Mayenne
Actual Leader Group : « Nous pouvons devenir le cinquième groupe d'intérim français »
Interview Mayenne # Ressources humaines

Samuel Tual président de Actual Leader Group Actual Leader Group : « Nous pouvons devenir le cinquième groupe d'intérim français »

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En fusionnant avec Leader, le groupe mayennais Actual devient Actual Leader Group (1 650 salariés, 1,1 milliard d'euros de CA) et passe du 9e au 7e rang des acteurs de l’emploi en France. Mais les deux associés Samuel Tual et Jean-Philippe Papin regardent plutôt vers l'étranger. Le nouveau groupe veut consolider ses positions en Suisse, Portugal et Luxembourg et s'implanter dans d'autres pays européens. Objectif : être moins dépendant de la conjoncture nationale.

La fusion entre Actual et Leader

Le Journal des Entreprises : Vous venez de fusionner avec Leader Group. Depuis quand préparez-vous cette opération ?

Samuel Tual : Jean-Philippe Papin, PDG du Groupe Leader, connaissait mon père depuis 30 ans. Il y a des similitudes entre nous deux sur la culture d’entreprise et en même temps une grande complémentarité au niveau des réseaux (Actual compte 220 agences d'emploi, le groupe Leader en compte 130, NDLR). Nous avons mis deux ans à monter l’opération. Cela devenait essentiel de fusionner pour atteindre une taille critique. Aujourd’hui, avec 350 agences et 1,2 milliard d’euros de CA, nous talonnons le groupe Synergie. Nous avons tous les éléments pour devenir le 5e acteur du marché d’ici à 2021.

Qu’en est-il de la nouvelle gouvernance ?

S.T. : Il n’y a plus de PDG ! Jean-Philippe Papin et moi-même sommes associés. Je suis président et lui directeur général, mais ce ne sont que des statuts. Nous prenons toutes les décisions à deux. Au niveau de capital, nous détenons 70 % tous les deux. Le reste est réparti entre des fonds (20 %) et les salariés (10 %).

Avec cette fusion, vous mettez un pied à l’étranger.

S.T : Le groupe Leader comptait en effet 15 agences en Suisse, Portugal et Luxembourg. Aujourd’hui, les agences étrangères représentent 7 % du CA d'Actual Leader Group. Notre ambition est de porter cette proportion à 20 %. Nous évoluons dans un secteur très dépendant des décisions politiques. Face à la conjoncture qui s’annonce compliquée avec la réforme de l’assurance chômage et la fin du crédit d'impôt compétitivité emploi en 2019, il était important de prendre des positions à l’étranger.

La politique d'Emmanuel Macron

Vous faites partie des entrepreneurs qui ont montré un soutien à Emmanuel Macron pendant la campagne présidentielle. Que pensez-vous des premières réformes prises par le gouvernement ?

S. T : Il y a en ce moment des fausses bonnes idées qui circulent. Le gouvernement a dit qu’il envisageait de taxer les contrats courts (en instaurant un système de bonus-malus sur les cotisations d'assurance chômage pour les entreprises qui ont recours aux contrats de travail de courte durée, NDLR). J’avais déjà interpellé Emmanuel Macron à ce sujet pendant la campagne présidentielle. Le bonus-malus sur les contrats courts, cela ne marche pas. Dans la vraie vie, les entreprises auront toujours besoin de contrats courts. Je considère que la flexibilité ce n’est pas nécessairement de la précarité.

« La taxe sur les contrats courts fait partie des lignes rouges à ne pas franchir. »

Chez Actual, notre activité consiste à mettre des gens au travail avec des solutions flexibles qui concilient liberté et sécurité pour les salariés. J’ai plutôt le sentiment que l’on apporte notre contribution, en mettant plus de 70 000 personnes au travail par an. Avec cette loi, on pourrait donc taxer mon activité au nom du principe du pollueur-payeur. Cela serait injuste et néfaste. Je n’ai pas l’intention de me laisser faire. Je souhaite qu’Emmanuel Macron revienne sur cette idée. Cela fait partie des lignes rouges à ne pas franchir.

Plus globalement, comment observez-vous les mesures prises ?

S. T. : La loi Pacte va dans le bon sens. Le regroupement des seuils, par exemple, est une bonne idée. Globalement, comparé au quinquennat de François Hollande, ce gouvernement engage plus de mesures positives pour les entreprises. Mais il y a aussi quelques points de vigilance. L’Etat ne fait pas suffisamment d’économies. On a une dette qui atteint quasiment les 100 % du PIB, ce qui est insupportable. Face à une croissance moins forte que prévue, la tentation pourrait être grande d’augmenter les impôts ou les taxes, ce qui pourrait alourdir le coût du travail. C’est l’autre point de vigilance.

Emmanuel Macron a dit, quand il était candidat, qu’il voulait être le président du travail. Depuis, il est raillé pour ces propos incitant les chômeurs à « traverser la route pour trouver un travail » ou à « travailler pour se payer un costard ». Est-ce qu’il s’y prend mal ?

S. T. : Sur la forme il s’y prend mal. Cela s’explique par le fait que pour se faire entendre, il est obligé d’être dans des slogans courts qui peuvent être assimilés à de la provocation. Pourtant le sujet du travail mérite d’être mis au centre des débats.

« On ne travaille pas assez en France. C’est un problème comptable : on est passé à un taux d’emploi inférieur à 50 %. »

On a un problème de fond qui, même avec toutes les lois de finance, ne peut être résolu. On ne travaille pas assez. C’est un problème comptable. Seuls 47 % des gens travaillent en France. On est passé à un taux d’emploi inférieur à 50 %. Il y a un profond déséquilibre. Cela veut dire que la contribution et la solidarité ne sont plus possibles. Il faut revoir la définition du travail pour remettre les Français au travail.

La loi sur la liberté de choisir son avenir professionnel, qui réforme la formation et l’apprentissage, va-t-elle dans le bon sens selon vous ?

S. T. : Oui, il doit y avoir une logique de simplification. L’organisation de la formation est une vraie usine à gaz. Le nombre d’OPCA doit être réduit, mais il faut même aller plus loin. Je suis pour une réforme de la formation post-embauche car il y a trop de formations pour les chômeurs et pas assez pour les salariés dans les entreprises. Il s’agirait de positions qui évolueraient a priori. C’est en plein débat.

Le rôle social de l'entreprise

En Mayenne, comme dans le reste des Pays de la Loire, où le taux de chômage est au plus bas, les entreprises sont confrontées à problèmes croissants de recrutement. Les entreprises ne doivent-elles pas aussi se remettre en question sur leur attractivité ?

S. T. : Pour rétablir la confiance entre les travailleurs et l’entreprise, il est impératif d’avoir des chefs d’entreprises qui soient des humanistes visant la pérennité et non le rendement à court terme de leurs entreprises. L’entreprise a un rôle social. Elle ne peut pas avoir comme seul objectif de développer son chiffre d’affaires. Il faut un manager qui ait une conviction forte. La place de l’homme doit être la finalité.

« Il est plus que nécessaire que l’entreprise redevienne une société humaine conviviale. »

Il est plus que nécessaire que l’entreprise redevienne une société humaine conviviale, basée sur des objectifs communs et un enthousiasme à concourir à son développement. Le travail n’est pas que l’univers de la compétition, du stress, de la pression. C’est aussi un lieu de vie, de partage, de coopération.

67 % des Français estiment que les relations humaines dans le travail se sont dégradés au cours des 12 derniers mois, selon une étude Viavoice, publiée à l’occasion de la 5e édition de la Fête des voisins au Travail, dont vous êtes le cofondateur. Comment l’entreprise peut-elle s’engager pour créer plus de convivialité ?

S. T. : C’est pour cela que l’on a lancé le programme Collègues solidaires. L’objectif est d’inciter les collaborateurs à proposer des services gratuitement sur leur lieu de travail. Chez Actual, l'un des salariés donnent des cours de chant gratuitement à la pause de midi. J’aimerais que ce type d’initiative soit plus structurée, que l’on mette en place un vrai label pour encourager ce genre d’action. Quand l'un de nos salariés accueille un enfant, plutôt que de lui offrir des cadeaux de naissance, on organise en interne une bourse aux vêtements, où les parents repartent avec des valises pleines.

Tout est possible si je m’intéresse à l’autre, si je donne du temps. Autre exemple : récemment l'un de nos collaborateurs a vu sa maison brûler. Ses collègues, pour le soutenir, ont souhaité lui donner des RTT. C’était un acte solidaire, auquel j’ai aussi décidé de soutenir, en redistribuant des jours de RTT aux collègues solidaires.

Est-ce suffisant pour motiver les salariés ?

S. T. : Je m’intéresse aussi à la question de la valeur et du partage. J’essaie d’imaginer quelque chose de nouveau pour impliquer les salariés dans l’entreprise. Je pense qu’il faudrait réformer l’intéressement et la participation. Le cadre actuel est trop compliqué, trop rigide.

Son implication au Medef

En tant que président du Medef Mayenne, vous avez soutenu la candidature de Geoffroy Roux de Bézieux. Quelle est votre place au Medef national ?

S. T. : J’ai des liens assez étroits avec Geoffroy Roux de Bézieux. C’est un bon porte-parole. Je n’ai pas la possibilité de m’investir dans les commissions mais, en tant qu’ancien président de la Santé au Travail en Mayenne, je me suis engagé dans des sujets en rapport avec la santé au travail. Après deux mandats au Medef territorial, j’observe désormais ce qui se passe en région (l’élection du prochain président du Medef Pays de la Loire aura lieu en avril 2019, NDLR).

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