, nous sommes concentrés sur le développement des filiales, mais d’ici trois à quatre ans, je relancerai le groupe dans une nouvelle aventure, dans des domaines que nous maîtrisons, tels que l'informatique et les télécoms. Un projet qui pourra naître des besoins des clients et qui nous permettra de nous démarquer de la concurrence.

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