Le Mans
Avec sa filière hydrogène, Le Mans veut carburer plus vert
Enquête Le Mans # Production et distribution d'énergie

Avec sa filière hydrogène, Le Mans veut carburer plus vert

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Au Mans, collectivités locales et acteurs privés font le pari de l’hydrogène. Avec l’installation d’une première station d’approvisionnement, le territoire pose les bases d’un écosystème qui va comprendre des sites de production, de distribution et l'utilisation au niveau local de l'hydrogène.

L'Automobile Club de l'Ouest (ACO) est partie prenante dans le développement d'une filière locale de production, distribution et usage de l'hydrogène vert. L'organisateur des 24 Heures du Mans prévoit d'engager dans la course des véhicules à hydrogène en 2024. Un premier prototype est déjà opérationnel — Photo : Cédric Menuet - Le Journal des entreprises

Un virage dans les mobilités s’amorce au Mans. Depuis juillet, la ville dispose d’une première station de distribution d’hydrogène pour véhicules, installée sur le site de l’aéroport d’Arnage. Une infrastructure portée par l’Automobile club de l’Ouest (ACO) qui a nécessité un investissement de 535 000 euros, soutenu par le conseil régional des Pays de la Loire, le Département de la Sarthe, Le Mans Métropole et la CCI locale.

Derrière cette première unité de distribution, c’est tout un écosystème local dédié au carburant hydrogène qui se construit peu à peu au Mans. « Pour déployer des véhicules fonctionnant à l’hydrogène, le premier pas, c’est la station. Nous initions le mouvement », déclare Pierre Fillon, président de l’ACO. L’organisateur des 24 Heures du Mans s’est ainsi rapproché de Total, son fournisseur de carburant, pour créer cette première pompe de ravitaillement. Un sujet que le groupe pétrolier connaît bien. « Total opère dans le domaine de l’hydrogène depuis 2002. Nous avons une trentaine de stations en Europe, celle du Mans est la première que nous réalisons en France, indique Philippe Callejon, directeur mobilités et nouvelles énergies du groupe. En élargissant notre partenariat avec l’ACO à l’hydrogène, nous voulons démontrer que ce carburant est performant, y compris dans les conditions exigeantes de la course automobile. »

Un sujet capital pour l’avenir de l’ACO qui souhaite plus que jamais ancrer sa célèbre course d’endurance en tant que laboratoire à ciel ouvert des nouvelles technologies automobiles. En ligne de mire, l’engagement de véhicules à hydrogène lors des 24 Heures du Mans 2024. Pour cela, l’organisateur s’est doté d’un prototype de compétition, afin d‘expérimenter le fameux gaz en conditions de course. Et si le bolide est en mesure aujourd’hui de remplir son réservoir sur les bonbonnes de l’actuelle station, l’ACO planche sur des solutions d’approvisionnement rapide, en phase avec les contraintes de la compétition. « Avec Total, nous travaillons au développement d’une plateforme mobile de ravitaillement pouvant fournir 12 kg d’hydrogène en 1.30 minute, contre 5 kg en 6 minutes actuellement. Ce type de station peut être tout à fait adaptée aux trains ou aux bateaux », poursuit Pierre Fillon. Des évolutions technologiques qui devraient ainsi bénéficier, à terme, à un usage pour le plus grand nombre.

Une station grand public en 2021

Photo : Cédric Menuet - Le Journal des entreprises

Car pour l’heure, le site pilote n’est pas dimensionné pour accueillir les automobilistes. Si aux côtés de son prototype de course, l’ACO y ravitaillera sa flotte interne de véhicules de service, son principal utilisateur sera le bus à hydrogène de Le Mans Métropole. Forte d’un premier exemplaire tout juste opérationnel, la collectivité a en effet acté de se doter de 10 de ces engins. Progressivement, d’autres véhicules à hydrogène entreront en service, à l’instar d’une première benne à ordures, courant septembre.

De quoi permettre à l’ACO d’attaquer la seconde phase de son plan de déploiement de l’hydrogène avec la création d’une seconde installation de distribution. D’un coût d’un million d’euros, celle-ci prendrait place à proximité de la première station courant 2021 et serait donc ouverte à tous les véhicules utilisant l’hydrogène. Un gaz qui devrait néanmoins rapidement verdir. Actuellement, celui distribué au Mans est fourni par la société allemande Linde, qui le produit à partir d’énergies fossiles. L’ACO va ainsi prochainement s’approvisionner auprès de la société nantaise Lhyfe. Celle-ci prévoyant en effet la mise en service en 2021 d’un site de production d’hydrogène décarboné en Vendée, issue de l’énergie éolienne. Ainsi, afin de s’assurer une mobilité totalement verte, la collectivité est prête aujourd’hui à développer une filière locale de génération d’hydrogène.

« Nous devons nous aussi devenir producteur, assène Stéphane Le Foll, maire du Mans et président de Le Mans Métropole. Dans le cadre de notre plan solaire, nous allons transformer notre excédent de production d’énergie photovoltaïque en hydrogène. » L’édile compte en effet sur le développement des infrastructures d’exploitation du soleil pour assurer la fabrication par électrolyse d’un gaz décarboné, local. Cela va se concrétiser par la construction de 150 ombrières équipées de panneaux solaires sur le territoire de Le Mans Métropole dans les prochaines années. De nouvelles fermes solaires devraient également sortir de terre, avec la création d’un parc solaire sur un terrain de 14 hectares appartenant à la SNCF et par l’extension du site photovoltaïque du Monné, à Allonnes.

Un écosystème autour de la biomasse

Outre le solaire, le second axe de cette stratégie, c’est la biomasse. Le Mans Métropole soutient en effet le projet de la jeune société sarthoise Qairos Énergies, portant sur la création d’une filière locale de production d’hydrogène vert issu du chanvre. Trois agriculteurs sarthois adhérents à la coopérative des Fermiers de Loué ont déjà signé un contrat portant sur l’approvisionnement de plusieurs tonnes de plantes dès cette année, destinées aux premiers essais grandeur nature. « Le procédé a été validé scientifiquement en laboratoire, cette récolte sera dédiée aux tests d’application sur les futures machines de production », indique Jean Foyer, fondateur de Qairos Énergies. L’entrepreneur entend générer de l’hydrogène grâce à une technologie de gazéification permettant d’extraire le fameux gaz. En s’appuyant sur des producteurs de chanvre situés dans un rayon de 35 kilomètres, Jean Foyer propose ainsi de bâtir un écosystème vertueux. « Le chanvre ne prend pas la place d’une culture vivrière, on y recourt en tête d’assolement quand les terres ne sont pas utilisées. »

Selon Jean Foyer, 150 agriculteurs ont déjà manifesté leur intérêt pour la culture de ce chanvre industriel. Un vivier de producteurs nécessaires pour donner toute l’ampleur au futur écosystème local. Sous trois ans, c’est en effet un site de production dédié à cet hydrogène vert qui doit sortir de terre sur le territoire de Le Mans Métropole. Celui-ci aura la capacité de générer 3,6 tonnes d’hydrogène par jour et devrait nécessiter un investissement de près de 20 millions d’euros. Si les collectivités sont partie prenante du projet, un pool d’investisseurs régionaux privés se constitue pour financer cette future infrastructure. « Des énergéticiens s’intéressent de très près au sujet, ajoute le dirigeant de Qairos Énergies. Avec une production de masse, nous serons en mesure d’approvisionner en hydrogène les industriels et démontrer la validité de cet écosystème qui intègre production, distribution et usage à l’échelle d’un territoire. » Le développement de cette filière sarthoise ne manquera pas d’intéresser la Région Pays de la Loire. Celle-ci va en effet injecter 100 millions d’euros en dix ans dans le développement d’une filière dédiée à l’hydrogène. Dans cette enveloppe, 38 millions d’euros seront consacrés à la R & D en s’appuyant sur les écosystèmes existants, dont celui en émergence au Mans.

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