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Qui prend le train du BIM avant les autres?
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Qui prend le train du BIM avant les autres?

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Un pavé… numérique dans la mare ? Créateur du premier BIM-center en Bretagne, Be to Bim, Stéphane Graux-Hervé regrette les atermoiements de l’Etat sur la révolution numérique du bâtiment, dans un pays déjà en retard sur ses voisins. Au final, les secteurs de la bancassurance, du négoce et de la fabrication de matériaux de construction prennent le train avant le bâtiment, pourtant le premier secteur intéressé.

— Photo : Xavier Eveillé

Fondateur il y a huit ans de Capital Performance Énergie, bureau d’études et de contrôle technique du bâtiment, Stéphane Graux-Hervé a créé fin 2017 le premier BIM-center en Bretagne appelé Be-to-Bim, près d'Auray (Morbihan). Il croit en l’essor du Building Information Model, la révolution numérique des métiers du bâtiment. Pour autant, les premiers pas du BIM-center sont encore timides.

Organisation de conférences et de formations, conseils techniques sur place, espaces de coworking… Si au BIM-center de la zone du Moustoir, à Crac'h, tout est fait pour anticiper le changement de modèle économique et technologique, les PME et artisans du bâtiment ne suivent pas encore : « Les grandes entreprises et certains constructeurs sont les premiers à l’avoir intégré, comprenant que c’était une bonne façon d’aller chercher de la marge », observe Stéphane Graux-Hervé. Il est vrai que les futures réglementations, promouvant notamment l’essor des maquettes numériques dans le bâtiment ont été repoussées de cinq ans à 2022. D’où le différé... d’intérêt des acteurs de la filière.

L'entreprise de 5 salariés, en plan de continuation, doit donc s’adapter à cette déconvenue : « On trouve regrettable que le gouvernement ait reporté cette obligation légale, c’est un mauvais signal. Une façon de laisser entendre que c’est une mauvaise réforme alors que, pour l’entrepreneur, elle est porteuse d’énormes avantages, avant, pendant et après, à réception des chantiers. » Le numérique permet d’améliorer la fiabilité des devis, d’éviter les mauvaises surprises sur les chantiers en cartographiant structures et réseaux…

Frilosité dans le bâtiment, hormis certains constructeurs

« Il y a une frilosité à changer ses habitudes, en sachant pertinemment que les petites entreprises n’y iront pas. C’est d’ailleurs l’intérêt des formations et des services autour du BIM qui permettent d’externaliser cette problématique. Des solutions se sont mises en place, elles existent. » A ce jour, quelques constructeurs s'y sont fortement frottés. C'est le cas en Bretagne par exemple de Trecobat, mais aussi des Maisons du Belon, très en pointe sur les normes thermiques.

Si les PME, artisans notamment, peinent à prendre les vents « porteurs » du numérique, l’intérêt est autre dans le négoce. Les distributeurs, mais aussi les fabricants de menuiseries, par exemple, suivent de près l’essor des bases de données dans le BIM. Un fabricant peut y incrémenter toutes ses références catalogues. Un prolongement bien réel à ce que proposent de manière virtuelle des logiciels de design très courus actuellement. « Demain, on pourra ainsi commander directement ses fenêtres depuis une maquette numérique. »

« En termes de timing, on est au niveau de l’Amérique du Sud et de l’Afrique. »

Pour Stéphane Graux-Hervé, ce report est d’autant plus préjudiciable que tous les pays européens ou presque s’y sont mis. « En termes de timing, on est au niveau de l’Amérique du Sud et de l’Afrique ! Le BIM est au bâtiment la révolution qu’a connue l’industrie il y a 20 ou 30 ans. La France a trop souvent un train de retard. Voilà, c’est encore le cas. »

Anticipation dans le négoce et l’assurance

Finalement, ce sont des entreprises du secteur tertiaire qui se placent en premier et devancent les échéances. Les assureurs ont bien compris les avantages à tirer du numérique dans le bâtiment : « Il est de plus en plus difficile de justifier des hausses tarifaires. Le BIM apporte des solutions dans la prévention des sinistres. »

La mise en place d’un carnet d’entretien numérique avec des alertes, des conseils auprès des particuliers, est ainsi une piste sur laquelle la PME morbihannaise s'est beaucoup investie ces dernières années. Là encore, la société d’Auray a travaillé en "stakhanoviste". En créant son propre carnet d’entretien numérique avec des préconisations qui tombent souvent sous le sens (« une maison bien entretenue a plus de valeur »). D'autres moins : « Comme de graisser les joints de ses menuiseries pour allonger leur durée de vie et dépoussiérer régulièrement sa VMC, premier facteur d’incendie ! » Le carnet reste ouvert, pour ne rien imposer aux gens.

L'impression d'innover dans le désert ?

Fait rare, la PME finance toute sa R&D sur fonds propres. Avec parfois l'impression d'innover dans le désert. L’entrepreneur garde en tête les errements de l’État sur l’appel à manifestation d’intérêt dans le cadre du plan de transition numérique. « Plus d’un million d’euros ont été investis pour qu’au final, aucun cahier opérationnel ne sorte ! Nous n’avions pas été retenus pour cet appel d’offres. »

Le paradoxe, c’est qu’aujourd’hui ce cahier n’existe pas. «En dépit de toutes nos péripéties, le nôtre si », constate sobrement Stéphane Graux-Hervé...

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