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Clémentine Gallet : « Coriolis Group consolide ses bases en attendant la reprise aux États-Unis »
Interview Morbihan # Aéronautique # Conjoncture

Clémentine Gallet : « Coriolis Group consolide ses bases en attendant la reprise aux États-Unis »

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Coriolis Group doit s’adapter au ralentissement mondial. Le spécialiste en conception-fabrication de machines et de têtes de placement de fibres composites travaille pour les grands noms de l’aéronautique. En croissance de 20 % par an, il s’attend à un plus modeste +3 % en 2019. En cause : les difficultés rencontrées par Boeing et les effets de la guerre commerciale avec la Chine.

— Photo : (c) Coriolis Group/Legoupil

Le Journal des Entreprises : Coriolis Group (170 salariés pour 30 M€ de CA) s’est imposé comme un acteur très innovant sur un segment porteur. Quel a été le premier signal d’alerte sur ce retournement de conjoncture ?

Clémentine Gallet : Le premier indicateur a été quand Boeing a annoncé, après le dernier crash du 737 MAX, qu’il n’allait pas lancer de nouvel avion à la date prévue. Là, on a compris… Pour autant, nous nous préparons à la reprise du marché américain, mais difficilement avant deux ou trois ans. Et nous savons pertinemment qu’il faudra être très réactifs quand ce marché clé repartira de l’avant.

L’impact de la guerre commerciale entre Washington et Pékin se fait également sentir en Chine, où nous vendons aussi des machines. En revanche, nous gagnons de nouveaux marchés en Europe. Nous sommes toujours très présents sur le continent, notamment auprès d’Airbus et de Premium Aerotec, en Allemagne… Nous pouvons vendre jusqu’à quatre ou cinq machines sur une même ligne de production. La situation n’est donc absolument pas dramatique : beaucoup d’entreprises aimeraient avoir des creux de croissance à +3 % ! Simplement, nous ne sommes pas habitués, nous qui croissions plutôt de 20 % chaque année. C’est une première pour nous.

Comment réagissez-vous à ces signaux ?

C.G. : Quand on est habitué à ce rythme de croissance, il faut s’adapter à la météo et donc adapter aussi la voilure. Coriolis Group a la trésorerie pour faire face. Nous allons en l’occurrence anticiper en réorganisant les cinq filiales internationales. Nous conservons une présence auprès des clients, mais plus légère. L’entreprise favorise aussi quelques départs volontaires – issus souvent des jeunes générations. Cela se passe naturellement. Certaines personnes avaient des projets personnels, familiaux, ou des projets de reconversion en tête. Nous ne renonçons pas aux recrutements pour autant. C’est tout un jeu d’équilibre qu’il convient de trouver, car nous devons aussi embaucher pour assumer nos compétences très spécifiques et à très forte valeur ajoutée.

« On ne fait pas de la recherche et développement à l’aveugle, ni en réponse à la conjoncture. »

Coriolis Group a par ailleurs lancé cette année son dernier-né robotique, la C5. Cette machine va permettre à l’entreprise d’élargir sa gamme à la fabrication d’ailes en composite. Elle permet aux clients de monter en productivité sur le drapage de grandes pièces. Jusqu’à présent, Coriolis Group était présent dans le drapage composite sur pièces courbes (fuselages, nacelles…). Avec la C5, nous accédons aux marchés du drapage sur pièces planes, comme les ailes. Ce développement est le fruit de plusieurs années de recherche et développement. Mais nous n’avons pas attendu ce ralentissement de la conjoncture pour investir sur cette gamme et si nous l’avons fait, c’est parce que nous avions déjà des clients. On ne fait pas de la Recherche et développement à l’aveugle, ni en réponse à la conjoncture. Mais la C5 va bien entendu permettre de pallier au ralentissement du marché américain ou chinois. La première commande est en cours de livraison au Royaume-Uni.

La concurrence est-elle aussi impactée par les difficultés de l’avionneur américain ?

C.G. : Oui et je pense même plus fortement que nous. Coriolis Group n’a pas les mêmes frais de structure. Nous sommes l’un des acteurs les plus petits du segment. Nous restons humbles, agiles et nous différencions par une forte intégration en interne de l’ingénierie digitale. Nous avons notamment un atout qui nous distingue d’eux : nous proposons des logiciels complémentaires à nos machines. Cette soft ingénierie est assurée sur notre site du parc de Soye, à Ploemeur. C’est un vrai plus pour nous.

Envisagez-vous de poursuivre la croissance externe du groupe ?

C.G. : Nous avons créé des synergies fortes en acquérant le normand MF Tech, dans l’Orne. Nous avons à présent un an de recul sur le rachat de MF Tech. L’intégration se passe bien et permet de monter en compétence dans le carbone et en robotique. Cela a permis ainsi, également, d’enrichir notre catalogue. Des projets de croissance externe sont toujours à l’étude.

Qu’en est-il de la réorganisation matérielle et logistique des quatre sites bretons ?

C. G. : Coriolis Group recourt à quatre sites dans le pays de Lorient : zone du Mourillon à Quéven (siège, montage des sous-composants, Recherche et développement), parc de Soye à Ploemeur (soft et ingénierie), zone de Caudan (atelier d’assemblage) et de Lorient-Kerletu (assemblages spécifiques). Nous jonglons un peu, en effet. C’est un dossier qui n’est pas simple mais qui avance. Nous ne renonçons pas à ce projet.

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