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Des Ronds Dans l’Eau : "Suite à mon burn-out, j’ai réorganisé mon entreprise"
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Des Ronds Dans l’Eau : "Suite à mon burn-out, j’ai réorganisé mon entreprise"

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Christophe Lucas, le créateur de l’agence briochine de communication globale Des Ronds Dans l’Eau, a fait un burn-out. C’était en juin 2022 et pour lui, rien ne sera plus comme avant. Le chef d’entreprise raconte ce qu’il a traversé et comment il a transmis la direction de son agence à sa collaboratrice, Aurélie Esquirou. En attendant de retrouver le goût d’entreprendre.

Aurélie Esquirou, DG de l’agence Des Ronds Dans l’Eau, et Christophe Lucas, le créateur de l’entreprise, qui lui en a confié les rênes à la suite de son burn-out — Photo : Matthieu Leman

Christophe Lucas apparaît détendu dans le canapé situé à l’étage de son entreprise de communication globale, Des Ronds Dans l’Eau (1,2 million d’euros en 2022, 12 salariés). Pourtant, sa présence qui, jusqu’en juin 2022, était si habituelle puisque le dirigeant venait à son bureau sept jours sur sept, est devenue exceptionnelle. Et même douloureuse. Car Christophe Lucas a fait un burn-out. Et sa maladie ne l’a pas encore lâché.

Tout a commencé il y a un an, dans ces mêmes locaux situés au port du Légué, à Saint-Brieuc (Côtes-d’Armor). Un dimanche matin, comme pour mieux en souligner l’origine. "J’étais devant mon ordinateur, je cherchais une photo et j’ai eu une absence. Je ne sais pas combien de temps elle a duré mais quand j’ai repris conscience, j’ai senti que ça n’allait pas. Je suis sorti faire un tour dehors", raconte-t-il. Mais revenu à son bureau, un simple geste, rallumer son écran, le fait tomber dans un gouffre dont il a toujours peine à sortir un an plus tard. "J’ai vu l’écran s’allumer et je me suis mis à pleurer et à trembler."

Assureur et médecin

Plus tard, toujours au bureau, le Costarmoricain âgé de 56 ans retrouve un peu de calme. "J’ai pris conscience qu’il se passait quelque chose de compliqué. J’ai dessiné une carte mentale avec les enjeux de la situation : ce que ça impliquait pour les miens, pour mon équipe, pour mes clients." L’une des principales questions qui lui vient est de savoir s’il est assuré pour couvrir ce qu’il pressent ne pas être une simple faiblesse passagère. La première personne à qui il parle le lundi matin est son assureur, le dirigeant préférant épargner son épouse dans un premier temps. Le professionnel est très compréhensif et rassurant : Christophe Lucas est couvert. Le chef d’entreprise contacte ensuite son médecin. "Il m’a dit : je peux t’aider chimiquement mais psychologiquement, que comptes-tu mettre en place ?"

"Des coups durs tout le temps"

Le premier exercice est de déterminer la cause de ce burn-out, même si le rythme de travail effréné du dirigeant semble orienter assez vite l’analyse. "Être chef d’entreprise, c’est être un modèle de résilience. On a des coups durs tout le temps", témoigne-t-il. "On est toujours en prise, il y a tout le temps des sujets, que ce soit en termes de réglementation, de RH… Et dans un métier de création comme le nôtre, c’est comme une petite chanson toujours au coin de la tête. Et il y a eu le moment Covid, avec ses incertitudes et ses disparitions. J’étais dans un état de fatigue générale et il y a longtemps que je mettais des gommettes sur cette fatigue. Le contenant était bien grand mais après 25 ans à ce rythme, il y a eu la goutte de trop."

Complexe de l’imposteur

Pourtant, le premier mois suivant ce débordement, le Briochin continue de venir à l’agence mais sans pouvoir véritablement travailler. "Je recevais des messages mais je ne pouvais plus les lire. Mon épouse, qui m’accompagne depuis le début dans l’entreprise et en assure la comptabilité, les lisait à ma place et y répondait. Comme mon traitement médical entraînait parfois des pertes de mémoire, elle m’accompagnait à mes rendez-vous, pour se souvenir de ce qui se disait si je ne pouvais pas le faire. J’ai développé un complexe, celui de l’imposteur au sein de ma propre agence."

Progressivement, Christophe Lucas y vient de moins en moins. "J’y ressentais de l’angoisse. J’en suis même venu à faire des détours en voiture pour ne pas avoir à passer devant", confie le Costarmoricain. Auprès des douze collaborateurs de l’entreprise comme des clients, on parle de fatigue, de surmenage. Après un premier arrêt de travail de trois mois, Christophe Lucas est prolongé pour trois mois supplémentaires. La grande annonce est finalement réalisée en décembre. Les salariés apprennent qu’il ne s’agit pas d’un gros coup de fatigue mais bien d’un burn-out.

Si ces premiers mois, la présence de Rachel Lucas a été "déterminante", assure le dirigeant, soulignant combien "elle a pallié les problèmes et fait le lien", une autre femme va se rendre visible et être un appui majeur. Aurélie Esquirou, la directrice commerciale de l’agence. Dès les premiers jours de l’annonce de l’arrêt maladie de Christophe Lucas, la jeune femme lui envoie un mail, lui disant en substance qu’il peut compter sur elle. "Nous avions déjà discuté avant tout cela de son évolution. Aurélie avait l’impression d’avoir atteint un plafond de verre dans l’agence mais je lui avais dit qu’on allait trouver un moyen pour lui permettre d’évoluer. Son message m’a soulagé d’un poids", se souvient le chef d’entreprise. "Ce mail, c’était simplement pour te dire que j’étais là, prête à prendre des responsabilités et qu’on allait assurer", se souvient la jeune femme.

L’ombre de la transmission

Dès le mois d’octobre, celle qui est arrivée au sein de l’agence comme chargée de projet en 2017, prend le leadership, et ce avec l’aval du chef d’entreprise. "Nous avons beaucoup discuté. C’était à elle de me convaincre, on ne pouvait pas simplement se taper dans la main. Elle allait avoir de la liberté mais il fallait que je valide une feuille de route préalablement", raconte le dirigeant. D’autant que les deux filles du couple travaillaient dans l’agence et pouvaient prétendre au poste. "J’avais dit dès le début à mon équipe qu’elles ne seraient pas privilégiées mais que malgré cela, elles restaient mes enfants."

Passer la main

Derrière ce changement de direction, se dessine aujourd’hui l’ombre de la transmission de l’entreprise. "Je ne suis pas dans la dynamique de passer le bébé", réfute Christophe Lucas. Le récent départ de l’agence de ses deux filles vers de nouvelles aventures professionnelles rebat cependant les cartes pour l’avenir.

En attendant, Aurélie Esquirou a été nommée officiellement directrice générale de l’agence en mars, avec deux adjoints. De son côté, Christophe Lucas, qui attend de savoir si un nouvel arrêt de travail va sanctionner son état de santé, ne compte pas reprendre un jour sa position au sein de l’agence. "J’ai passé la main." Mais il ne manque pas de projets, dont celui de continuer à participer à la stratégie de son agence. Et aussi de développer Duhn, une agence de design global qui décline les marques employeur sur différents canaux (objets, mobilier…). Il l’a créée en 2020 avec l’agence UH Architecture, qui partage les mêmes locaux que Des Ronds Dans l’Eau. Mais aucune communication n’a été faite pour la faire connaître. Il y a donc beaucoup à faire. Et en premier lieu, pour Christophe Lucas, retrouver le plaisir de travailler.

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