Bénéteau : « La reprise du nautisme s'annonce plus solide »
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Bénéteau : « La reprise du nautisme s'annonce plus solide »

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Nouveau président du directoire du groupe Bénéteau, Hervé Gastinel revient sur la reprise de ses deux marchés : le nautisme et la construction. Du développement international à la conquête des plaisanciers de demain, il livre un avant-goût de son prochain plan stratégique, qui sera dévoilé fin janvier.
— Photo : Le Journal des Entreprises

Sur les salons d'automne et notamment le « Nautic » de Paris, vous avez constaté une progression des carnets de commandes. Hervé Gastinel, pensez-vous que la reprise entamée en 2014-2015 sera durable ?
Il faut être vigilant. N'oublions pas l'épisode de 2011, durant lequel on a connu un faux redémarrage, avec un marché qui a rebondi, avant de s'effondrer à nouveau. Cette fois-ci, la reprise du nautisme s'annonce plus solide, parce qu'elle est mieux répartie au niveau international. Même s'il y a des zones moins dynamiques.



Quelles sont les perspectives ?
Le marché mondial du nautisme devrait progresser de l'ordre de 5 à 7 % en 2015-16. C'est aussi la croissance de chiffre d'affaires qu'on vise à notre échelle, car le groupe Bénéteau couvre l'ensemble des grandes zones du globe. Sachant que notre activité bateaux a déjà progressé de 10,7 % en termes de chiffre d'affaires, à périmètre et taux de change comparables l'an dernier.

Dans l'habitat, car on fabrique aussi des mobile-homes et des maisons à ossature bois, via IRM, O'Hara et BH, on observe un début de reprise. Bien que cette activité ait connu un léger recul l'an dernier, sur le dernier trimestre de l'exercice 2014-2015 achevé au 30 août, le chiffre d'affaires a progressé de 27 %.

Si la reprise s'est d'abord manifestée dans le bateau, cela tient à sa dimension plus internationale.



Cette plus grande internationalisation explique le rebond ?
On peut dire ça. Pendant la crise, le groupe a accéléré son internationalisation, ce qui lui permet de rebondir aujourd'hui mieux et plus fort que ses concurrents.

Aujourd'hui, deux grandes régions du monde tirent la croissance : les États-Unis d'abord et l'Europe, avec l'Angleterre, l'Allemagne, puis l'Espagne et l'Italie. Après une année stable, la France s'oriente, elle aussi, vers une tendance positive sur l'année en cours. Le Moyen-Orient et le Pacifique restent dynamiques. La Chine marque le pas. D'autres pays souffrent, en revanche, comme la Russie, la Turquie, le Brésil ou le Canada, qui connaissent une récession.



Comment se répartissent vos effectifs ?
L'entreprise emploie près de 7.000 collaborateurs, intérimaires inclus, dans le monde. Dont environ 4.000 en Vendée. Notre présence industrielle s'étend sur plus de 15 usines en France, aux États-Unis, au Brésil, en Italie et en Pologne.

La France compte une dizaine de sites en Vendée, plus un à Cholet et un autre à Bordeaux (NDLR : 1.000 personnes y travaillent pour le chantier CNB, spécialisé dans les catamarans et voiliers de 60 à 100 pieds). Aujourd'hui les deux tiers du chiffre d'affaires proviennent toujours des produits fabriqués en France, et la moitié des produits vendéens.



Vous venez de prendre les rênes de Bénéteau. Quid des grands chantiers à venir ?
Je ne livrerai ma stratégie en détail que fin janvier. Mais ce que je peux déjà dire, c'est que je commencerai par transformer l'organisation du groupe Bénéteau, aujourd'hui très complexe. Car le groupe s'est développé rapidement en France et à l'étranger. Je vais passer une partie de mon temps à simplifier et rendre plus réactive l'organisation interne.

Attention, il n'est pas question de plans sociaux, ni de regroupement de la production, au sens d'une réduction des sites industriels.

La communication fait aussi partie des chantiers. Notre visibilité demeure insuffisante. Réputé en France, le groupe Bénéteau a besoin d'être davantage connu au niveau international. Cela passe, entre autres, par une très belle histoire à raconter, riche de plus d'un siècle d'existence, une réflexion sur l'architecture des marques, ou encore par un travail sur la lisibilité du groupe, notamment sur la compréhension de ses différents métiers. Par exemple, en expliquant que Bénéteau n'est pas qu'un fabricant de bateaux, mais intervient aussi dans l'habitat résidentiel et de loisirs.

Enfin, et c'est tout aussi important, nous allons faire évoluer notre « plan produits », pour répondre aux besoins de nos clientèles, de celle très haut de gamme aux primo-accédants.


Notamment développer les bateaux à moteur et de très grande dimension ?
Notamment, car le marché du moteur continue de croître plus vite que celui du voilier. Le groupe a déjà beaucoup communiqué là-dessus. Mais j'irai encore plus loin en janvier. En montrant aussi qu'un chantier comme le nôtre ne peut pas non plus être absent des bateaux de plus petite taille.

Le groupe doit se renforcer dans ce segment des petits modèles, adapté aux primo-accédants, afin d'attirer de nouveaux venus dans le monde de la plaisance. Je ne veux pas qu'on vieillisse avec nos clients, mais au contraire qu'on génère une nouvelle base d'amateurs. Et pour séduire ces futurs plaisanciers, il faudra leur proposer un produit abordable, polyvalent et performant.



Avec le boom du numérique et des philosophies du partage, on voit fleurir des sites web de location de bateaux entre particuliers, un « BlaBlaCar du nautisme », etc. Comment vous positionnez-vous là-dessus ?
On est à l'écoute de toutes les initiatives dans ce domaine. À vrai dire, nous étudions la possibilité de nouer des accords avec des start-up du web, sur les aspects collaboratifs et de services liés au nautisme.

Sur le marché américain, un partenariat a ainsi été conclu entre Rec Boat Holdings (NDLR : fabricant de bateau racheté aux USA en 2014) avec « Cruzin », une plateforme sur laquelle un particulier peut louer du temps de navigation sur son bateau.

Via un échange de bases de données, Bénéteau apporte à Cruzin des informations sur ses clients propriétaires de bateau, qui peuvent avoir un intérêt à générer un revenu en mettant à disposition leur embarcation à des loueurs. En retour, la start-up nous communique des bases de données de ses clients. Car les loueurs d'aujourd'hui sont les acheteurs de demain et vice-versa. Il s'agit d'un premier test.


Avant de prendre des parts dans des start-up ?
Ce n'est pas exclu.



Ces nouvelles pratiques pourraient impacter votre business et réduire vos ventes ?
Aujourd'hui non. Et, a contrario, demain ça pourrait même être un levier de croissance. Car plus les bateaux naviguent, plus la pratique du nautisme s'étend, ce qui renforce l'attractivité du marché et le fait croître. On pourrait d'ailleurs avoir la même réflexion sur le mobile-home.



Y a-t-il des investissements prévus en Vendée ?
Le grand projet en cours reste l'usine de Givrand, un chantier à 35 millions d'euros. Il est encore à l'étude, mais l'usine se fera. Les terrains ont été achetés, les plans dessinés. À présent, on réfléchit à la planification du site.

La date de lancement est liée à la croissance du marché et au lancement de la stratégie industrielle que je suis en train d'affiner.Tout doit être synchronisé. Il s'agira en partie d'un transfert d'une usine de Saint-Gilles, et le site prendra le relais sur les plus grands bateaux.



Beneteau augmentera ses investissements cette année ?
Le budget d'investissement en cours s'élève à près de 90 millions d'euros sur 2015-16, soit une augmentation d'environ 50 % comparée à l'an dernier, dont une grosse partie va être injectée en France.

Groupe Bénéteau (Saint-Gilles-Croix-de-Vie)
Président du directoire : Hervé Gastinel
7.000 salariés ; 970 M€ de CA
02 51 26 88 50 ; www.beneteau-group.com

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