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Avec la cellulose moulée, Écofeutre fait carton plein
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Avec la cellulose moulée, Écofeutre fait carton plein

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Spécialiste des solutions d’emballage en cellulose moulée, Écofeutre dispose de deux sites de production, à Naizin et au Sourn. Du plus récent sortent des millions de bols à salade recyclables. Une alternative durable au plastique jetable.

Christophe Rohou, directeur général d'Écofeutre, et Laurie Jésus, responsable du site de production du Sourn. Cette deuxième usine a ouvert en mai 2019, après celle implantée à Naizin depuis 1998 — Photo : Nicolas Rousseau

« La fin du plastique jetable étant programmée, nos potentiels clients sont demandeurs de solutions alternatives. Et la cellulose moulée en fait partie ». Christophe Rohou, directeur général d’Écofeutre, énumère sans mal les qualités et les propriétés fonctionnelles de sa matière première : résistance aux chutes, aux chocs, aux vibrations, aux variations de température… Surtout, il insiste sur la « boucle vertueuse » de cette fibre, issue du recyclage de papiers et elle-même recyclable à 100 %.

L’activité d’Écofeutre démarre en 1998 sur le site historique de Naizin, à Évellys. L’usine est alors dédiée à la production d’alvéoles d’œufs en cellulose moulée pour contenir les œufs Matines de l’usine voisine. Elle emploie à l’époque une dizaine de salariés et dispose seulement de deux lignes de production. Vingt ans plus tard, les boîtes d’œufs appartiennent au passé. Écofeutre est maintenant spécialisée dans la conception et la fabrication de calages et d’emballages en fibre moulée. En 2019, l’entreprise a réalisé un chiffre d’affaires de 10 millions d’euros. Au cours de la dernière décennie, elle a connu une croissance de 124 %. Le nombre de collaborateurs est passé à 75, répartis sur deux sites de production, l’un à Naizin, l’autre au Sourn.

Des chips aux mochis jusqu’aux bols à salade

La société Écofeutre est une filiale du groupe Alain Glon Holding (AGH), créée en 2008 par l’industriel pontivyen Alain Glon. La création de ce holding intervient après la cession, à Sofiprotéol du groupe agroalimentaire familial, spécialisé dans l’alimentation animale et la transformation (œufs et volailles, notamment). Au sein d’AGH se développent rapidement plusieurs activités, pour atteindre un chiffre d’affaires consolidé de 150 M€ en 2019. Premier producteur français de chips, la société Altho et sa marque Bret’s constituent la société leader d’AGH. Sober, l’unité de méthanisation du groupe, produit quant à elle du biogaz à partir des coproduits et déchets de pommes de terre des usines Altho. Au sein de AGH, Socofag en assure également la valorisation pour les éleveurs. Cette activité complète celle, principale, de valorisation des produits dérivés du bois. Jeune filiale créée en 2017 par AGH, Tiliz développe des gammes de desserts d’inspiration japonaise, les mochis, à destination des professionnels de la restauration, du snacking et de la distribution. « L’ADN agroalimentaire du holding explique l’orientation prise par Écofeutre, dès sa fondation avec des boîtes d’œufs jusqu’aux bols à salade produits depuis l’an dernier », explique Christophe Rohou.

Des bols à salade par millions

Le site historique d’Écofeutre emploie 60 salariés, s’étend sur 6 000 m² et abrite 18 lignes de production. En mai 2019, un deuxième site d’environ 3 000 m² est inauguré au Sourn, à une quinzaine de kilomètres de celui de Naizin. Il emploie aujourd’hui une quinzaine de salariés. L’entreprise y conçoit des solutions écologiques alors que l’interdiction à la vente en lots de vaisselle en plastique jetable (verres, gobelets, assiettes) est en vigueur depuis janvier. « La réglementation change et a accéléré notre réflexion autour de la production de contenants à contact alimentaire », souligne Christophe Rohou. Tous les plastiques à usage unique seront interdits d’ici 2040.

La conception de nouveaux produits a démarré en janvier 2019. « Sur le marché des bols à salade, la demande existait sans être forcément ciblée. Nous avons réfléchi à des solutions », rappelle le directeur général. En mai, les premiers produits sortent des lignes. En seulement six mois, pas moins de cinq millions de bols avec leur couvercle sont produits à destination de chaînes de restauration rapide et à emporter. L’usine évolue encore et devrait prochainement connaître ses premières extensions, sa capacité initiale pouvant être doublée. D’autres produits sont à l’étude comme des barquettes alimentaires. Pour vraiment concurrencer le plastique et le remplacer, la recherche se porte sur l’amélioration des propriétés fonctionnelles de la cellulose moulée. Les barquettes du futur devront résister à la congélation aussi bien qu’au réchauffage, notamment au four à micro-ondes.

Écofeutre produit des porte-gobelets en cellulose moulée à destination des grandes enseignes de la restauration rapide, McDonald's et KFC en tête — Photo : Écofeutre

Sur les deux sites, les grandes lignes de process sont assez similaires et consistent au thermoformage de fibre. Néanmoins, explique Christophe Rohou, « nos sites sont séparés parce que nous n’y fabriquons pas la même chose. Les finalités de nos produits diffèrent, ainsi que la matière première utilisée. Le site du Sourn produit exclusivement des contenants alimentaires. Il nécessite une fibre vierge de bois non issue du recyclage et intégralement recyclable ».

Plusieurs familles de produits sont réalisées à Naizin, notamment des porte-gobelets à destination des chaînes de restauration rapide, McDonald’s et KFC en tête, à l’échelle européenne. Plusieurs dizaines de millions d’unités sont produites par an. Un autre îlot de production fabrique des plaques intercalaires posées sur des briques alimentaires pourvues de bouchons, pour le compte de groupes laitiers par exemple. Écofeutre fabrique également des éléments de calage, notamment pour les appareils électroménagers dont ils épousent la forme, la cellulose moulée concurrençant alors le polystyrène. La quatrième famille de produits vient d’être lancée et regroupe notamment des pots horticoles, en remplacement de ceux en plastique.

Dessinateurs et impression 3D

Chaque année, Écofeutre recycle quelque 5 000 tonnes de papiers. La collecte s’effectue localement, « dans un rayon qui n’excède pas une centaine de kilomètres autour des sites de production », dans un souci écoresponsable. L’entreprise collabore avec les communautés de communes environnantes, les déchetteries, mais aussi diverses associations et écoles qui procèdent à des collectes de papiers. Le kraft constitue une autre fibre recyclée et Écofeutre récupère aussi les chutes des cartonnettes d’emballage (sacs en papier, cartons de gâteaux boîtes de pâtisseries), directement auprès de fabricants d’emballage. La fibre de bois, dans un souci de cohérence écologique, est issue d’un approvisionnement national. Un seul fournisseur, nord-européen, déroge à cette règle. À partir de ces différentes matières, papiers et bois, Écofeutre crée sa propre fibre moulée, selon un process original, basé sur le principe de séchage en moules fermés.

Christophe Rohou, directeur général d'Écofeutre, et Laurie Jésus, responsable du site de production du Sourn, où sont fabriqués les bols à salade en cellulose moulée depuis mai 2019 — Photo : Nicolas Rousseau

Mis en place à partir de 2006, ce procédé, qui s’apparente au principe du gaufrier, améliore la qualité des produits finis par rapport au séchage traditionnel en four. Il augmente notamment le taux de capacité à être empilés, ce qui optimise la logistique et le transport. Au sein de l’entreprise, le service R & D et le bureau d’études emploient 10 salariés, dont les dessinateurs industriels qui assurent la conception des moules adaptés à la demande de chaque client. « Nous accompagnons nos clients tout au long du processus, de la création jusqu’à la production. » L’entreprise assure, en interne, l’impression 3D de la plupart des prototypes, les plus grands pouvant être externalisés. Écofeutre ne dispose pas de catalogue de produits : chaque calage et emballage qu’elle conçoit est une solution originale. En outre, l’entreprise continue d’explorer de nouvelles matières premières, telles que des fibres végétales. L’idée, indique-t-on chez Écofeutre, est de « proposer des emballages issus de la transformation des fibres de paille, de chanvre ou encore de cacao ». Jusqu’à imaginer, pourquoi pas, des contenants comestibles.

[Fiche Entreprise]

10 M€ de CA en 2019
Depuis 2010 et la mise en place de nouveaux process de production, Écofeutre enregistre une croissance de + 124 %. L’entreprise dispose de deux sites de production, le premier historiquement installé à Naizin (18 lignes de production) et le deuxième implanté au Sourn (3 lignes).

75 collaborateurs
Le site de Naizin emploie 60 salariés, celui du Sourn, 15. Le seul bureau d’études emploie 10 collaborateurs, affectés au design des emballages et à la recherche de nouvelles matières premières, notamment des fibres végétales (paille, chanvre, cacao…).

5 000 tonnes
C’est le tonnage annuel de papiers recyclés par Écofeutre pour produire sa matière première, la cellulose moulée. La collecte de papiers, de magazines et de journaux s’effectue localement, dans un rayon qui n’excède pas une centaine de kilomètres autour du site de production.

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[Encadré]

Profiter de la fin du plastique jetable

Au démarrage d’Écofeutre en 1998, l’entreprise ne produit que des alvéoles pour œufs. Entre 2005 et 2008, son principal client change de type d’emballage, optant pour des alvéoles en plastique. Pour échapper à la fermeture, Écofeutre est contrainte de modifier tous ses process de production. L’entreprise se lance sur d’autres secteurs d’activité, à la conquête de nouveaux clients. Avec succès. Le plastique jetable aurait pu causer sa perte. Son interdiction progressive se révèle une source d’opportunités nouvelles. En effet, la loi anti-gaspillage pour une économie circulaire, entrée en vigueur le 1er janvier, programme la fin progressive de tous les emballages en plastique à usage unique d’ici à 2040, grâce à des plans quinquennaux. Le Code de l’Environnement interdit déjà la vente en lots de certains produits : assiettes jetables, gobelets ou encore verres. Suivront, en 2021, l’ensemble des gobelets en plastique ou encore les boîtes en polystyrène expansés des kebabs. Un contenant sur lequel Écofeutre travaille déjà. Puis, à partir de 2023, toute la vaisselle en plastique jetable sera proscrite dans les chaînes de restauration rapide pour les repas servis sur place. Des clients potentiels que l’entreprise a déjà approchés et convaincus grâce à ses porte-gobelets recyclables, produits à plusieurs dizaines de millions d’unités.

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