Denis Allard (Thales Alenia Space) : « Nous nous entourons pour adresser les marchés du new space »
Interview # Spatial # Innovation

Denis Allard directeur de Thales Alenia Space à Toulouse Denis Allard (Thales Alenia Space) : « Nous nous entourons pour adresser les marchés du new space »

S'abonner

Le directeur du site toulousain de Thales Alenia Space (7 700 salariés dont 2 600 à Toulouse ; CA 2019 : 2,15 Md€) Denis Allard, partage la stratégie de l'entreprise face à une reprise du marché des satellites de télécommunications et à l'évolution des modèles de l'industrie spatiale.

D'après Denis Allard, directeur du site toulousain de Thales Alenia Space, l'entreprise ne souhaite pas se positionner directement sur le marché du new space pour l'instant. — Photo : Thales Alenia Space

Quelle est votre implication dans le marché des constellations de smallsats ?

Aujourd’hui, un grand nombre de PME développe des nanosatellites et des équipements pour le new space, notamment à Toulouse. De notre côté, nous ne souhaitons pas nous positionner sur ce marché. Nous n’y serions pas compétitifs aujourd’hui au vu de notre taille. Thales Alenia Space (TAS) apporte donc son expertise en maîtrise d’œuvre des systèmes et adresse le marché du new space en faisant des partenariats avec les start-up. Par exemple, nous sommes responsables de l’architecture système de la future constellation Kinéis. Nous étions également responsables, en partenariat avec Syrlinks, de l’instrument Argos miniaturisé lancé avec le satellite Angels le 18 décembre dernier.

Thales Alenia Space investit-il dans les entreprises du new space ?

Dès que nous le pouvons. Forts de notre expérience au titre de maître d’œuvre de la constellation Iridium Next incluant 81 satellites de télécommunications en orbite basse, nous avons créé la joint venture LeoStella avec l’américain Spaceflight Industries. Elle est dédiée à la conception et à la fabrication de petits satellites d’observation de la Terre. LeoStella possède un site de production à grande échelle à Tukwila près de Seattle aux États-Unis, d’une capacité de 30 smallsats par an. Les 60 microsatellites de la constellation BlackSky d’observation de la Terre à haut niveau de revisite sont en cours de production, et plusieurs ont déjà été lancés. Nous avons aussi investi dans la société de services d’information NorthStar, basée à Montréal. TAS apporte ainsi des solutions au développement d’une constellation 40 satellites d’observation de l’espace depuis l’espace, en lien avec la problématique des débris spatiaux.

Indirectement acteur du new space, comment TAS innove-t-il dans ses activités propres ?

Selon moi, on observe aujourd’hui deux tendances majeures dans le spatial : les constellations de petits satellites en orbite basse et les satellites géostationnaires pour lesquels les besoins évoluent très vite. Nos clients recherchent plus de flexibilité, par exemple grâce à des satellites reconfigurables en vol. Depuis quelques années, nous savons le faire partiellement, mais l’objectif est d’avoir 100 % du satellite et des antennes reconfigurables en orbite. En septembre, nous avons donc sorti une nouvelle ligne de produits, Space Inspire, de satellites de télécommunications numériques et compacts, dont la mission peut être reprogrammée en orbite à tout moment et en moins de 24 heures. Avec ces satellites plus petits et compétitifs, l’engagement client de livraison est réduit à 18 mois et trois satellites au lieu d’un pourront être placés en orbite par un même lanceur. Disposer d’une solution agile et reconfigurable en vol permettra aux opérateurs de capter des opportunités commerciales à tout moment.

Surfez-vous sur la vague de la propulsion électrique ?

Nous avons remporté divers appels d’offres entre fin 2019 et début 2020 avec notre nouvelle plateforme pour satellites à propulsion 100 % électrique. Ce produit Spacebus Neo fait l’objet de sept commandes et six devraient être lancés en 2020. Le premier à l’utiliser est le satellite de télécommunications Eutelsat Konnect, lancé mi-janvier depuis le centre spatial guyanais à Kourou. Le volume et la masse gagnés grâce à cette plateforme permettent d’emporter une charge utile environ deux fois plus importante. Enfin, nous améliorons constamment la capacité de traitement des données en orbite, pour aboutir à des satellites plus performants. Nous allons pour cela lancer de nouvelles versions de notre Digital Transparent Processor (processeur numérique développé par TAS, NDLR) en 2020, pour atteindre des vitesses de traitement de l’ordre du térabit par seconde.

Êtes-vous confiant quant à l’évolution de vos marchés ?

En 2019, TAS a remporté quatre des 17 appels d’offres parus dans le monde pour la construction de satellites de télécommunications « classiques », ainsi que deux charges utiles sur un programme espagnol. Ceci est positif mais nous restons prudents. Le marché des télécommunications va sûrement avoir d’énormes besoins dans la transmission des données, et nous nous y préparons. Nous nous entourons également de partenaires, des start-up en particulier, pour adresser les marchés du new space en parallèle. Le monde du spatial évolue, tout va beaucoup plus vite. Nous nous donnons donc les moyens d’anticiper les attentes futures de nos clients.

# Spatial # Innovation